L’affaire récente concernant l’avocat français Olivier Sur, condamné le 20 juin 2025 à 5.000 euros d’amende pour des faits de violences aggravées sur une employée d’Air France, suscite de vifs commentaires, notamment en raison de son profil et de ses fonctions de conseil auprès de l’ancien président Macky Sall.
Au-delà du simple fait divers, cette affaire soulève une question symbolique et politique : celle du rapport à la violence dans l’exercice du pouvoir et dans ses prolongements institutionnels. L’avocat et son client, bien que situés dans des sphères différentes -l’un dans la défense juridique, l’autre dans la gouvernance politique-, semblent liés par une même culture de la domination et de la coercition.
De la violence individuelle à la violence institutionnelle
La condamnation d’Olivier Sur pour violences physiques illustre d’abord la persistance d’une logique de rapport de force dans les relations humaines et professionnelles. En frappant une employée, l’avocat reproduit, dans un cadre micro-social, un schéma de domination typique des milieux de pouvoir : celui où la position hiérarchique autorise, consciemment ou non, la contrainte et l’humiliation.
Cette violence individuelle peut être interprétée, à la lumière de la sociologie du pouvoir (Bourdieu, 1993 ; Weber, 1971), comme une prolongation symbolique de la violence légitime, c’est-à-dire celle que la société tolère lorsqu’elle est exercée par des figures d’autorité.
Macky Sall et la violence d’État : continuité d’une logique de domination
Sous la présidence de Macky Sall, le Sénégal a connu plusieurs épisodes de répression politique et sociale, notamment lors des mouvements de contestation de 2021 à 2023. Plus de 80 morts ont été recensés par des organisations de défense des droits humains. Cette violence, qualifiée d’ « institutionnelle », s’inscrit dans ce que Hannah Arendt (1970) nomme la banalisation de la violence politique : elle devient un instrument de gouvernement, un moyen de préserver l’ordre et d’imposer la légitimité du pouvoir. Dans cette perspective, la relation entre Macky Sall et Olivier Sur dépasse le cadre professionnel. Elle illustre une communauté de représentations où la force est perçue comme un mode de gestion de la contradiction, qu’elle soit sociale ou interpersonnelle.
L’avocat et le client : une symbolique de miroir
L’association entre l’ancien chef d’État et son avocat prend ici une valeur métaphorique. L’un incarne la violence d’État, l’autre la violence individuelle. Tous deux participent d’une même vision du monde où la domination est non seulement légitimée, mais valorisée.
Dans le champ du droit comme dans celui de la politique, la violence se déguise souvent en autorité. Elle se justifie au nom du devoir, de la responsabilité ou de la défense d’un ordre supposément menacé. Ainsi, le geste d’Olivier Sur devient, malgré lui, un symbole de la continuité entre la brutalité du verbe et celle de l’acte, entre la parole qui justifie et la main qui frappe.
L’affaire Olivier Sur ne saurait être réduite à un incident isolé : elle met en lumière un système de valeurs profondément ancré dans certaines élites, où la violence, loin d’être accidentelle, devient un langage du pouvoir.
L’avocat et le président partagent ainsi une même logique de domination : celle qui transforme l’autorité en contrainte, et le prestige en instrument de violence. Cette coïncidence entre le droit dévoyé et le pouvoir autoritaire interroge notre conception même de la légitimité et invite à repenser les rapports entre éthique, responsabilité et exercice du pouvoir dans l’espace francophone africain et au-delà.
Par Pape Sadio Thiam


