Afrique de l’ouest, l’impact d’Ebola sur la situation économique et sociale des pays touchés

Le spectre Ebola s’éloigne de plus en plus, au grand soulagement des trois pays les plus touchés (Guinée, Libéria, Sierra Léone) et du reste du monde. Maintenant que la terreur a laissé place à la certitude, l’heure est au bilan en termes de pertes en vies humaines, de bonnes pratiques, de conséquences sur tous les secteurs et d’insuffisances, notamment dans les systèmes de santé et de sécurité sociale. Un dossier très fouillé du Bureau international du Travail (BIT), tiré de diverses sources et publié en fin de semaine dernière, renseigne entre autres sur son impact économique et social. Votre lactuacho.com s’est fait un plaisir de partager ce volet avec vous.

A la date du 1er novembre 2015, le nombre de décès dus à la maladie à virus Ebola se répartissait comme suit entre les trois pays: 4808 au Libéria, 3995 en Sierra Léone, 2536 en Guinée (données de l’OMS).

Le nombre de décès de professionnels de la santé infectés par le virus, se répartissait comme suit, au 21 octobre 2015 : 192 au Libéria, 221 en Sierra Léone, 100 en Guinée. Soit environ 5% de l’ensemble des décès causés par la maladie.

Comment s’est comporté le monde du travail durant cette douloureuse épreuve?

Quelles sont les stratégies post-Ebola préparées pour remettre à niveau les pays victimes ?

Cet article a été réalisé en s’appuyant essentiellement sur une mission commanditée en Guinée par le Bureau international du Travail, en prélude à l’élaboration d’un Plan de Relance Post Ebola dans ce pays. Il tente de montrer comment Ebola a fait des ravages et semé le chaos dans la vie économique

et sociale des pays touchés, mais aussi, comment les peuples affectés, transformant la contrainte en opportunité de relance, sont vaillamment partis d’un vol égal, pour défier et vaincre la maladie.

L’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, la plus grave depuis l’identification du virus en Afrique centrale en 1976, était partie en décembre 2013 du Sud guinéen. Elle a fait plus de 11.200 morts pour quelque 27.700 cas, selon l’Organisation mondiale de la santé. Plus de 99% des victimes se concentrent en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria, où la maladie a désorganisé les systèmes de santé, ravagé les économies et fait fuir les investisseurs.

Un mal profond et ravageur.

Le virus Ebola est l’un des plus dangereux que l’on connaisse. Il provoque chez l’Homme des hémorragies internes et externes qui conduisent à la mort dans 60 à 90% des cas.

Il se transmet entre humains par contact direct avec des liquides organiques (sang, salive…) et par la consommation de viande infectée.

La Maladie à Virus Ebola (MVE), par ses symptômes spectaculaires et sa forte contagiosité a semé la peur même hors de ses frontières de prédilection. Si bien que la revue Sciences et Santé, dans sa livraison de mai 2014 et sous la plume inquiète d’Andréa Fradin craignant une « pandémie cataclysmique » s’interrogeait : « Ebola : et si une personne infectée arrivait demain à Paris Charles-de-Gaulle ? ».

Le drame d’une telle psychose c’est qu’elle est parfaitement justifiée car partout où la MVE est passée, elle a laissé la désolation économique et la  stupeur sociale.

Un ouragan social

Officiellement déclarée en Guinée en mars 2014, puis très rapidement au Libéria et en Sierra Léone, l’épidémie Ebola a profondément déstabilisé les économies respectives de ces pays, en affolant les acteurs et en faisant dépérir les activités des sociétés étrangères, notamment dans les secteurs miniers, des travaux publics et des industries alimentaires. Toutes ces conséquences ont accentué la pauvreté et la vulnérabilité et risquent de retarder les dividendes tant attendus du développement.

L’épidémie vient donc aggraver une situation sociale déjà difficile. Elle a réduit les investissements et la croissance, conduit à la fermeture d’entreprises, affecté les moyens d’existence des populations dans les communautés les plus pauvres, entraîné des pertes de revenus au plan économique.

En 2014, le taux de croissance de la Guinée serait tombé à 0,5%, contre 4,5% avant l’apparition de l’épidémie. Selon les dernières estimations du Groupe de la Banque mondiale, les pertes de croissance dues à l’épidémie se chiffreront en 2015 à plus de cinq cents millions de dollars pour la Guinée.

