Macky Sall aurait pu éviter cette difficulté en préparant, assez tôt, son dauphin. Avec le temps, les contestations se seraient calmées et son choix aurait eu le temps de déployer son habileté pour recoudre le patchwork des différents courants. Il devra, malheureusement, s’attendre à des obstructions tenaces. Car passés l’émotion et le choc du renoncement à la troisième candidature, la vie devra désormais se faire sans lui. De nouvelles ambitions vont voir le jour, de nouvelles alliances ficelées, et les frustrations, inhérentes à la gestion politique, se feront entendre. Il n’est plus le « maître des horloges ».
Après avoir été l’alpha et l’oméga de la République, il est réduit à la gestion d’un sablier qui écoule le temps utile pour lui et d’un minuteur qui décompte le temps avant la fin. Après avoir annoncé du haut de ses certitudes de « génie politique » qu’il avait la clé de la victoire de son camp en 2024 – à condition qu’il soit suivi dans le choix de son candidat) -, le voilà qui procrastine, tergiverse et finalement décide de ne rien décider. « J’ai un problème, je suis dans l’impossibilité de choisir », a-t-il récemment confessé lors d’une rencontre avec les candidats à la candidature élargie aux responsables de Bennoo.
Entre Abdoulaye Daouda Diallo qui mobilise le Fouta et clame son irrévocable volonté de se présenter à la présidentielle de 2024, Amadou Ba qui compte ses soutiens et déploie sa stratégie, Aly Ngouille Ndiaye qui exclut tout désistement et la dizaine d’autres candidats, l’APR retient son souffle. Le parti du cheval vit sous la hantise de ses cavaliers de l’Apocalypse. Une situation d’autant plus tendue que la coalition au pouvoir doit vivre avec un reflux affectif et électoral qui lui a presque couté la majorité à l’Assemblée nationale. Avec 46 % des suffrages lors des dernières législatives, il lui faudra serrer les rangs et souder son unité pour faire face à une opposition loin d’être velléitaire.
Contre son tempérament, Macky Sall ne peut plus avancer qu’au rythme de l’escargot. Quand on aime le grand galop, cette humilité imposée est une grande épreuve. De sa capacité à contenir cette éruption égotique dans son propre camp dépendront la survie du pouvoir, de sa vision économique et de son héritage. Après près de deux mois de consultations et de concertations, c’est le moment d’inventer un gimmick présidentiel pour être à la hauteur du génie qu’on lui prête.
Sidy Diop