Nous, participants à la Conférence régionale organisée à Dakar du 18 au 20 juin 2025, à l’occasion du cinquantenaire de la CEDEAO, réunis à l’initiative du Think Tank Afrikajom Center, en collaboration avec Africtivistes, le Réseau Wademos, Tournons La Page Et Trust Africa, avec le concours d’universitaires, de personnalités politiques, de représentants des États membres et des sociétés civiles de la CEDEAO et de quelques membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), d’organisations de jeunes, de femmes et de représentants du secteur privé.
Considérant que tout au long des cinquante ans de son existence, la CEDEAO a accompli des progrès remarquables dans les domaines de l’intégration régionale, de la circulation des biens et des personnes, par l’adoption de protocoles additionnels sur la sécurité, la démocratie et la bonne gouvernance ;
Mais, à côté de ces avancées notables, la CEDEAO a connu des crises sécuritaires, politiques, géopolitiques, économiques et institutionnelles qui ont abouti à sa dislocation avec la création de l’AES ;
Prenant acte des défis majeurs, notamment le retrait de certains États membres de l’organisation, la fragmentation régionale, le recul démocratique, l’insécurité croissante, le terrorisme, l’affaiblissement des institutions, les crises économiques et environnementales, et l’inadéquation des réponses sécuritaires nationales qui s’appuient exclusivement sur les forces armées,
Conscients des enjeux géopolitiques globaux, de la montée de l’autoritarisme, de l’extrémisme violent, exacerbant l’intolérance, la négation des droits humains, des libertés fondamentales et le rétrécissement des espaces civiques,
Réaffirmant avec force notre attachement aux valeurs et aux idéaux fondateurs de l’unité africaine, de solidarité, de coopération, de développement économique, social et d’intégration africaine,
Convaincus qu’il faut absolument opérer un changement de paradigme pour réformer, réinventer, restaurer dans les meilleurs délais la crédibilité et la légitimité de l’organisation et de ses institutions ;
Convaincus également qu’il est indispensable de trouver une solution rapide et appropriée au déficit de communication entre le leadership et les citoyens de la CEDEAO, afin de bâtir une communauté plus démocratique, inclusive, équitable, prospère, souveraine et respectueuse des droits humains et des libertés fondamentales, pour faire face à la crise du multilatéralisme et aux incertitudes de la gouvernance mondiale ;
Appelons les Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres de la CEDEAO à :
- 1. initier rapidement une réforme, profonde et ambitieuse des institutions de la CEDEAO comme réponse aux attentes légitimes des citoyens de la communauté, relever les défis politiques, économiques, sociaux sécuritaires, et géopolitiques et de la région et du continent africain. Afin d’adapter ses normes, et pratiques politiques aux aspirations profondes des peuples d’Afrique de l’Ouest ;
- 2. Accélérer le passage effectif d’une CEDEAO des États à une CEDEAO des peuples, à permettre une participation citoyenne à la transformation qualitative de la citoyenneté régionale ;
- Ouvrir des espaces propices aux interactions permanentes avec les sociétés civiles, à la participation effective des jeunes, des femmes et du secteur privé dans le processus de prise de décision et d’élaboration des politiques publiques régionales, à travers des mécanismes communautaires transparents de dialogue et de reddition des comptes ;
- Réévaluer les politiques sécuritaires existantes en vue de les adapter au contexte global, en tenant compte de la nature et du niveau des menaces que connait la région ;
- Accélérer l’entrée de la région dans la révolution numérique, à travers :
- L’élaboration de mesures en faveur de l’intégration économique et monétaire pour une convergence macroéconomique effective au soutien du développement, du secteur privé, des petites et moyennes entreprises (PME), du secteur informel, de l’innovation, et à la création d’une monnaie unique régionale ;
- L’accroissement de l’expertise en matière numérique, à investir dans les infrastructures, à accompagner et soutenir la recherche, à créer des cadres favorables à l’économie numérique et à l’intégration des entreprises ;
- La réalisation d’une gouvernance numérique inclusive, transparente et multipartite qui favorise le développement du secteur et la protection des libertés fondamentales ;
- 6. Veiller:
- Au respect des valeurs démocratiques, de l’État de droit, des droits humains et des libertés fondamentales comme socle de la CEDEAO ;
- Au rejet clair des régressions démocratiques, de l’imposition de régimes autoritaires et de la manipulation des règles constitutionnelles et des lois électorales, en particulier en matière de limitation des mandats ;
- Améliorer et renforcer la libre circulation des personnes et des biens, pilier historique et fondamental de l’intégration en luttant contre les pratiques abusives et discriminatoires aux frontières, en formant les agents de sécurité et des douanes aux principes communautaires et en promouvant l’usage effectif de la carte biométrique CEDEAO ;
- Relever les défis environnementaux et climatiques et en faire des priorités au cœur des politiques publiques communautaires, avec des réponses collectives ambitieuses pour assurer une justice climatique et la résilience des populations face aux crises écologiques ;
9.Toujours faire entendre la voix des jeunes et des femmes, les impliquer dans la gouvernance régionale et mettre en place des mécanismes de représentation, de financement et de soutien spécifiques pour favoriser leur plein épanouissement ;
Nous réitérons notre soutien à la CEDEAO et aux initiatives pour les meilleures relations entre les pays de l’AES et de la CEDEAO, en tenant compte des valeurs démocratiques et de l’intérêt des populations.
Nous demandons aux Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats de la CEDEAO a ne ménager aucun effort pour un retour rapide de la paix et de la sécurité dans la région ;
Nous engageons les institutions de la CEDEAO, les États membres, les forces vives de la société, les organisations citoyennes, les partenaires régionaux et internationaux à se joindre à cet appel pour soutenir et bâtir ensemble une véritable CEDEAO des peuples, rénovée, souveraine, démocratique et tournée vers le progrès et le bien-être des populations.
Adoptée à Dakar, le 20 juin 2025
Signataires :
Afrikajom Center
ActionAid
Africtivistes
Le Réseau Wademos
Tournons la Page
Trust Africa
Les participants à la Conférence régionale sur le cinquantenaire de la CEDEAO