L’opposition et la crise politique Par Pape Sadio Thiam

Lorsqu’on observe l’ardeur presque fébrile avec laquelle une partie de l’opposition concentre aujourd’hui ses attaques sur Ousmane Sonko, dans le différend qui l’oppose au président Bassirou Diomaye Faye, on comprend rapidement qu’il ne s’agit pas d’une simple agitation conjoncturelle. Nous sommes face à une stratégie politique dans sa forme la plus classique : celle d’acteurs affaiblis qui cherchent à transformer les vulnérabilités supposées de l’adversaire en tremplin pour leur propre survie.

 

Depuis la défaite de 2024, cette opposition souffre d’un déficit massif de légitimité. Les douze années de gouvernance de Macky Sall, marquées par l’usage répressif de l’appareil d’État, les arrestations à caractère politique, l’instrumentalisation de la justice et des violences institutionnelles, ont laissé une empreinte durable sur la société sénégalaise. Cette période a produit une mémoire politique collective structurante, un véritable « traumatisme démocratique » qui limite drastiquement les marges de retour de l’ancien pouvoir. Les Sénégalais n’ont pas oublié. Et l’opposition le sait.

 

Face à l’impossibilité de reconquérir la confiance populaire par l’adhésion ou par un projet politique renouvelé, une partie de l’opposition s’est engagée dans une stratégie de « fragilisation de la majorité ». L’idée est simple : amplifier, grossir, ou même fabriquer la perception d’une fracture entre Ousmane Sonko et le président Diomaye. Car là où l’on ne peut gagner par la force du programme, on tente de gagner par la faille de l’adversaire.

 

Dans cette entreprise, l’opposition est puissamment secondée par une partie de la presse, celle qui a longtemps bénéficié de la proximité avec l’ancien pouvoir. Une frange médiatique qui, pendant des années, a vécu sous perfusion des financements, des privilèges et des accès privilégiés offerts par le régime de Macky Sall. Aujourd’hui, privée de ses ressources, reléguée à l’arrière-plan du nouvel ordre politique, cette presse cherche à se réinventer en retrouvant une place centrale dans le jeu. Et pour ce faire, elle adopte volontiers une posture offensive, parfois militante, contre la coalition au pouvoir, avec une focalisation obsessionnelle sur Ousmane Sonko, figure emblématique et point névralgique du nouveau rapport de forces.

 

Sociologiquement, il ne s’agit pas seulement de journalisme : c’est une recomposition d’élites. Une partie des médias, liée aux réseaux de l’ancien régime, tente de rejouer son rôle d’intermédiaire politique en redevenant le bras idéologique de l’opposition. Elle amplifie les controverses, fabrique des récits, crée des effets de panique politique, espérant imposer à l’agenda public les thèmes qui servent les intérêts de ceux qui n’ont plus de prise sur les urnes.

 

Ainsi, l’acharnement contre Sonko n’est pas le signe d’un renouveau démocratique, encore moins celui d’une opposition structurée. C’est la manifestation d’un système ancien, composé de fragments du pouvoir déchu et d’une presse longtemps alimentée par ce pouvoir, qui tente désespérément de retrouver une centralité perdue. Incapable de mobiliser l’opinion, incapable d’assumer son bilan, incapable de proposer une alternative, il ne lui reste que l’exploitation de la tension interne au camp présidentiel comme ultime stratégie de survie

Dieyna SENE
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