L’arrivée d’Ebola a surpris la Guinée qui, manifestement, n’avait pas les moyens de réagir efficacement avec seulement 3% du budget national consacré à la santé, là où la norme de l’OMS préconise 15% au minimum. Elle a donc découvert les failles du système de protection sociale : caractère balbutiant de la politique nationale de protection sociale, faible disponibilité des capacités institutionnelles requises pour la mise en œuvre de cette politique, très faible couverture en matière de protection sociale ; etc.

Ebola a même ébranlé les fondements des sociétés africaines assises sur les valeurs de solidarité et d’entraide. En effet, les survivants à la maladie racontent comment la peur de la contamination a poussé la société à leur tourner le dos. Les personnes simplement soupçonnées d’être infectées faisaient l’objet d’un isolement physique et social. Elles étaient fuies, y compris par les parents proches. Ce qui était jusque-là impensable dans les communautés africaines certes pauvres, mais spontanément solidaires.

Ebola

Ebola : un inhibiteur économique

Avant la crise Ebola, l’économie guinéenne était placée sur un sentier de croissance, avec un taux de croissance du PIB réel qui est passé de 1,9% en 2010 à 3,9% en 2012.

L’incidence de la pauvreté s’est accrue de 2,2 points au niveau national, passant de 53% en 2007 à 55,2% en 2012, avec des effets contrastés entre les villes qui enregistrent une aggravation de la pauvreté de 4,9 points et les zones rurales avec un recul de seulement 1,9 point.

La Banque mondiale relève que l’épidémie d’Ebola a sérieusement altéré les économies des trois pays les plus affectés, la Guinée, la Sierra Léone et le Libéria. On estime à 2,2 milliards de dollars EU la perte subie par leur PIB en 2015 : 240 millions de dollars EU de pertes pour le PIB du Libéria, 535 millions pour celui de la Guinée et 1,4 milliard dans le cas de la Sierra Léone. Les pays réagissent différemment.

Le Libéria revient progressivement à la normale. L’économie guinéenne tente de repartir. La Sierra Léone souffre, se remet difficilement de l’effondrement du secteur minier.

L’épidémie a eu un impact considérable dans les zones affectées et notamment sur les marchés, sur les filières agricoles et animales ainsi que sur les sources de revenus tels que le travail agricole, le petit commerce, la chasse et la vente de viande de brousse. Dans les trois pays touchés où l’économie est essentiellement informelle, les mareyeurs, vendeurs d’aliments aux abords des mines et restaurateurs ont fortement ressenti la crise par une baisse brusque et drastique de leur chiffre d’affaires.

Ebola a produit des conséquences néfastes dans tous les secteurs de l’économie

De nombreux pays en Afrique avaient fermé leurs frontières aux ressortissants des pays touchés et la majeure partie des compagnies aériennes avaient cessé de desservir ces pays.

Les visiteurs en provenance d’Afrique ou d’ailleurs ont évité la région affectée par crainte de contagion. Ce qui a entraîné une baisse de la demande pour les hôtels, les compagnies aériennes et les fournisseurs de services en lien avec l’international. Un tel manque à gagner économique et financier, qui a duré plus d’un an, ne pourra être rattrapé que par d’âpres efforts de relance.

Selon les résultats de l’évaluation rapide, la prochaine campagne agricole connaîtra une baisse de l’ordre de 4% au niveau national pour la production de riz, principal aliment de base de la population guinéenne.

La contribution de la production agricole au PIB devrait reculer de 5,3 à 3,3 pour cent.

Selon le Programme Alimentaire Mondiale, dans les zones affectées par la maladie à virus Ebola, la production agricole, au titre de la campagne 2014-2015, a fortement souffert d’une pénurie de main-d’œuvre. Les filières agricoles sont fortement affectées par une perturbation du fonctionnement des marchés.

Ainsi, les agriculteurs sur l’ensemble du pays éprouvent d’énormes difficultés à écouler leurs stocks. Une baisse des prix du riz local, des produits maraîchers et d’élevage dans les zones affectées productrices de ces denrées est enregistrée avec comme conséquence une baisse drastique du revenu des agriculteurs.

Réalisé par Dr Rosnert Ludovic ALISSOUTIN, expert en planification, suivi, évaluation axée sur les résultats

Michel DIEYE

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Michel DIEYE

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