Réformer le modèle économique de la presse : des recommandations fortes pour un secteur en crise – Par Kémo Daffé journaliste

Face à la situation alarmante que traverse le secteur de la presse au Sénégal, les concertations récentes ont permis de poser un diagnostic sans complaisance et d’identifier des pistes concrètes de réformes. Le rapport des rapporteurs, présenté à l’issue d’une rencontre regroupant le ministère de la Communication et plusieurs acteurs du secteur, appelle à une transformation en profondeur du modèle économique des entreprises de presse.

 Une dépendance à la commande publique devenue insoutenable

Les rapporteurs ont mis en lumière une réalité préoccupante : la dépendance quasi exclusive des entreprises de presse à l’aide publique et à la commande de l’État. Ce modèle, jugé obsolète, freine l’autonomie, la viabilité et le développement du secteur. Des experts de la Direction de la promotion des médias et de l’économie numérique (DPME) ont également souligné l’urgence d’un changement de paradigme.

Selon eux, une part importante du marché de la communication est aujourd’hui captée par des PME et PMI plus agiles, souvent présentes sur des plateformes digitales grâce à une capacité d’adaptation et de réactivité accrue. D’où l’appel à une professionnalisation de la presse pour qu’elle puisse saisir ces nouvelles opportunités, garantir sa pérennité financière et mieux assumer ses responsabilités sociales envers ses travailleurs.

Responsabiliser la jeunesse face aux nouveaux usages médiatiques

Un autre axe stratégique de la réforme concerne l’éducation aux médias. Dans un contexte de prolifération des contenus numériques, les rapporteurs insistent sur la nécessité de préparer la jeunesse à une utilisation plus responsable des médias et réseaux sociaux. Un programme éducatif, adossé à la stratégie nationale d’information et de communication, est en gestation. Il visera à promouvoir une culture numérique éthique et à prévenir les dérives en ligne.

 Une rencontre élargie pour un dialogue franc

La rencontre qui s’est tenue en marge des concertations a réuni des personnalités comme M. Habibou Dia, directeur de la Communication, M. Barkhaba, conseiller spécial du président de l’Assemblée nationale, M. Mohamed Barro, fondateur du Réseau des journalistes pour l’information religieuse, et M. Ibrahima Lissa Faye, président de l’APPEL. Tous ont exprimé leur engagement à accompagner la transformation du secteur.

 Quatre grands chantiers en débat

Les échanges ont permis d’identifier quatre priorités :

  1. Le déblocage du Fonds d’appui et de développement à la presse pour la période 2024-2027. Bien qu’insuffisant, ce soutien est jugé crucial pour soulager les difficultés immédiates.
  2. Le paiement des créances dues par l’État et ses démembrements, qui pèsent lourdement sur les finances des organes de presse.
  3. Le rétablissement des conventions publicitaires publiques, aujourd’hui suspendues ou non reconduites.
  4. L’intégration des acteurs du secteur dans les réformes en cours, notamment celles du Code des marchés publics et du Code général des impôts.

 

 Des actions urgentes et un mécanisme de suivi

Parmi les mesures concrètes envisagées figure l’organisation rapide d’une rencontre entre les ministères concernés et les représentants du secteur pour discuter des modalités de rétablissement des conventions et du règlement du passif. Un cadre permanent de concertation devrait également voir le jour, ainsi qu’un mécanisme de veille et de transparence sur l’attribution des contrats publicitaires.

 Vers une évaluation nationale de la presse

Enfin, les participants ont souligné la nécessité d’harmoniser les conclusions des concertations actuelles avec celles des Assises nationales de la presse. L’objectif : disposer d’un cadre d’évaluation global de la situation du secteur afin de proposer une réforme cohérente et durable.

Les résultats de ces travaux seront transmis au chef de l’État par l’intermédiaire du ministre de la Communication. Ils pourraient poser les jalons d’une nouvelle ère pour la presse sénégalaise, mieux outillée pour affronter les défis économiques, technologiques et sociétaux de son temps.

Par Kémo Daffé

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