Les réseaux sociaux sont devenus un terrain de jeu pour de nombreux vendeurs, mais tous ne les exploitent pas de la même manière. Alors que certains en font une scène d’exposition de leur vie privée, d’autres cherchent à en faire un levier d’entrepreneuriat responsable et de transmission de valeurs.
Deux visions opposées du commerce en ligne
De plus en plus au Sénégal, les réseaux sociaux sont devenus le théâtre d’une mise en scène de la vie intime. Des individus, souvent commerçants, n’hésitent plus à y exposer leurs problèmes conjugaux, leurs différends familiaux ou encore leurs conflits personnels dans l’espoir de captiver une audience avide de détails croustillants. Cette approche, qui semble offrir une notoriété immédiate, se fait bien souvent au détriment de leur crédibilité et de leur image professionnelle.
Cette tendance soulève une question fondamentale : jusqu’où les entrepreneurs doivent-ils aller pour attirer l’attention ? Dans une économie où la visibilité est un facteur clé de succès, la tentation de sacrifier son image personnelle sur l’autel du commerce est forte. Pourtant, cette stratégie est éphémère : une audience acquise sur le scandale ou le voyeurisme est volatile et difficile à convertir en clientèle fidèle.
En contrepoint, certains entrepreneurs choisissent une approche différente, fondée sur la pédagogie et l’éthique commerciale. C’est le cas de Souhaibou Télécom, un commerçant établi en banlieue dakaroise et issu des daaras, qui préfère utiliser les réseaux sociaux comme un outil de développement plutôt qu’un simple canal de divertissement ou de déballage personnel.
Une démarche axée sur la transmission et le respect
Avec son fils Serigne Saliou, âgé de moins de 20 ans, il met en place une stratégie qui ne se limite pas à la vente de produits et services. Il lui enseigne les rudiments du commerce, tels que la gestion des stocks, la relation client et la mise en place de stratégies marketing efficaces. Contrairement à ceux qui cherchent avant tout la virilité, il mise sur un engagement authentique avec sa clientèle, en partageant des conseils pratiques et des principes de gestion responsables.
Cette démarche répond à un enjeu plus vaste : l’avenir du commerce numérique au Sénégal. Alors que notre pays connaît une digitalisation croissante, la manière dont les entrepreneurs utilisent les réseaux sociaux aura un impact durable sur l’écosystème économique. Le choix entre un modèle fondé sur la qualité et la transparence, et un modèle reposant sur la provocation et le sensationnalisme, déterminera en partie la perception et la réputation du commerce en ligne au Sénégal, voire dans l’espace communautaire ouest africain.
Cette approche contraste fortement avec celle de nombreux vendeurs qui préfèrent capter l’attention en misant sur l’exhibitionnisme ou les controverses. Cette tendance rejoint la réflexion d’Umberto Eco, qui dénonçait l’abolition des distinctions entre expert et profane sur les réseaux sociaux. Selon lui, ces plateformes offrent un espace où chacun peut prendre la parole sans filtre ni responsabilité, créant un bruit médiatique souvent vide de sens. Dans ce contexte, l’utilisation des réseaux sociaux comme outil de transmission de savoirs et de valeurs constitue une alternative plus constructive.
L’impact des réseaux sociaux sur le commerce : un choix d’orientation
Les réseaux sociaux représentent un formidable tremplin pour les entrepreneurs, encore faut-il en faire bon usage. La réussite commerciale ne repose pas uniquement sur la visibilité, mais sur une stratégie adaptée et une relation de confiance avec le public. Contrairement aux influencer qui recherchent le buzz, certains entrepreneurs optent pour un modèle plus durable, basé sur l’échange de connaissances et la fidélisation de la clientèle.
Il ne s’agit pas seulement d’un choix individuel, mais d’un véritable enjeu sociétal. Les réseaux sociaux sont aujourd’hui une place publique où se façonne une partie de la culture commerciale et même des valeurs sociétales. La responsabilité des entrepreneurs digitaux est donc double : ils ne définissent pas seulement leur propre image, mais participent aussi à l’évolution des normes de communication et de consommation.
En fin de compte, chaque commerçant doit choisir entre une popularité éphémère, souvent basée sur la controverse, et une croissance fondée sur l’intégrité et la qualité du service. Cette opposition de styles pose une question essentielle : voulons-nous des réseaux sociaux dominés par l’exhibition et le scandale, ou un espace où l’entrepreneuriat peut s’épanouir avec respect et intelligence ?
Johnson Mbengue
Ancien de WalfQuotidien
Membre du Collectif des
Journalistes économiques du Sénégal (COJES)