Symptôme d’un modèle économique à bout de souffle : la Banque mondiale alerte sur une génération africaine en colère et un emploi en crise

Dans son rapport biannuel publié ce lundi 7 octobre, la Banque mondiale tire la sonnette d’alarme : sans une création massive d’emplois de qualité, l’Afrique risque une instabilité sociale durable. Alors que plus de 600 millions d’Africains rejoindront le marché du travail dans les 25 prochaines années, les frustrations de la Génération Z s’expriment déjà dans la rue, de Madagascar au Nigeria.

La Banque mondiale a livré, ce lundi 7 octobre, une analyse pour le moins inquiétante de la situation socio-économique africaine. Dans son rapport biannuel sur l’Afrique subsaharienne, l’institution prévient : le continent est à un tournant critique. Plus de 600 millions de personnes rejoindront la population active africaine d’ici 2050, ce qui constitue, selon elle, « le changement démographique le plus rapide et le plus massif de l’histoire mondiale récente ».

Cette dynamique pourrait représenter une formidable opportunité, à condition que les économies africaines parviennent à transformer ce potentiel humain en moteur de croissance. Mais la Banque mondiale redoute l’inverse : une explosion sociale alimentée par le chômage, la précarité et la défiance envers les gouvernants.

« Les conséquences de ne pas résoudre ces problèmes sont difficiles à envisager. Certainement, elles seront très perturbatrices, et nous commençons déjà à en voir les signes », a averti Andrew Dabalen, économiste en chef de la Banque mondiale pour la région Afrique, cité par Bloomberg. Il évoque les récentes manifestations de jeunes à Madagascar, au Kenya, au Nigeria et au Maroc, qui traduisent une exaspération profonde face au manque d’opportunités et à la corruption.

Une jeunesse en rupture avec ses élites

Les chiffres sont révélateurs d’un malaise structurel. Seuls 24 % des emplois en Afrique subsaharienne sont salariés. Le reste de la population active évolue dans l’informel, souvent sans protection sociale, ni perspectives d’ascension économique. Cette réalité enferme des millions de jeunes dans un cycle de pauvreté et nourrit un sentiment d’abandon.

« Il n’est pas évident que le statu quo perdure », a insisté Dabalen. Pour lui, les jeunes manifestants ne cherchent pas à détruire leurs pays, mais réclament avant tout une meilleure gouvernance et une répartition équitable des opportunités.

Les manifestations menées par la Génération Z, souvent connectée, éduquée et désillusionnée, reflètent un fossé grandissant entre des élites vieillissantes et une jeunesse qui aspire à un modèle plus inclusif, plus transparent et plus juste.

Une économie résiliente mais sous tension

Malgré cette pression sociale, la Banque mondiale reconnaît une certaine résilience économique du continent. La croissance devrait atteindre 3,8 % en 2025, contre 3,5 % l’année précédente. Plusieurs monnaies africaines se sont stabilisées, certaines s’étant même appréciées face au dollar, tandis que les taux d’inflation tendent à baisser.

Mais ces avancées restent fragiles. Près de 23 pays africains sont aujourd’hui en situation de surendettement ou à haut risque, contre seulement huit en 2014. Les marges de manœuvre budgétaires sont donc réduites, alors même que la demande sociale explose.

Changer de cap avant qu’il ne soit trop tard

Pour la Banque mondiale, l’avenir du continent dépendra de sa capacité à créer des emplois de qualité et à favoriser un changement structurel profond. Cela suppose d’encourager la croissance de grandes entreprises productives, de réduire le coût des affaires et d’investir massivement dans la formation technologique des jeunes — notamment dans les domaines du numérique et de l’intelligence artificielle.

L’institution cite aussi des secteurs porteurs comme le tourisme, qui possède un fort effet multiplicateur : chaque emploi créé dans ce domaine en génère 1,5 autre dans les activités connexes.

Enfin, le rapport souligne que les mouvements sociaux, souvent déclenchés par la cherté de la vie ou des réformes fiscales impopulaires, risquent de ralentir les réformes économiques et de saper la confiance dans les institutions.

Un carrefour historique pour l’Afrique

En somme, la Banque mondiale place le continent devant ses responsabilités : transformer son dividende démographique en atout économique, ou risquer une instabilité chronique. La jeunesse africaine, désormais consciente de sa force numérique et politique, refuse d’attendre indéfiniment.

Le message est clair : l’Afrique n’a plus le luxe du temps. La fenêtre d’action se referme, et la colère des jeunes pourrait bien devenir le catalyseur d’un nouveau contrat social — ou le déclencheur d’une crise majeure.

Avec seneplus.com

Momar Diack SECK
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