Boko Haram et notre incapacité

Boko Haram a à son actif l’enlèvement de 276 lycéennes, le massacre de 15.000 civils (principalement des villageois), 20.000 réfugiés Nigérians dans les pays frontaliers et 650.000 déplacés à l’intérieur du pays.En 13 années, elle est passée de la dénonciation de la corruption du gouvernement central d’Abuja, – responsable, selon elle, de la misère des régions du Nord- à une volonté d’établir un khalifat en Afrique de l’Ouest et du Centre.
La secte qui vient de prêter allégeance à Daech a un message simplissime qui se résume en 2 mots: « Boko Haram » ou « Book interdit », littéralement « l’éducation occidentale est haram ».

Elle est passée du combat initialement local (Maiduguri) de Mohamed Yussuf à la volonté hégémoniste de son successeur, Abubakar Shekau. De rébellion, le groupe est passé au terrorisme aveugle et sanguinaire.
La responsabilité de l’Etat nigérian dans cette mutation est totale. Comme, s’il en avait besoin, le gouvernement a crée des milices pour appuyer ses forces de l’ordre. En représailles, Boko Haram s’en prend davantage aux civils pris entre le marteau de la secte et l’enclume des forces de défense et de sécurité.
Aujourd’hui des pays voisins (Cameroun, Tchad et Niger) craignent la propagation de la violence sur leur territoire. Au point que Paul Biya et surtout Goodluck Jonathan ont accepté la présence de troupes tchadiennes sur leur sol.
La « communauté internationale » se contente de s’émouvoir des grandes opérations d’envergure de Boko Haram (enlèvement des 276 lycéennes et massacres de Baga) mais en réalité, rien n’est véritablement fait pour endiguer le mal.
L’entrée dans le conflit des armées camerounaise, nigérienne et surtout tchadienne marque un tournant dans la nature de cette guerre qui prend de plus en plus l’allure d’un conflit régional. Le pouvoir nigérian s’est montré incapable de venir à bout de Boko Haram ou au moins de le confiner.

Il est même très soulagé de voir, malgré ses 200.000 militaires, le Tchad voisin venir prendre le commandement et affronter frontalement les hommes d’Abubakar Shekau.
Goodluck Jonathan n’a apparemment pas peur de perdre la face. Ses calculs politiques semblent prendre le dessus sur toute autre considération. Une honte suprême.
Et à l’observation de la situation catastrophique actuelle, on peut être doublement peiné par :
– La non intervention des puissances militaires occidentales indirectement concernées (Grande Bretagne, France et USA), du fait de leurs investissements économiques, notamment dans le domaine pétrolier. Alors qu’ils claironnent partout leur « lutte contre le terrorisme ».
– Aussi et surtout, l’immobilisme légendaire de la CEDEAO et de l’Union africaine qui semblent ne pouvoir bouger que sur injonction et assistance des puissances citées plus haut. Un proverbe africain dit : « lorsque tu vas au marigot et que quelqu’un te frotte le dos, tu peux au moins te frotter le ventre ». Nous, nous voulons que l’on nous frotte et le dos et le ventre.
Pour le moment, les pays frontaliers du Nigeria interviennent à la carte, selon l’immédiateté de la menace. Les autres se sentent vaguement ou nullement concernés. « Cela se passe chez l’autre ».

Notre incapacité à nous prendre en charge et à penser « global » est affligeante. On évoquera certainement encore le manque de moyens financiers et logistiques pour mobiliser des troupes africaines, alors que des milliards de dollars sont consacrés à des dépenses de prestige ou détournés dans chacun de nos Etats.

Abdou Khadre Lô

Directeur général

Primum Africa Consulting

Michel DIEYE

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