L’INDIFFERENCE HUMAINE

A chaque acte barbare, Sauvage, on attend le même dicton « Le monde est méchant ». Mais s’est-on déjà demandé : qui est ce monde, sinon nous tous ? Qui est ce monde, sinon toi, moi, nos voisins, nos amis, nos silences ? nos complices et nos absences ?
Si vous vous rappelez, hier nous avions perdu un jeune frère, un étudiant, un rêveur à l’UGB (Université Gaston Berger de Saint Louis) au nom de Matar Diagne. Ainsi, avant de commettre l’irréparable suicide, il nous a laissé un message bouleversant, poignant, triste et écœurant espérant que cela nous poussera à repenser notre comportement dans la société. Mais Hélas !!! La méchanceté humaine sévit et roule à une vitesse de l’éclair.

Le récit du défunt Matar Diagne nous raconte que ce dernier se sentait seul, abandonné, invisible dans une foule de visages familiers. Il avait crié sans qu’on entende, souri sans qu’on voie, souffert sans qu’on s’en soucie. Et quand il a chuté, ce n’est pas la mort qui l’a tué, mais l’indifférence. Après son départ, les médias et les réseaux sociaux se sont enflammés de messages poignants, de regrets tardifs, de leçons de morales.

Mais à quoi bon pleurer les morts si l’on ne sait pas aimer les vivants ?
Aujourd’hui, une autre tragédie nous secoue. Une jeune mère au nom de Nogaye Thiam a été retrouvée sans vie dans sa chambre, son nourrisson affamé pleurant à ses côtés, cherchant en vain la chaleur d’un sein devenu froid. Deux jours. Deux jours de silence, d’oubli, d’absence. Deux jours où personne n’a frappé à sa porte, pas même sa belle-mère, pas même un voisin. Et pourtant, elle vivait en famille. Comment expliquer qu’aucun cœur n’ait perçu l’écho de son absence ? Comment avons-nous pu devenir si sourds, si aveugles, si éloignés les uns des autres ?
Ce n’est pas le monde qui est cruel. C’est notre indifférence qui tue. Ce sont nos regards fuyants, nos jugements hâtifs, nos priorités inversées. Nous avons appris à détourner les yeux plus vite qu’à tendre la main. Nous avons appris à commenter les drames sans jamais les prévenir. Nous avons appris à compatir à distance, mais oublié comment aimer de près. Et pendant ce temps, des vies s’éteignent dans le silence, des âmes se brisent dans l’ombre, des cœurs se fanent dans l’oubli. Il est temps de nous regarder en face. De reconnaître que nous sommes tous responsables, à des degrés divers, de ce que devient notre société. Car chaque fois que nous choisissons le confort de l’indifférence plutôt que l’inconfort de l’empathie, nous renforçons ce mur invisible qui sépare les êtres ce qui est anormal. Chaque fois que nous laissons quelqu’un s’éteindre sans lui tendre la main, nous trahissons notre humanité. Et chaque fois que nous attendons qu’un drame éclate pour nous émouvoir, nous arrivons trop tard. Avez-vous demandé une fois qu’avoir bonne foi, ce n’est pas seulement croire en Dieu ou en un idéal mais aussi croire en l’autre. Et croire en l’autre, c’est croire aussi que chaque être humain mérite d’être écouté, soutenu, entouré quel que soit sa nature. C’est aussi oser poser une question sincère, offrir un sourire gratuit, prendre des nouvelles sans raison, refuser de laisser la solitude gagner du terrain. C’est comprendre également que la bonté n’est pas une faiblesse, mais une force révolutionnaire. Une force qui sauve, qui répare, qui rallume les étincelles dans les regards éteints.

Ainsi, il est urgent pour nous de réapprendre à vivre ensemble, pas seulement à cohabiter. Mais réapprendre à sentir l’absence d’un voisin, à entendre le silence d’un ami, à deviner la tristesse derrière un sourire. Nous devons redevenir des veilleurs, des passeurs de chaleur, des bâtisseurs de liens. Car une société qui ne sait plus prendre soin des siens est une société qui se meurt lentement, dans le vacarme de ses distractions et le tumulte de ses égoïsmes.
Alors, que chacun se pose cette question simple mais essentielle :
« Suis-je ce monde que je dénonce ? »
Et si la réponse est oui, alors il est temps de changer. Non pas demain, mais aujourd’hui. Car chaque geste compte. Chaque regard bienveillant, chaque mot doux, chaque main tendue est une victoire contre la froideur ambiante. Et peut-être qu’un jour, quand on dira que le monde est méchant, on pourra répondre : « Pas celui que nous avons choisi de bâtir. »
Amadou Ousmane Wade, Altesse (amadououswade@gmail.com)

 

Saër DIAL

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