«Le rejet du projet de loi en Commission a-t-il un effet utile ?» questionne Meïssa Diakhaté, se faisant le devoir de «mettre le focus sur les impasses politiques et les issues juridiques du projet de loi portant révision de la Constitution à l’effet de mieux apprécier la portée de son rejet en Commission». En d’autres termes, dit-il, «l’alternative, c’est de négocier ou de retirer».
Parlant des «impasses politiques», il souligne que celles dont il s’agit «sont aux couleurs de la réalité politique sénégalaise. C’est ainsi qu’en décidant de poursuivre la procédure législative en question, notre Gouvernement se livre sans contexte à la vindicte parlementaire.
Ce serait sans doute l’occasion pour les députés du Groupe parlementaire Benno bokk Yakaar d’exposer des sujets inconfortables pour les Ministres appelés à représenter le Gouvernement (le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux et le Ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les Institutions). Au menu des discussions générales, des interpellations porteront inévitablement sur des points sans connexion aucune avec le projet de loi inscrit à l’ordre du jour».
En outre, dit-il, «et c’est la préoccupation nodale de la plénière fixée le lundi 02 septembre 2024, le gouvernement devra résoudre l’équation d’adoption du projet de texte. Déjà, le rejet en Commission est une alerte à prendre au sérieux, d’autant plus que les deux camps font l’apologie du statu quo sur l’appartenance politique. En l’absence d’une intelligence politique entre les deux états-majors politiques, le passage du projet de loi pourrait être compromis».
Le juriste relève qu’«au Sénégal, la gestion des institutions politiques souffre, en permanence, de certains paradoxes. Souvent, nous cherchons à trouver des solutions juridiques formelles à des problèmes politiques pratiques. Parfois, nous nous efforçons de négocier des solutions juridiques en faveur de nos choix politiques». Alors que dit-il, à son avis, «aucune de ces occurrences ne convient au cas d’espèce». De sorte qu’«il est important de transcender les paradoxes pour trouver des issues juridiques au projet de loi portant révision de la Constitution aux fins de suppression du Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT) et du Conseil économique, social et environnemental (CESE)».
Il rappelle, par ailleurs, que tout député a le droit d’assister aux séances des commissions et de participer à leurs débats, mais que seuls les membres de la commission ou leurs suppléants ont le droit de participer aux votes. C’est pourquoi les 16 voix « contre » et les 14 voix « pour » réunies reflètent exactement la composition de la Commission, soit 30 membres.
«Aussi importe-t-il de noter que le rejet du projet de révision de la Constitution par la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains n’a qu’une valeur platonique (de pure forme, sans effet pratique). La Commission n’est qu’un bras technique de l’Assemblée nationale. Ses rapports visent simplement à éclairer l’Assemblée plénière qui conserve la souveraineté des délibérations. Il ressort des dispositions de l’article 74 du règlement intérieur que ‘les affaires, propositions et projets de loi sont soumis à une seule délibération en séance plénière, sous réserve des dispositions de l’article 81 (relatives à la seconde délibération)’».
Meïssa Diakhaté estime donc qu’«à défaut d’une solution politique, le Gouvernement a la liberté de trouver des issues juridiques au projet de révision de la Constitution».
D’une part, soutient-il ; «le Gouvernement peut offrir à la majorité parlementaire le luxe d’imposer au Gouvernement sa loi aussi bien dans les débats que lors du vote. Sur ce terrain, les gains politiques seraient quasi-nuls pour les deux parties au regard de l’état d’esprit des Sénégalais assoiffés des fruits de leurs épiques batailles politiques (alternance en 2000, alternative en 2012 et rupture en 2024)».
D’autre part, poursuit-il, «le Gouvernement peut prendre l’initiative de retirer le projet de texte. A la suite de la lecture du rapport de la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains, le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, serait fondé à demander le retrait du projet de loi portant révision de la Constitution ; ce fut, in extremis, le scénario joué le 23 juin 2011). Sur ces entrefaites, le Président de l’Assemblée nationale en tiendra informés les Députés. Il s’ensuivra donc la clôture de à la Session extraordinaire.
Le rejet d’un projet de révision de la Constitution en Commission est exceptionnel. Habituellement, la complicité entre l’Exécutif et le Législatif permet d’éviter un tel éclat». Il ajoute que «tout aussi, le Président de la République pourrait adresser au Président de l’Assemblée nationale une correspondance pour l’informer de sa décision de retirer purement et simplement le projet de loi portant révision de la Constitution. Cette hypothèse ouvrirait la voie à la dissolution apaisée de l’Assemblée nationale en mi-septembre.
Quelles en seront les conséquences sur l’examen du projet de loi des finances 2025 et l’agenda des élections législatives anticipées ? Notre droit compte à son actif des solutions» qu’il se promet d’explorer.
Source Vox Populi