L’Agence Nationale des Ecovillages entre délires et dérives

Dans un entretien accordé à Walf Quotidien, (numéro 7163 du vendredi 5 février 2016), le Directeur de l’Agence Nationale des Ecovillages (ANEV), qui est encore très novice dans le secteur, affirme qu’en deux ans le nombre des écovillages au Sénégal est passé de 80 à 315, ce qui équivaut à la création de 235 nouveaux écovillages.

Il précise dans le même entretien que la création d’un écovillage nécessite un investissement d’un demi-milliard de francs cfa. Cela signifie donc que 117,5 milliards de nos francs ont été mobilisés pour la création de ces nouveaux écovillages.

Poussant son audace à l’extrême, le Directeur annonce que d’ici 2017 (c’est-à-dire dans moins d’un an), il compte réaliser 500 autres écovillages. Pour cela, il lui faudrait, avec le coût qu’il avance, un budget supplémentaire  d’environ 250 milliards de francs.

Or il est important de se rappeler que  le cumul des budgets de son ministère de tutelle de 2015 et de 2016 n’a pas atteint 44 milliards. Le budget du ministère de l’environnement a même enregistré cette année une baisse de 467 237 360 F en valeur absolue et 2,11% en valeur relative.

Pour gagner en crédibilité et éviter de sombrer définitivement dans la grossièreté, le Directeur de l’ANEV a le devoir moral de :

1)  publier les listes des 235 nouveaux écovillages créés ces deux dernières années et des 500 autres qu’il envisage de créer d’ici 2017

2) d’édifier les citoyens Sénégalais sur les sources de financements qui ont permis à son agence d’arriver en si peu de temps à ces résultats aussi spectaculaires qu’incroyables.

3) d’apporter des éclaircissements sur les ressources financières, techniques et humaines qui lui permettront de réaliser son chantier pharaonique d’un demi-millier d’écovillages d’ici quelques mois.

Il ressort très clairement des propos sans substance ni cohérence du tout nouveau directeur des écovillages qu’il ne maîtrise pas le concept des écovillages : Il ne s’agit point de faire installer un panneau solaire par ci et un autre par là pour transformer un village en écovillage.

La création des écovillages ne se décrète pas : elle est le résultat d’un processus socioculturel, écologique et économique dynamique, intégré et participatif. Elle est encadrée par des normes internationales clairement établies.

Le Réseau Mondial des Ecovillages (www.ecovillage.org) compte environ 20 000 communautés membres réparties dans toutes les régions de la planète.

On y compte des villages traditionnels en transition et des communautés intentionnelles s’évertuant de manière consciente, concertée et holistique à relever le niveau de leur qualité de vie tout en réduisant  leur empreinte écologique. Chaque écovillage repose sur les piliers suivants: le socioculturel, la spiritualité, l’économie et l’écologie.

La plupart des écovillages intentionnels, au nord comme sud, ont été fondés par des pionniers disposant au départ de peu de ressources financières et technologiques. À titre d’illustration, nous donnerons les exemples d’Auroville en Inde (www.auroville.org ),  de Sekem en Egypte (www.sekem.com )  et de Findhorn en Ecosse ( www.findhorn.org ), trois écovillages phares dans le monde qui ont bâti leur prospérité et leur bien-être communautaire dans des espaces qui étaient jadis très hostiles aux activités agricoles et économiques.

Findhorn était un espace froid, caillouteux et peu fertile alors que Sekem et Auroville étaient des zones désertiques, soumises respectivement à la rareté de l’eau et à une dégradation physique extrême. Grâce à la détermination de leurs fondateurs,  à la régénération des sols par la maîtrise du cycle de l’eau, le reboisement massif et la permaculture (approche agricole biodynamique intégrée), à l’usage des énergies alternatives et à la valorisation des ressources humaines locales, ces communautés respectives, à l’image de milliers d’autres, ont su créer l’abondance dans des zones stériles et abandonnées.

L’amateurisme intolérable dont fait montre le nouveau directeur de l’ANEV constitue une grande source d’inquiétude pour les acteurs des écovillages aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de notre pays. Son maintien à ce poste stratégique risque d’impacter négativement le leadership du Sénégal, d’inhiber les initiatives citoyennes dans ce secteur et de freiner la contribution des écovillages au développement de notre pays.

Il convient, dans les meilleurs délais, de faire appel aux compétences nationales dans ce secteur avant que les derniers partenaires financiers et techniques, déjà désorientés et découragés, ne tournent définitivement le dos à notre pays.

 

Dr. Ousmane Aly PAME

Président de la section africaine du Réseau Mondial des Ecovillages

Membre du Conseil International des Ecovillages

Président du Réseau pour l’Emergence et le Développement des Ecovillages au Sahel

Email : oalypame@ecovillage.org

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