Quand des sociétés anonymes censées être autonomes deviennent des gouffres financiers, révélant l’échec des organes de contrôle et l’impuissance d’un État surendetté. La loi 2022‑08, pourtant en vigueur, n’a pas suffi à enrayer la mal gouvernance.
Les révélations du ministre Amadou Bâ lors du vote du budget de son département sur la gestion de la SAPCO ne sont pas un simple accident de parcours. Elles traduisent un malaise structurel : celui d’institutions publiques qui, au lieu d’incarner l’efficacité et la transparence, se laissent gangrener par des pratiques contraires à l’intérêt général.
Mais ce naufrage silencieux n’est pas isolé. La Poste du Sénégal illustre un cas similaire : une entreprise publique au rôle vital pour la cohésion sociale et l’inclusion financière, mais minée par une gestion défaillante, des retards chroniques dans le paiement des salaires, des dettes abyssales et une incapacité à s’adapter aux mutations numériques.
À cela s’ajoute Air Sénégal, compagnie nationale censée incarner la fierté et l’ouverture du pays au monde. Aujourd’hui, elle est décrite comme en quasi-faillite, plombée par une gestion déficiente, une flotte mal optimisée, des dettes colossales et une incapacité à rivaliser avec les standards internationaux. Ce naufrage aérien n’est pas seulement économique : il affecte l’image du pays, sa connectivité et sa crédibilité.
Recrutements massifs et inutiles, salaires exorbitants pour les dirigeants, dettes fiscales et sociales, retards de salaires, incapacité à s’adapter aux mutations numériques ou à rivaliser avec les standards internationaux… Ces structures sont devenues des gouffres financiers et des symboles d’inefficacité.
À ce constat s’ajoute un paradoxe juridique : SAPCO, La Poste et Air Sénégal sont toutes des sociétés anonymes (SA), supposées être autonomes sur le plan financier. En théorie, ce statut devrait les protéger de la dépendance budgétaire et les obliger à une gestion rigoureuse. En pratique, il est devenu un prétexte pour renforcer une autonomie qui fait le lit de la mal gouvernance : opacité des comptes, dérives managériales, absence de contrôle effectif. Ce statut, au lieu d’assurer la discipline, a servi de bouclier à l’irresponsabilité.
Mais la question centrale demeure : où étaient les organes de contrôle ?
▪ Où était le Conseil d’administration, censé veiller à la stratégie et à la discipline budgétaire ?
▪ Où était le commissaire aux comptes, dont la mission est permanente et qui doit alerter en cas d’anomalie grave ?
▪ Où étaient les organes de tutelle alors que la loi 2022‑08, en vigueur depuis avril 2022, a renforcé leurs responsabilités et imposé la création de comités d’audit et de rémunération ?
Ce silence coupable a fait le lit de la mal gouvernance.
Face à ce double naufrage financier et institutionnel une option radicale s’impose : fermer purement et simplement ces entités pour les refonder sur des bases nouvelles.
Fermer, ce n’est pas renoncer. C’est :
▪ Mettre fin à l’hémorragie financière et aux dérives managériales qui minent la crédibilité de l’État.
▪ Envoyer un signal fort de discipline et de responsabilité, en montrant que l’impunité n’est plus tolérée.
▪ Rebâtir des institutions neuves, adaptées aux réalités contemporaines, avec des missions claires, des profils compétents et une gouvernance transparente.
▪ Ouvrir la voie à des partenariats stratégiques en mobilisant des investisseurs crédibles pour créer des structures modernes et compétitives.
Mais surtout, l’État n’a plus le choix. Avec un niveau d’endettement critique et une économie qui peine à générer suffisamment de ressources pour assumer certaines missions régaliennes sécurité, justice, santé, éducation on ne doit pas continuer à financer des institutions déficitaires et improductives. Chaque franc englouti dans SAPCO, La Poste ou Air Sénégal est un franc soustrait aux priorités vitales de la Nation.
La fermeture et la refondation des entités parapubliques en crise ne constituent pas un renoncement, mais un acte de responsabilité et de discipline. Elles traduisent la volonté de mettre fin à l’hémorragie financière et aux dérives managériales qui minent la crédibilité de l’État, tout en ouvrant la voie à des institutions modernes, transparentes et compétitives.
Depuis l’avènement du Président Diomaye Faye, des mesures structurantes ont été engagées pour restaurer la gouvernance du secteur parapublic. Les audits systématiques, l’application renforcée de la loi 202208, la rationalisation des conseils d’administration, la transparence budgétaire et la mise en place de contrats de performance constituent autant de signaux forts d’une rupture avec l’impunité et l’opacité.
Ces efforts témoignent d’une volonté politique claire : refonder le secteur parapublic sur des bases solides, adaptées aux exigences contemporaines, et en faire un levier de développement national. Ils traduisent également une ambition collective : bâtir des institutions dignes de la Nation, capables de répondre aux attentes des citoyens et de soutenir les priorités régaliennes de sécurité, de justice, de santé et d’éducation.
Ainsi, la refondation des structures telles que SAPCO, La Poste ou Air Sénégal ne doit pas être perçue comme une fin, mais comme le commencement d’une nouvelle ère de gouvernance publique, fondée sur la transparence, la responsabilité et la compétitivité.
Le Sénégal ne peut plus se permettre de porter des institutions vitrines sans fondations. Il est temps de choisir : fermer pour refonder et bâtir des institutions dignes de notre ambition collective.
Lansana Gagny Sakho
Président du Cercle des Administrateurs Publics
SAPCO, La Poste, Air Sénégal : fermer pour refonder
Ó Lansana Gagny Sakho / Décembre 2025 /


