Ressusciter le « lien des générations »! Par Khady Gadiaga

Les grands-parents incarnent notre histoire familiale, ils sont un maillon essentiel de la transmission.

J’ai eu la chance d’avoir été élevée sur les rives du fleuve Niger par ma grand-mère paternelle dans ma tendre enfance. Une poétesse hors-pair qui m’a transmis le goût de la belle prose dans le Macina profond au mœurs nomades où la culture orale tient encore une grande place. Dans la tradition peule dont elle est issue, la femme est la gardienne du temple et assume allègrement son statut de  » Jom Gallé » et de passeuse de valeurs et de mémoire et batisseuse d’imaginaire.

Le chant, la poésie, la parole scandée était souvent d’usage et elle accompagnait – traditionnellement – des gestes coutumiers et des tâches particulières : fêtes, tissages, récoltes, traite des vaches, veillées nocturnes de transmission et d’apprentissage.

« Mamma » comme on l’appelait affectueusement était la conteuse par excellence, qui présentait les aventures et les commentait, intervenant à la fin de la première scène : la pièce commençait en effet « in medias res », avant qu’elle ne prenne la parole pour répondre aux éventuelles questions des auditeurs tout ouïe dans une forme de prologue dialogué où elle se mettait elle-même en scène.

Elle nous a appris que la culture, ce n’est pas avoir le cerveau farci d’idées préconçues, c’est la qualité du jugement, l’exigence logique, l’appétit de la preuve, la notion de la complexité des choses et de l’arduité des problèmes.

C’est également l’usage du doute, le discernement dans la méfiance, la modestie d’opinion, la patience d’ignorer, la certitude qu’on n’a jamais tout le vrai en partage; c’est avoir l’esprit ferme sans l’avoir rigide, c’est être armé contre le flou et aussi contre la fausse précision.

Il m’a fallu des années pour inventorier cet héritage et le marier à la langue française que j’utilise pour fixer mes ressentis. Et le conte a permis cette alliance, la dimension poétique ayant pris place de plus en plus dans ses créations et s’étant mise au service du conte…

Tout ce vécu me permet d’interroger à nouveau ce lien précieux, une présence importante, mais dont le rôle n’est pas écrit : il doit s’inventer dans chaque famille.

La grand-parentalité est une valeur séculaire qui ne doit pas disparaître du fait de nos sociétés consuméristes basées sur la vitesse, la recherche effrénée de lucre, et l’individualisme, érigé en valeur sociale.

Les grands-parents ont un rôle de passeurs de mémoire. C’est en partie grâce à ces petites anecdotes sur le passé que les plus jeunes construisent leur filiation et leur sentiment rassurant d’appartenance à une famille.

Si le rôle de grands-parents est d’abord dicté par les parents, il recèle de nombreux moments privilégiés avec la nouvelle génération et tient une place sociale importante pour aider à construire le futur.

De quoi être unanimes pour rouvrir l’école des grands-parents car être grand-parent, ça s’apprend. C’est un lien qui se construit au fil du temps entre l’enfant et le grand-parent grâce aux parents.

C’est la relation entre ces trois générations qui permet d’entretenir la vie de famille et aux grands-parents de faire connaissance avec leurs petits-enfants et de savourer une deuxième jeunesse.

Ressusciter le « lien des générations », résolument !

K.G 14 décembre 2024

Dieyna SENE
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