À chaque conférence des bailleurs de fonds, une même question me hante :
Est-ce que ce monde est sérieux ? Sous couvert d’aide et de coopération, les puissances financières perpétuent un esclavage moderne dont les chaînes ne tintent plus : elles s’appellent aujourd’hui la dette. Qu’elle soit déguisée, dissimulée ou justifiée, elle reste la plus redoutable des armes : celle qui maintient l’Afrique dans la dépendance, la pauvreté et le silence.
Les Nouvelles Chaînes De L’esclavage
L’Occident n’a plus besoin d’armes ni d’étendards. La conquête se mène désormais à coup de chiffres, de taux et de conditions monétaires. L’ordre mondial, pas si nouveau qu’il le prétend, a tranché : certains peuples ont droit au développement, d’autres doivent le nourrir. Et les seconds, toujours, portent la couleur du soleil africain.
La manipulation est subtile : on persuade l’Africain que sans ce qu’on lui prête, il n’existe pas ; que sans la monnaie qu’on lui impose, il ne peut se développer. Le mensonge est si bien ficelé qu’il s’enseigne dans nos universités, qu’il s’impose dans nos politiques publiques.
La Preuve Du Cynisme Mondial
L’Ukraine a reçu 150 milliards de dollars d’aide américaine pour une guerre dont l’issue ne fait guère de doute (l’équivalent de 90 000 milliards de Fcfa). Pendant ce temps, au cœur de la pandémie, la Banque Européenne de Développement effaçait la dette de ses membres et autorisait l’Allemagne à tirer 650 milliards d’euros, la France également 450 milliards d’euros.
En tout, 1100 milliards d’euros, soit près de 720 000 milliards de Fcfa. Et nous ? Le Sénégal, dans le même temps, cherchait péniblement 1000 milliards … une somme dérisoire à l’échelle mondiale, mais dont la gestion a suffi à remplir les tribunaux et les prisons.
Triste et drôle à la fois. Car il faut bien en rire, quand on ne peut plus pleurer.
Une Coalition Contre L’Afrique
Ne soyons pas naïfs. Il existe une vaste coalition mondiale (occidentale, orientale, arabe) unie par une même hypocrisie, celle de l’exclusion tranquille. Tous sont complices du maintien de l’Afrique dans un état d’infériorité économique.
Alors devrions-nous renoncer à la souveraineté monétaire, à la reprise de nos richesses, à la rupture panafricaine que d’aucuns jugent dangereuse ! Devons-nous craindre de perdre » une note de confiance » attribuée par ceux-là mêmes qui nous étouffent ? Ce serait consentir à l’esclavage financier dont nous sommes les seules victimes.
Ils ont sauvé la Grèce. Ils ont repêché l’Argentine. Mais pour l’Afrique, la misère est naturelle, presque nécessaire : le monde ne s’indigne de la pauvreté que lorsqu’elle porte une peau claire.
Le Retour À La Culture, Ou La Renaissance
Faut-il rappeler que la culture est au commencement et à la fin de tout développement ? Oui, car elle seule fonde les civilisations humaines. Mais au fond, pour beaucoup, les peuples africains ne font pas encore partie de cette humanité là.
À force de se disputer le butin, un jour viendra le grand chaos, non pas divin, mais nucléaire. Les puissances, en règlement de comptes, s’effondreront peut-être les unes après les autres. Et nous, par la seule force de notre vie, de notre démographie, de notre espérance, nous serons encore là.
Car L’Afrique Ne Meurt Jamais
Elle attend simplement son heure.
Par Babacar Souleymane Faye, promoteur et citoyen africain engagé