Piratage de la Direction des impôts du Sénégal : une alerte nationale sur la protection de nos actifs critiques Par Abdourahmane Sakho- Ingénieur en cyber-sécurité

Le Sénégal traverse un épisode particulièrement préoccupant : la Direction des impôts a été victime d’une cyberattaque, et les assaillants exigent une rançon estimée à 6,5 milliards de francs CFA (chiffre à confirmer).

Cet événement n’est pas simplement une attaque technique ; il constitue une menace directe contre la sécurité économique, sociale et institutionnelle de notre pays.

Les données ciblées ne sont pas de simples fichiers informatiques : baux, actes de cession de terrains, données à caractère personnel (passeport), contrats, rapports et documents fiscaux. Ce sont des actifs critiques, qui garantissent le bon fonctionnement de l’administration, l’équité fiscale, la sécurisation des transactions immobilières, et, au-delà, la confiance des citoyens dans l’État du Sénégal.

La perte ou l’altération de ces données affecte directement les citoyens et les entreprises, car elles concernent les droits de propriété, la traçabilité financière et la gestion des obligations fiscales.

Le rôle de l’État dans la protection des actifs critiques

 

Il est essentiel de rappeler que l’État du Sénégal est le premier garant de la souveraineté numérique. À l’heure où la fiscalité constitue l’un des principaux leviers de la politique publique ; le tandem aux commandes orientant essentiellement leur politique économique dans ce sens, et où la lutte contre les biens mal acquis est devenue un enjeu majeur, la protection des données sensibles est un impératif absolu. Ces données par exemple, au delà de leur traitement lié à leur activité principale, peuvent servir de preuves juridiques et aider le judiciaire dans sa démarche, pour ne citer que cela.

 

Ces systèmes d’information ne peuvent être perçus comme de simples outils administratifs. Ce sont de véritables colonnes vertébrales de la gouvernance, comparables à des infrastructures physiques stratégiques comme l’électricité ou l’eau. Leur compromission revient à paralyser l’État du Sénégal et fragiliser la cohésion sociale.

Qui est derrière ces cyberattaques ?

 

Cette attaque soulève des questions légitimes.

  • Est-elle orchestrée par des groupes de cybercriminels opportunistes (Black Shrantac en l’occurrence), attirés par la perspective d’un gain financier colossal ?
  • Ou bien existe-t-il des complicités locales, notamment de la part de personnes mises en cause pour malversations financières, cherchant à effacer ou perturber des preuves judiciaires ?
  • Une autre hypothèse interroge : dans un contexte de forte pression populaire pour la transparence et la justice sociale, certains pourraient y voir une manœuvre interne pour masquer l’incapacité de l’État à poursuivre certaines affaires sensibles.

 

Ces hypothèses démontrent à quel point la cybersécurité est devenue une arme politique, économique et sociale. La donnée, aujourd’hui, vaut plus que l’or. Sa manipulation ou sa disparition peut changer le cours d’enquêtes, influencer des décisions de justice, et fragiliser la confiance des citoyens envers leurs institutions.

La cybersécurité : un enjeu pour tous

 

Ce piratage doit aussi rappeler à chacun de nous que la cybersécurité n’est pas seulement un sujet réservé aux experts techniques ou aux gouvernements.

  • Pour les citoyens, elle protège les droits de propriété, les identités, les transactions bancaires, et même les communications personnelles.
  • Pour les entreprises privées, elle garantit la continuité des activités, la protection des clients et des secrets industriels.
  • Pour les institutions publiques, elle est le socle de la transparence, de la justice et de la confiance sociale.

 

Sans cybersécurité, il n’y a pas de confiance numérique. Sans confiance numérique, il n’y a pas de gouvernance moderne possible.

Un appel à la vigilance et à l’action

 

Cet événement doit être un électrochoc. Il ne suffit plus de réagir après coup, en négociant ou en subissant les exigences des cybercriminels. Il faut une stratégie nationale robuste de cybersécurité, incluant :

  • des investissements conséquents dans la protection des systèmes d’information critiques,
  • une formation massive des agents publics et privés,
  • des politiques de transparence et de communication claire envers les citoyens (la communication de la direction générale des impôts est d’ailleurs très en déphasage avec la réalité, car cette dernière prétextant une panne informatique),
  • une collaboration internationale renforcée, car les cyberattaques ne connaissent pas de frontières.

 

Dans cet appel à la vigilance, en attendant le déploiement/mise à jour/mise en place de dispositifs techniques et technologiques de sécurité (pour relancer en sécurité l’activité notamment), le levier qui peut d’ors et déjà permettre une prise de conscience du sujet par les agents du monde publics et du secteur privé, reste la sensibilisation !

 

La cybersécurité, une responsabilité partagée

 

Les cyberattaques contre les institutions ne concernent pas seulement l’État : chaque agent public et chaque employé privé est un maillon de la sécurité nationale.

  • Un mot de passe faible, un clic sur un lien frauduleux, une clé USB non sécurisée peuvent suffire à ouvrir la porte aux cybercriminels.
  • La donnée qui sont manipulées au quotidien (documents fiscaux, informations clients, contrats, identités, transactions…) est un actif critique : sa perte ou sa manipulation peut avoir des conséquences graves pour toute une organisation, voire pour le pays.
  • La vigilance numérique est donc un devoir citoyen et professionnel : signaler les anomalies, respecter les procédures, se former régulièrement.

 

Rappel clé : la cybersécurité ne dépend pas seulement des systèmes informatiques, mais surtout des comportements humains.

 

Ce piratage est un signal fort : nos données sont des biens communs, aussi précieux que nos terres, nos ressources naturelles ou nos infrastructures. Leur protection n’est pas un luxe, mais une nécessité vitale. L’État, les entreprises et les citoyens doivent en prendre conscience et agir ensemble pour bâtir une véritable souveraineté numérique sénégalaise.

 

Et vous ? Coup d’État numérique des accusés, attaque stratégique contre une politique fiscale affirmée, ou mascarade d’État ? Exprimez-vous — le débat est vital.

 

Abdourahmane Sakho

Ingénieur en cyber-sécurité

Ceo Midadi Consulting

Dieyna SENE
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