Revalorisation des salaires des agents territoriaux : Serigne Mboup en appelle à une responsabilité partagée entre l’Etat, les Maires et les Travailleurs

Bonjour chers collègues,

Je vous transmets ci-joint ma contribution concernant la récente décision de revalorisation des salaires des agents territoriaux, une mesure légitime mais actuellement difficilement applicable dans les conditions financières et juridiques des collectivités locales.

La valorisation des salaires des travailleurs municipaux : une avancée sociale, un cadre juridique ambigu, un manque de ressources, un conflit ouvert qui nécessite une solution urgente et appelle à une responsabilité partagée

La revalorisation des salaires des agents territoriaux apparaît comme une victoire sociale longtemps attendue, mais constitue également un défi majeur pour les finances locales. Cette mesure, arrachée après près de deux ans de grèves face au refus de l’ancien gouvernement et avec la  positions courageuses du Premier ministre Ousmane Sonko, qui avait déclaré que « cette mesure est légitime, mais aucun maire du Sénégal ne peut supporter une telle charge, surtout dans la situation économique actuelle », est enfin actée.

Un pacte de stabilité avait été signé entre l’État et les syndicats pour encadrer cette revalorisation. La circulaire du 15 juillet 2025 du ministère des Collectivités territoriales officialise ces dispositions, mais elles restent encore contestées à différents niveaux de l’État.

 

Une avancée sociale majeure

La circulaire prévoit :

Une augmentation des salaires comprise entre 80 000 et 300 000 FCFA selon les grades ;

Une indemnité transitoire pour 6 458 agents certifiés : 60 000 FCFA dès 2025, 70 000 FCFA en 2026, et 80 000 FCFA en 2027 ;

Un fonds d’accompagnement de 1,5 milliard FCFA destiné aux collectivités les plus fragiles.

Ces mesures, saluées par tous  les organisations syndicales, reconnaissent le rôle essentiel des agents territoriaux dans le développement local.

Un cadre juridique et budgétaire contesté

Cependant, plusieurs interrogations persistent :

L’accord a été signé sans consultation des maires, qui sont pourtant responsables de l’exécution budgétaire ;

Le montant alloué est insuffisant pour 601 collectivités, incapable de couvrir même un mois de charges sociales, et les critères de calcul pour les 131 communes ne sont pas clairs ;

 

Le principe de libre administration des collectivités est fragilisé par une décision imposée en cours d’année alors que les budgets étaient déjà votés ;

Le ministère des Finances n’a pas validé la mesure, ce qui explique la réticence des percepteurs à l’appliquer, faute de base légale et de couverture budgétaire.

Les positions syndicales

Syndicats contestataires : souhaitent une application immédiate et menacent d’asphyxier les communes et de bloquer leur fonctionnement, avec grèves et sit-in.

Syndicats favorables au dialogue : reconnaissent la légitimité de la revalorisation, mais appellent à un cadre responsable en continuant le travail et le dialogue.

Une position commune des maires

Face à cette situation, nous, maires, nous devons affirmer  notre soutien à la mesure tout en appelant à une responsabilité collective :

  1. Encourager l’État à maintenir la revalorisation des salaires, en assumant, au minimum pendant trois ans, l’intégralité de ces charges afin de ne pas paralyser l’action des communes.
  2. Travailler ensemble à de nouvelles solutions structurelles, notamment :

La digitalisation des services locaux pour élargir les recettes ;

L’augmentation significative des dotations budgétaires ;

La mise en place d’une subvention de l’État sur les charges salariales et la TVA sur les investissements, à l’image des appuis accordés aux entreprises. Tous les investissements des maires sont à vocation sociale.

Préserver la mission des collectivités

Les communes ne peuvent pas être réduites au rôle d’employeurs, absorbés uniquement par le paiement des salaires. À l’exemple de notre commune, Kaolack, avec près de 300 emplois et 70 millions de charges sociales mensuelles, l’augmentation ferait passer la charge à 90 millions, alors que les ressources mensuelles ne tournent qu’autour de 100 millions FCFA.

Elles doivent continuer à fonctionner, investir dans les infrastructures, assurer les services sociaux de base et subventionner les compétences transférées. Si la charge salariale devient insoutenable, c’est tout le développement local et la cohésion sociale qui seront compromis.

Conclusion

L’augmentation des salaires est une mesure légitime et socialement juste. Mais sa réussite dépendra d’une responsabilité partagée entre l’État, les maires et les syndicats. Sans soutien financier adéquat et sans réforme structurelle, la réforme risque d’affaiblir durablement les collectivités locales.

 

Serigne Mboup

Maire de Kaolack

Dieyna SENE
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