La République Du Sénégal En Sursis, La parole politique devient un risque national – Par Babou Biram Faye, journaliste et analyste

Chronique de BBF -Le Sénégal vit une époque où chaque mot prononcé par un responsable politique peut être une étincelle dans une poudrière sociale. Et voilà qu’un député de la Nation, Guy Marius Sagna, déclare publiquement :

« Nous avons un Président légal et un Président légitime ».

Ces mots ne sont pas anodins. Ils ne sont pas non plus une simple opinion. Ils installent, dans l’esprit des citoyens, l’idée que la légalité républicaine (fruit des institutions et du suffrage) pourrait être dissociée d’une prétendue légitimité populaire. C’est le début d’une fracture politique et symbolique aux conséquences imprévisibles.

 Une parole qui n’engage pas seulement un homme

Être député, ce n’est pas commenter l’actualité comme un internaute sur les réseaux sociaux. C’est parler au nom de la République, devant et pour le peuple tout entier. Lorsqu’un parlementaire s’autorise des propos qui opposent institutions et opinion publique, il sape le socle sur lequel repose la stabilité nationale.

 Quand la politique se nourrit de l’incendie

Les mots choisis (accusant des citoyens d’ »assassiner plus de 80 Sénégalais » ou de « bloquer illégalement » un candidat) ne cherchent pas à convaincre, mais, à enflammer. Ce n’est plus du débat démocratique, c’est de la polarisation brute, qui entretient la méfiance et l’exaspération dans un pays déjà traversé par de profondes tensions sociales.

 La République vacille, la Nation se dévalue

Ce n’est pas un cas isolé. Le ton violent, les accusations sans nuance et le rejet systématique des institutions se sont banalisés chez nos responsables politiques, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition. Résultat : Le respect de la fonction présidentielle s’effrite, les institutions deviennent des cibles faciles, la cohésion nationale se fissure.

 La leçon oubliée d’Ousmane Tanor Dieng

Un soir d’élection présidentielle, alors que certains jeunes socialistes pensaient qu’il fallait rendre le pays ingouvernable pour empêcher le Président Wade de manipuler les résultats, feu Ousmane Tanor Dieng leur répondit : « Non, ce n’est pas moi qui vais mettre le Sénégal à feu et à sang. J’ai passé des années à servir l’État. Je n’ai pas le droit de le faire basculer. Et puis, regardez la Côte d’Ivoire : tous ceux qui l’ont mise en ruines l’ont appris à leurs dépens ».

Ces paroles résonnent encore aujourd’hui comme un rappel : on ne joue pas avec la paix d’un pays. La gestion du pouvoir, ou sa conquête, ne peut jamais justifier le sacrifice de la stabilité nationale.

Qui joue encore le rôle de gardien ?

La question est posée : qui, aujourd’hui, dans la classe politique, joue encore le rôle de médiateur, de gardien du jeu républicain, de voix apaisante dans la tempête ? La politique sénégalaise ressemble de plus en plus à une arène où chacun veut gagner par KO, quite à faire exploser le ring.

Il est temps de relever le niveau

Le Sénégal a besoin de dirigeants qui parlent pour construire, pas pour diviser. De responsables qui savent que la légitimité se nourrit de la légalité, et non l’inverse. La parole publique, surtout lorsqu’elle vient d’un député, doit être pesée, responsable, et tournée vers l’intérêt supérieur de la Nation.

Si nous laissons la République être ainsi malmenée, nous jouerons avec ce que nous avons de plus précieux : la paix civile. Et l’histoire nous apprend qu’aucun pays ne sort indemne de ce genre de dérive.

BBF

Dieyna SENE
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