Face à l’indigence de l’argumentaire, l’invective tient souvent lieu de refuge. En parcourant la prose de Monsieur Serigne Ngouda, thuriféraire zélé du nouveau régime, je n’ai trouvé ni réponse aux questions de fond soulevées, ni démenti factuel sur les dérives que je dénonce. Je n’y ai lu que la tentation facile de l’attaque ad hominem, arme favorite de ceux qui, incapables de soutenir le débat d’idées, préfèrent s’en prendre aux personnes.
À ces censeurs de la dernière heure qui croient que l’histoire politique du Sénégal commence avec leur avènement, il convient de rappeler quelques vérités immuables.
Assumer l’État, c’est servir la République
On me reproche mon silence hier et ma parole aujourd’hui ? C’est méconnaître profondément le sens de l’État. En 2019, j’ai soutenu le Président Macky Sall. J’assume. J’ai été son Conseiller spécial. J’assume. Servir son pays au sommet de l’État n’est pas une compromission, c’est un sacerdoce. Durant cette période, j’ai joué ma partition pour le Sénégal, loin des agitations stériles, avec la discrétion que requiert la charge et la loyauté que l’on doit aux institutions.
Mais ma liberté, elle, est inaliénable. Faut-il rappeler à ces amnésiques volontaires que ma carrière est jalonnée de renoncements aux privilèges au nom de mes convictions ?
* J’ai joué un rôle décisif dans la première alternance sans jamais courir après les postes.
* Élu député en 2001, j’ai démissionné de l’Assemblée nationale et de sa vice-présidence par principe.
* J’ai décliné l’invitation au pouvoir lors de la deuxième alternance.
Je n’ai jamais été un homme que l’on achète ou que l’on fait taire. Si j’ai servi hier, c’était par choix. Si je parle aujourd’hui, c’est par devoir. Ma « légitimité » ne se mesure pas à l’applaudimètre des réseaux sociaux, mais à la cohérence d’une vie offerte au combat démocratique, bien avant que certains acteurs actuels ne soient politiquement nés.
L’Arrogance majeure et les réussites mineures
Ce texte, qui se voulait une nécrologie politique, trahit en réalité la fébrilité du pouvoir en place. Pourquoi tant d’acharnement contre un « général sans armée » si ce n’est parce que sa parole porte le fer là où ça fait mal ?
Au vu du spectacle affligeant servi depuis avril 2024, ma conviction est faite : la place de ces gens n’est pas au sommet de l’État. Le populisme peut faire gagner une élection, mais il ne constitue pas une politique.
N’oublions jamais d’où ils viennent. Ousmane Sonko, aujourd’hui porté aux nues, fut élu député en 2017 grâce au système du « plus fort reste ». C’est cela, la beauté et la loi de la démocratie : elle permet des ascensions fulgurantes. Mais elle est aussi impitoyable avec ceux qui confondent mandat et blanc-seing.
Le peuple sénégalais, seul souverain, est un juge patient mais redoutable. Il se chargera sous peu de rappeler à ces nouveaux tenants du pouvoir une leçon universelle : l’arrogance est un défaut majeur qui conduit fatalement à des réussites mineures. Or, une réussite mineure est toujours un échec fatal pour un arrogant majeur.
Je continuerai à parler, à alerter et à dénoncer, n’en déplaise à ceux qui voudraient instaurer le silence dans les rangs. L’histoire ne s’arrête pas à une élection, et l’avenir, j’en suis convaincu, nous donnera raison face à ceux qui sont tout sauf une bonne nouvelle pour la démocratie sénégalaise.
Talla Sylla
Président de Jëf Jël / Jàmm ak Naatange


