Chérif Diop, journaliste : La voie à suivre n’est pas celle des catacombes, mais celle d’un dialogue rénové ouvert et d’une réforme équilibrée Par Dénango Sarré

Cher Chérif Diop, J’ai lu avec grand intérêt votre article « Le Temps des Catacombes ». Votre réflexion sur l’état actuel de la presse sénégalaise soulève des questions importantes sur le rôle des médias dans notre démocratie. Cependant, il est crucial d’examiner la situation sous tous ses angles, y compris les défis fiscaux et sociaux auxquels le secteur est confronté. Permettez-moi de partager quelques réflexions en réponse à vos propos, dans un esprit d’analyse objective et constructive.

La réalité fiscale du secteur médiatique

Il est vrai que de nombreux patrons de presse ne s’acquittent pas de leurs obligations fiscales, privant l’État de ressources essentielles. Les charges sociales retenues sur les salaires des journalistes ne sont souvent pas reversées aux organismes concernés, fragilisant la protection sociale des employés. Cette situation crée une distorsion économique et une concurrence déloyale vis-à-vis des entreprises qui respectent leurs obligations. Ces pratiques, bien qu’ancrées dans le secteur, ne peuvent être ignorées dans un débat sur l’avenir de la presse sénégalaise. Elles soulèvent des questions éthiques et légales qui méritent une attention particulière.

Le mandat du nouveau gouvernement

Le nouveau gouvernement a reçu un mandat clair – 54,28% des voix – pour mettre en œuvre des réformes, y compris dans le secteur médiatique. Cette vision inclut nécessairement une refonte des secteurs clés de l’économie, dont les médias font partie. L’assainissement des finances publiques, y compris la collecte des impôts dus, est un pilier de ce redressement. Il est important de reconnaître que les actions du gouvernement s’inscrivent dans un mandat démocratique et une vision plus large pour le pays.

L’importance d’une presse libre et responsable

Une presse libre est essentielle pour maintenir la transparence et la responsabilité dans une société démocratique. Cependant, la liberté de la presse ne devrait pas être utilisée comme bouclier contre les obligations fiscales et sociales. Un équilibre doit être trouvé entre la protection de la liberté d’expression et le respect des lois fiscales et sociales. Votre plaidoyer pour la presse est louable, mais il est important de reconnaître que la liberté s’accompagne de responsabilités, y compris financières.

Les défis du secteur médiatique

De nombreux médias luttent pour trouver un modèle économique viable face à la digitalisation et à la concurrence accrue. La dépendance aux revenus publicitaires peut compromettre l’indépendance éditoriale. Le besoin de formation continue et de professionnalisation du secteur reste un défi majeur. L’évolution rapide des technologies de l’information nécessite des investissements constants. Ces défis structurels doivent être abordés dans toute discussion sur l’avenir du secteur médiatique sénégalais.

Vers une réforme équilibrée du secteur

Établir un système fiscal équitable qui tient compte des spécificités du secteur médiatique tout en assurant sa contribution aux finances publiques. Renforcer les mécanismes de protection sociale pour les journalistes, en s’assurant que les charges sociales sont effectivement versées. Encourager un dialogue ouvert entre le gouvernement, les patrons de presse et les journalistes pour trouver des solutions durables. Une approche collaborative et équilibrée est nécessaire pour réformer le secteur tout en préservant son indépendance et sa vitalité.

Le rôle des journalistes dans la transition

Les journalistes ont un rôle crucial à jouer en maintenant les plus hauts standards éthiques dans leur travail, indépendamment des défis financiers du secteur. Ils peuvent contribuer à sensibiliser le public et leurs employeurs sur l’importance de la conformité fiscale et sociale pour la durabilité du secteur. Les journalistes peuvent être à l’avant-garde de l’innovation dans le secteur, en explorant de nouveaux modèles de financement et de diffusion de l’information. Votre voix, en tant que journaliste respecté, peut être un catalyseur pour un changement positif dans le secteur.

Un avenir pour la presse sénégalaise

Cher Chérif, votre passion pour le journalisme et votre engagement pour une presse libre sont évidents. Cependant, il est crucial de reconnaître que la pérennité du secteur dépend aussi de sa capacité à s’adapter aux réalités économiques et légales. La voie à suivre n’est pas celle des catacombes, mais celle d’un dialogue rénové ouvert et d’une réforme équilibrée. Ensemble, nous pouvons construire un avenir où la presse sénégalaise est à la fois libre, responsable et économiquement viable.

Par Dénango Sarré, Montpellier 26 août 2024

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