Selon Libération.fr, la décision du gouvernement sénégalais de suspendre les financements publics aux médias fragilise profondément la presse privée, déjà ébranlée par la crise économique et la polarisation politique, tandis que plusieurs rédactions se battent pour survivre.
Comme le rapporte Libération.fr, le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye, avec le Premier ministre Ousmane Sonko, a suspendu « jusqu’à nouvel ordre » les conventions publicitaires liant l’État et les sociétés publiques aux médias. Présentée comme une mesure pour lutter contre la corruption et le clientélisme, cette décision prive les rédactions d’une source vitale de revenus, représentant parfois plus de 70 % de leur budget.
Damy Kampatibe, directeur technique du groupe privé Emedia, vit cette crise de plein fouet : onze mois sans salaire, un déménagement en octobre 2024 vers des locaux trois fois moins chers, et une équipe réduite à une trentaine de passionnés contre 160 employés à l’origine.
La pression fiscale s’ajoute à la tempête : l’effacement de la dette fiscale des entreprises de presse, négocié avec l’ancien président Macky Sall en mars 2024, a été annulé par le nouvel exécutif, qui assimile ces arriérés à des « détournements de fonds publics ». Résultat : visites d’huissiers, comptes bancaires bloqués, salaires gelés.
Libération.fr rappelle que cette situation touche l’ensemble du paysage médiatique, quelles que soient les affinités politiques passées. Mohamed Gueye, directeur de publication du Quotidien, reconnaît avoir d’abord pensé à une vengeance politique — son fondateur, Madiambal Diagne, étant un critique virulent d’Ousmane Sonko — avant de constater que « tous les confrères sont dans la même conjoncture ». Même Sud Quotidien, réputé neutre depuis sa création en 1993, est au bord de la rupture, sa directrice Henriette Niang Kande lançant un appel aux lecteurs pour éviter la fermeture.
Selon la Coordination des associations de presse, jamais la presse privée n’a connu une crise aussi généralisée et intense depuis l’indépendance. Le président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse, Mamadou Ibra Kane, dénonce « une volonté politique d’exterminer la presse », rappelant aussi le non-versement du Fonds d’appui et de développement de la presse (FADP) depuis 2024, pourtant rehaussé à 2,8 milliards FCFA en 2025.
Le ministère de la Communication justifie ces suspensions par une « refonte » du cadre réglementaire et un « impératif de transparence » dans l’attribution des ressources, affirmant que 65 % des fonds étaient jusque-là attribués à des bénéficiaires non éligibles ou dépensés hors critères.
Pour Libération.fr, cette confrontation entre impératif de transparence et asphyxie économique des médias pose une question cruciale : comment préserver l’indépendance et la pluralité de la presse sénégalaise sans l’étouffer financièrement ?