Retour gagnant en Gambie d’un ancien migrant clandestin en Libye : Mamadou Jallow réussit sa reconversion dans l’agriculture

Même après de nombreuses tentatives infructueuses de quitter la Gambie par des itinéraires illégaux qui ont coûté la vie à des milliers de jeunes, beaucoup d’entre eux ne peuvent toujours pas penser au-delà de l’espoir désespéré de se rendre à tout prix en Europe et de changer le cours de leur vie, du jour au lendemain.

Cependant, un jeune qui a été récemment rapatrié d’Europe a décidé d’aller à contre-courant de cette tendance parmi les jeunes désespérés de la Gambie pour donner une nouvelle orientation à sa vie.

Mamadou Jallow faisait partie de dizaines de volontaires rapatriés de la Libye, avec l’aide  de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Jallow consacre son énergie pour réussir sa vie grâce à l’agriculture dans son village natal de Darsilameh, à 304 km à l’est de Banjul, la capitale gambienne.

« J’ai défriché le terrain et préparé les pépinières pour la transplantation », a-t-il expliqué à l’Agence de presse africaine (APA).

« Si ça se passe bien, je m’attends à pas moins de 70.000 dalasis (environ 1.400 USD) avec la vente de mes légumes, notamment les oignons », a-t-il dit, plus par optimisme que la certitude d’un prophète prédisant l’avenir.

« Je vais arroser le champ pendant quatre mois avant la récolte », a-t-il ajouté, en se penchant à gauche puis à droite sur le siège avant de la voiture de tourisme qui roulait à grande vitesse en direction de l’est du pays où l’agriculture est l’activité dominante des familles rurales.

Jallow a déclaré que les revenus générés par son projet de jardin potager constitueront un tournant pour lui et sa famille dans la recherche de la prospérité sur place, une alternative au rêve non brisé d’une vie meilleure en Europe.

« Mon père est décédé quand j’étais très jeune et j’ai dû abandonner l’école par manque de moyens. L’idée d’aller clandestinement en Europe m’a traversé l’esprit, et en désespoir de cause, je l’ai saisie. Mais je m’étais trompé de décision », a-t-il ajouté.

Jallow qui estime que son aventure loin de la Gambie lui a ouvert les yeux sur les caprices de la migration irrégulière.

S’arrêtant brièvement dans son récit peut-être pour réfléchir aux perspectives de son projet, Jallow baisse instinctivement son chapeau pour protéger son visage du vent qui sifflait à travers la vitre du véhicule.

Le temps de ce soir de janvier est plus froid que d’habitude, mais Jallow n’en a cure en descendant du véhicule qui venait d’arriver à destination quelques minutes après 21 heures.

Au cours de son voyage de quatre heures, Jallow a raconté les rudes péripéties risquées de la poursuite de son rêve européen qui avaient commencé dans la lointaine Libye, où l’instabilité politique a produit un autre défi, en plus des contraintes du voyage.

« Des gangs arabes qui gouvernent des quartiers entiers en Libye torturent et tuent même ces gens qui ont la malchance d’être détenus dans leurs camps », a-t-il expliqué.

Jallow a commencé à partager les histoires de ses escapades sur le sentier de la migration un mercredi soir assez froid dans la ville balnéaire de Barra, située dans un estuaire à 7 km de Banjul.

Le bureau de l’OIM à Banjul, en partenariat avec le gouvernement de la Gambie et d’autres partenaires, facilitent depuis lors, le rapatriement volontaire des migrants gambiens alors bloqués en Libye comme Jallow.

Après le rapatriement, l’Organisation et ses partenaires facilitent également la réintégration sociale des rapatriés, aussi bien sur le plan social qu’économique, compte tenu du stress, des traumatismes et des difficultés financières dans lesquelles la plupart d’entre eux se trouvent.

L’OIM et d’autres parties prenantes ont mené une série d’opérations de sensibilisation dans le pays concernant la menace de la migration illégale depuis l’ouverture de la route de l’Afrique du Nord vers l’Europe, il y a plus de quinze ans.

Jallow était parmi ceux initialement attirés par le syndrome de l’émigration clandestine, mais la campagne de l’OIM visant à décourager la migration irrégulière lui a laissé une certaine impression.

L’Europe n’est pas la seule réponse à leurs défis économiques, un fait qui conduit à réaliser que beaucoup de ceux qui ont atteint la terre promise seraient des sans-emplois et des sans-papiers pendant de longues périodes, voire des années avant de pouvoir mener une vie normale.

Des milliers de migrants africains n’ont pas eu autant de chance, beaucoup d’entre eux périssant en haute mer et sous des températures désertiques impitoyables dans leur tentative désespérée de vivre mieux ailleurs que sur leur continent d’origine.

La catastrophe maritime de décembre dernier au large des côtes de la Mauritanie nous rappelle que les risques sont réels. Au moins 50 jeunes gambiens ont perdu la vie et plus d’une douzaine de Sénégalais ont péri lorsque leur pirogue a chaviré avec 150 personnes à bord.

L’incident a choqué l’opinion publique en Gambie et incité le gouvernement à prendre des initiatives pour trouver des réponses.

En attendant, Jallow espère qu’à travers son projet horticole, il pourra inspirer d’autres jeunes embourbés dans les mêmes difficultés économiques.

Les responsables gambiens estiment que de telles entreprises pourraient servir de test direct pour expliquer pourquoi les jeunes devraient retourner à la terre avec le même zèle qu’ils font lorsqu’il s’agit de sauter dans des canots pneumatiques pour des voyages risqués vers l’inconnu.

Source Agence APA

Dieyna SENE
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