Promesses de changement, réalités de gouvernance Par Babou Biram Faye

Chronique de BBF-Il fut porté par l’espoir d’un peuple en quête de justice, de rupture et de souveraineté retrouvée. Mais à peine installé aux commandes, le pouvoir issu de la contestation se heurte à la complexité de l’État et aux lenteurs de la transformation. Le souffle de la révolution semble déjà s’essouffler, laissant place au doute, à l’impatience, et à une question lancinante : le changement tant attendu était-il une illusion ?

Il était une fois, dans un Sénégal à bout de souffle, un homme qui fit lever l’espoir d’une génération désenchantée.

Ousmane Sonko, inspecteur des impôts devenu tribun du peuple, a su incarner la rupture, l’audace, la dignité et l’antisystème. Il parlait vrai, il dérangeait. Il promettait de rendre le pays aux Sénégalais, de mettre fin aux oligarchies prédatrices, d’en finir avec le franc CFA, de restaurer la souveraineté et de rendre justice aux oubliés. Il était devenu, pour beaucoup, l’ultime recours, le …messie.

Mais les illusions, même les plus sincères, se heurtent toujours à la pesanteur du réel.

Depuis sa nomination à la tête du gouvernement par le Président Diomaye Faye, les masques de l’opposition tombent pour révéler les visages d’une administration confrontée à l’exercice du pouvoir. Et le désenchantement commence. Ce qui était autrefois dénoncé devient maintenant justifié : les lenteurs, les tâtonnements, les promesses floues et les priorités qui changent au gré du vent.

Le peuple qui a marché, pleuré, souffert, n’attendait pas un discours mais des actes. Et voilà que l’on nous sert des commissions, des audits, des tournées de remerciement, des effets d’annonce, pendant que les prix flambent, que la jeunesse attend, que les travailleurs râlent, que les paysans désespèrent. Rien ou presque ne change, sinon les visages.

Ousmane Sonko, en tribune, promettait un « Sénégal nouveau ». Au gouvernement, il semble composer avec l’ancien monde. Entre prudence stratégique et réalités institutionnelles, sa posture d’insoumis laisse place à celle d’un Premier ministre de compromis, parfois inaudible face à la pression populaire.

 

 Et si le système n’avait pas été vaincu, mais absorbé

 

La déception qui monte dans les quartiers, les villages, les universités, n’est pas celle d’un peuple ingrat. C’est celle d’un peuple lucide, qui commence à comprendre que le verbe ne suffit pas, que la vertu proclamée ne remplace pas la compétence, que la sincérité ne garantit pas l’efficacité.

Le mythe Sonko risque de s’éroder à mesure que les illusions s’effondrent. Non pas parce qu’il aurait trahi, mais parce qu’il est désormais prisonnier d’un appareil d’État qu’il voulait briser, d’une logique de gouvernance qu’il voulait refonder. Et aussi, peut-être, parce qu’il n’a pas su faire de son accession au pouvoir une révolution méthodique et collective, mais une revanche trop personnelle. En atteste le rewind qu’il a servi au peuple sénégalais après la décision de la justice sur le rabat d’arrêt qui l’a condamné.

 

 Pourtant, tout n’est pas perdu.

 

Il est encore temps de revenir à l’essentiel : servir, réformer en profondeur, écouter sans arrogance, parler vrai même quand ça fait mal. L’histoire n’est pas finie. Mais elle n’accorde pas de délai illimité à ceux qui l’ont émue.

Ousmane Sonko doit faire un choix : continuer à cultiver les symboles, ou se résoudre à être l’homme d’État qui transforme le rêve en cap, la colère en vision, l’espoir en résultats.

Car au bout de l’illusion, il n’y a plus de place que pour le réveil. Et ce réveil sera rude pour un Sénégal qui n’a plus le luxe de l’attente. Et le régime se heurte à un casse-tête  cornélien : rupture ou continuité ? C’est le dilemme d’un pouvoir né de la rue.

 BBF

Dieyna SENE
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