Après les avocats de Mame Mbaye Niang qui ont fait face à la presse la semaine dernière, c’était à ceux du président du parti Pastef, Ousmane Sonko, condamné à 2 mois de prison avec sursis et 200 millions FCFA de dommages et intérêts pour diffamation, de sortir de leur mutisme. En conférence de presse hier jeudi, Mes Ousseynou Ngom, Bamba Cissé, Massokhna Kane, entre autres, se sont passé la parole pour, disent-ils, rétablir l’équilibre et retracer ce qui s’est passé avant, pendant et après le procès, avec l’appel interjeté par le procureur. Pour eux, toute cette précipitation n’est motivée par le dessein de rendre Ousmane Sonko inéligible…
«Pendant le procès, lorsque le tribunal a décidé de retenir l’affaire, il a eu d’abord à constater l’absence du prévenu Ousmane Sonko. Quand il l’a constatée, les avocats ont demandé à expliquer pourquoi Sonko n’était pas à l’audience avec des documents justificatifs. Un prévenu qui ne comparaît pas et que le tribunal le constate, il faut que ses avocats expliquent les motifs de cette absence. Et c’est ce qu’on a voulu faire.
Me Ciré Clédor Ly est venu avec trois certificats médicaux. Et le président a refusé de les prendre. Donc, le président a refusé de connaître les motifs de l’absence qui devaient lui être expliqués par les avocats. Aussi, les témoins que nous avions cités, à savoir Birahim Seck, Clédor Sène qui était venu avec un dossier explosif, n’ont pas été entendus, alors que le tribunal a accepté de prendre leur citation.
Le tribunal n’a pas visionné les vidéos qui étaient versées au dossier depuis la police. Et ces vidéos, c’est le ministre des Finances d’alors, c’est Mame Mbaye Niang lui-même, entre autres, qui avaient dit que le rapport existe et qu’il y avait des fuites. Le tribunal, quelque part, a rendu service à Mame Mbaye Niang et au procureur de la République (Abdou Karim Diop). Parce que si les avocats de Ousmane Sonko avaient été entendus, je pense qu’il n’y aurait pas eu de procès. Parce que leur citation serait annulée. Leur procédure serait annulée. Pendant le procès, la partie civile a demandé 29 milliards FCFA pour dommages et intérêts sans expliquer un quelconque préjudice, si ce n’est moral.
Le procureur de la République, pour asseoir ses accusations, dit que Ousmane Sonko a accusé Mame Mbaye Niang d’avoir détourné 29 milliards FCfa. Sonko n’a jamais accusé Mame Mbaye Niang d’avoir détourné 29 milliards. Ensuite, il dit qu’il y a des éléments de faux, car Ousmane Sonko a évoqué un rapport qui n’existe pas et qui serait sur internet. Voilà l’accusation. Heureusement que le juge, dans son jugement, lui a répondu qu’aucun document prouvant qu’il y a un faux n’a été versé. Et il l’a relaxé pour le faux.
Ensuite, pour ce qui est des injures, le procureur dit simplement qu’il y a injures, car il l’a traité de menteur. Cela montre l’inconsistance des propos du procureur qui a pourtant demandé un an d’emprisonnement ferme et un mandat… Tout cela prouve que ce procureur, hors du commun, était manifestement ce jour-là en mission. Et sa mission n’est pas terminée», plaide devant la presse Me Massokhna Kane.
«La précipitation du procureur prouve simplement qu’il obéit à des ordres»
Il poursuit: «Le même jour, lorsque le jugement a été rendu, il a fait un soit-transmis N°334 pour faire appel du jugement dans toutes ses dispositions. C’est du jamais vu dans les annales de l’histoire. Mame Mbaye Niang qui est sorti du tribunal en criant victoire a fait appel dès le lendemain, avant même qu’il ne fasse son point de presse.
Il a fait appel contre le jugement en toutes ses dispositions. On lui alloue 200millions de FCFA. C’est ce monsieur qui félicitait la justice, qui brandissait sa victoire, qui a fait appel dès le lendemain. Et il a déclaré que ce n’est pas fini et le problème d’inéligibilité de Ousmane Sonko n’est pas encore réglé.
La question qu’on peut se poser, c’est qu’est-ce qu’il veut ?
C’est clair. Ce qui l’intéresse, c’est l’inéligibilité de Ousmane Sonko. La précipitation du procureur prouve simplement qu’il obéit à des ordres. Il obéit à des ordres venant de sa hiérarchie. Il y a le parquet général, le ministère et peut-être la présidence. Ces gens veulent une aggravation de la peine pour que Ousmane Sonko soit inéligible. Voilà l’objectif. Et tout le monde sait que s’il obtient cela, ça mettra le pays à feu et à sang. Parce que personne ne l’acceptera.
Le lendemain du jugement, nous sommes informés que des pressions ont été mises au niveau du service du greffe du préposé à l’appel pour faire la mise en état du dossier. La surprise ne s’arrête pas là. Le lundi 03 avril, on reçoit l’information que le jugement est en phase d’être disponible. Une personne a été diligentée pour se rendre très rapidement au service des impôts et domaines pour l’enregistrement. Et le mercredi, à 07 heures du matin, le greffier m’appelle pour m’informer que le jugement est disponible».
Après Mes Massokhna Kane et Ousseynou Ngom, leur collègue Me Bamba Cissé a pris la parole. «L’objectif recherché est de rendre inéligible Ousmane Sonko pour la compétition électorale de 2024. On est dans une pente dangereuse. Et il faut le dire. Il ne faudrait pas qu’on utilise la justice pour rendre inéligible un adversaire politique. Il faudrait également qu’on respecte le calendrier judiciaire. Nous nous sommes amusés à revisiter l’agenda des audiences de la Cour d’appel et nous nous sommes rendu compte que les affaires évoquées à l’audience dataient de deux ans ou un an.
Rares sont les affaires qui sont évoquées cette année et enrôlées. Ça n’existe presque pas. Si ces affaires sont enrôlées, elles étaient évoquées en janvier. Nous ne sommes pas contre le principe d’une justice, mais nous voulons une justice qui soit rendue dans les règles de l’art.
Parce que c’est impressionnant la vitesse avec laquelle Khalifa Sall a été éliminé en tant que potentiel candidat à une élection présidentielle. Que cette mesure ne soit pas reproduite. Et donc, il y a fort à craindre que l’appel soit enrôlé dans les meilleurs délais, que la peine soit aggravée et que la cassation ne confirme cela pour qu’en définitive, Ousmane Sonko ne soit pas candidat à la compétition électorale de 2024», dit Me Cissé
Source L’Obs (Titre de la Rédaction)