Sénégal : Un projet de loi prometteur pour les lanceurs d’alerte, des mécanismes de protection proposés pour les renforcer

Communiqué- Le projet de loi proposé à l’Assemblée nationale par le gouvernement sénégalais portant statut et protection des lanceurs d’alerte, illustre la volonté politique de protéger ces vigies de la démocratie, mais certains points clefs méritent d’être renforcés, a déclaré aujourd’hui la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF). Cette initiative pourrait faire du Sénégal le premier pays d’Afrique subsaharienne francophone à se doter d’un cadre légal ambitieux et structurant pour garantir la sécurité et les droits des personnes qui révèlent des faits d’intérêt général.

“Il s’agit d’un moment historique pour la démocratie sénégalaise et pour tout le continent,” a déclaré Jimmy Kande, Directeur Afrique de l’Ouest de PPLAAF. “C’est pourquoi la loi en préparation doit être exemplaire, à la hauteur des enjeux et des risques que les lanceurs d’alerte prennent pour faire avancer la vérité et protéger l’intérêt général.”

Ce projet de loi s’inscrit dans un cadre législatif plus important visant à renforcer la transparence dans la gestion publique et la lutte contre la corruption. Outre la protection des lanceurs d’alerte, les députés sont invités à se positionner sur trois autres projets de loi portant sur la création de l’Office national de lutte contre la Corruption, l’accès à l’information et la déclaration de patrimoine. Le vote à l’Assemblée nationale devrait intervenir le 18 août 2025.

En révélant des faits graves souvent ignorés ou dissimulés, le lanceur d’alerte contribue à protéger la société contre les abus, la corruption ou les atteintes à la santé, à l’environnement et aux droits fondamentaux. Il peut notamment permettre d’enclencher des enquêtes sur la corruption, de récupérer des biens publics détournés, ou de protéger la santé des citoyens et les ressources naturelles. Dans un pays comme le Sénégal, où les aspirations citoyennes à la transparence sont fortes, doter ces femmes et hommes de protections solides est un impératif.

Si l’initiative est salutaire, certains aspects du texte méritent encore d’être discutés et renforcés afin de garantir son efficacité et sa conformité avec les standards internationaux, dont les Principes de Tshwanela Convention des Nations Unies contre la corruption ou la directive européenne 2019/1937. Les parlementaires devraient également s’inspirer des meilleures pratiques élaborées par des associations spécialisées comme PPLAAF, qui a une expérience concrète et directe dans l’accompagnement de lanceurs d’alerte sur le continent.

PPLAAF publie une note critique sur le projet de loi présentant les points clés d’amélioration du projet, notamment :

Élargissement du champ de protection : Le projet se concentre essentiellement sur la corruption et les infractions économiques. Il est indispensable qu’il couvre également les alertes liées à la santé publique, à l’environnement, aux droits humains ou à tout autre domaine d’intérêt général.

Clarification de la notion de « bonne foi » : bien qu’il soit important de s’assurer que le statut de lanceur d’alerte ne soit pas manipulé, la protection ne devrait pas dépendre  d’une analyse des intentions subjectives du lanceur d’alerte, mais du fait qu’il ait eu des motifs raisonnables de croire à la véracité des faits dénoncés. Cela rend le processus plus juste, cohérent et bénéfique à l’intérêt public.

Distinction entre lanceurs d’alerte et prête-noms : Assimiler ces deux catégories dans une même loi est susceptible de créer de la confusion. Le prête-nom, souvent impliqué dans des activités illicites, doit être traité dans une législation distincte portant sur la lutte contre la corruption et le recouvrement des avoirs.

Canaux de signalement : Il est crucial de sécuriser les procédures de signalement, en prévoyant des mécanismes internes, externes et la possibilité d’une divulgation publique lorsque les voies classiques échouent ou lorsque le danger signalé est grave ou imminent.

Protection contre les représailles : Des garanties renforcées sont nécessaires, notamment en élargissant la protection aux proches et facilitateurs des lanceurs d’alerte (journalistes, ONG) et en prévoyant des sanctions claires contre les auteurs de représailles.

Indépendance et capacité des autorités compétentes : Le texte devrait clarifier quelle autorité reçoit et traite les alertes, avec des garanties d’indépendance, de confidentialité et de retour d’information au lanceur d’alerte.

Création d’un fonds spécial : Bien que l’idée d’un fonds de soutien et de récompense soit pertinente, son articulation avec les organes existants (comme l’Office National de Recouvrement des Avoirs Criminels (ONRAC)) et ses critères d’attribution doivent être mieux définis pour éviter tout effet contre-productif.

PPLAAF appelle les parlementaires sénégalais à mener un débat constructif et ouvert sur ces points afin d’adopter une loi protectrice, juste et ambitieuse, à la hauteur des attentes des citoyens et qui soit efficace dans son application.

PPLAAF reste mobilisée pour accompagner les autorités sénégalaises et les acteurs de la société civile dans ce processus législatif essentiel pour la défense de l’intérêt général.

La Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF) est une organisation non gouvernementale créée en 2017 pour protéger les lanceurs d’alerte et mener un plaidoyer, ainsi que des actions judiciaires stratégiques en leur nom, lorsque leurs révélations concernent l’intérêt général des citoyens africains

Dieyna SENE
Up Next

Related Posts