Face à la déforestation croissante et à l’urbanisation rapide, le Sénégal voit disparaître chaque année une partie précieuse de son patrimoine naturel. Les arbres, souvent perçus comme de simples ressources économiques, sont pourtant des alliés essentiels de la vie humaine.
Selon les chiffres de la Direction des Eaux et Forêts, le pays perd chaque année près de 45 000 hectares de couvert forestier, principalement à cause de la coupe de bois, du charbonnage et de l’agriculture extensive. Cette déforestation entraîne non seulement une perte de biodiversité, mais aussi une dégradation des sols, une baisse des ressources en eau et une hausse des températures locales.
« Un arbre, on le protège, car l’humain a un lien vital avec lui pour vivre », rappelle Fatou Diagne, écologiste basée à Dakar. Pour elle, l’arbre n’est pas un luxe ni un simple ornement, mais un pilier du cycle de la vie : il purifie l’air, retient l’eau de pluie, stabilise les sols et contribue à la régulation du climat.
La pression démographique et la pauvreté énergétique expliquent en grande partie cette déforestation accélérée. Dans les zones rurales, plus de 70 % des ménages continuent d’utiliser le bois ou le charbon comme principale source d’énergie domestique. En ville, la demande en bois de construction explose avec l’essor immobilier.
« Nous perdons chaque année entre 40 000 et 50 000 hectares de couvert forestier au Sénégal. Si nous ne changeons pas nos habitudes, certaines zones risquent de devenir inhabitables », alerte Babacar Ndao, coordinateur des programmes à l’ONG Nebeday, qui milite pour une gestion durable des ressources naturelles.
Selon lui, la coupe illégale d’arbres, souvent pratiquée de nuit, constitue une véritable menace pour la sécurité environnementale. « Les forêts du centre et du sud du pays sont les plus touchées. Ce n’est pas seulement un enjeu écologique, c’est aussi une question de survie pour les communautés locales », insiste-t-il.
Malgré les campagnes de reboisement initiées par les autorités et les organisations communautaires, les résultats restent mitigés. En 2024, le ministère de l’Environnement annonçait la plantation de 10 millions d’arbres, mais le taux de survie de ces jeunes plants ne dépasse pas 40 %, faute d’entretien et de suivi.
Certaines collectivités, à l’image de Kolda ou Tambacounda, ont mis en place des brigades vertes et des programmes scolaires de sensibilisation. Mais ces initiatives locales demeurent isolées face à l’ampleur du phénomène.
« Planter un arbre, ce n’est pas tout. Il faut aussi le protéger, l’arroser, le faire grandir. Sinon, nos campagnes de reboisement ne servent à rien », regrette Aïcha Sarr, membre de l’association Green Youth Senegal.
Pour de nombreux spécialistes, la clé réside dans l’éducation environnementale et la responsabilisation citoyenne. « L’arbre doit être perçu comme un compagnon de vie. Chaque Sénégalais devrait planter et entretenir au moins un arbre dans sa vie », soutient l’écologiste Fatou Diagne.
Les médias, les écoles et les leaders communautaires ont également un rôle majeur à jouer. Dans certaines régions, des programmes de “villages verts” encouragent les habitants à protéger les arbres plutôt qu’à les abattre.
Au-delà des politiques publiques, la protection des arbres est une question morale et intergénérationnelle. Dans un contexte mondial marqué par les changements climatiques, le Sénégal ne peut se permettre de perdre ses forêts.
Préserver un arbre, c’est préserver la vie. C’est un acte de patriotisme écologique, une promesse faite à la terre qui nous nourrit et à l’air que nous respirons. Car chaque arbre abattu sans raison est une respiration en moins pour l’humanité.
Par Kémo Daffé