Infos hebdomadaires de Transparency International : Les fonds étrangers dans les urnes

Quelles devraient être les conséquences de l’argent étranger illégal qui s’infiltre dans le processus électoral d’une démocratie ? Cette semaine, la France se penche sur cette question à l’occasion du procès de l’ancien président Nicolas Sarkozy. Ce dernier est accusé d’avoir reçu 50 millions d’euros de fonds illégaux de campagne de Mouammar Kadhafi en Libye pour sa campagne présidentielle de 2007, soit plus du double de la limite légale de 20 millions d’euros.

Ces fonds, qui auraient transité par des intermédiaires , révèlent des liens troublants entre la politique, la diplomatie et les intérêts économiques. Nicolas Sarkozy, qui nie toutes les accusations portées contre lui, est accusé de corruption passive, de financement illégal de campagne, de dissimulation de fonds publics et d’association de malfaiteurs. Ce n’est pas la première fois que des hommes politiques français sont accusés de financements étrangers douteux – comme le prêt accordé en 2014 à une campagne présidentielle par une banque tchéco-russe – mais cette affaire est de loin le plus grand scandale de financement politique de l’histoire française. L’ampleur et l’implication de hauts fonctionnaires en font un cas sans précédent, avec douze personnes, dont trois anciens ministres de Nicolas Sarkozy, jugées.

Transparency International France s’est associée aux organisations de la société civile Sherpa et Anticor pour revendiquer un statut juridique dans ce procès. Au cœur de leur action se trouve la mission de faire entendre la voix des victimes de la corruption, en France et à l’étranger, dont les intérêts et les souffrances sont trop souvent négligés. Les organisations réclament la responsabilité de toutes les parties impliquées : responsables politiques, entreprises et intermédiaires financiers. Elles appellent également à une réforme profonde du financement politique et à une régulation plus stricte des intermédiaires financiers.

Ce procès met en lumière un problème mondial qui dépasse largement la France. La corruption continue de s’immiscer dans la politique à travers des fonds illicites, des ingérences étrangères , des dons opaques et des sociétés douteuses en Europe et dans le monde.

Plus des deux tiers des pays du monde exigent des partis politiques et des candidats qu’ils publient des rapports financiers sur leurs campagnes. Pourtant, la transparence reste extrêmement faible. Une enquête menée en 2021 auprès de 109 pays a révélé qu’un pays sur trois n’exigeait même pas la publication de rapports financiers. Parmi ceux qui le font, seuls 36 pays publient en ligne des informations détaillées sur les dons, notamment le calendrier, le montant et l’identité des donateurs – mais pas la France. Encore moins nombreux, 19 pays seulement, ont publié ces informations avec des identifiants communs, ce qui rend presque impossible le suivi des flux d’argent illicite.

Pour assainir la politique et mettre un terme aux dons douteux, TI a lancé en décembre dernier de nouvelles normes mondiales pour l’intégrité du financement politique . Les lois nationales qui respectent ces normes d’intégrité empêcheront l’argent illicite de corrompre les processus démocratiques, garantiront que les électeurs sont informés de l’argent qui influence la politique et favoriseront des conditions de jeu équitables lors des élections.

Nous soutenons Transparency International France et suivrons avec attention l’évolution du procès. La lutte contre la corruption ne s’arrête pas là. Nous appelons la Conférence des États parties (CoSP) à la Convention des Nations unies contre la corruption à adopter des normes visant à améliorer la transparence du financement politique, sur la base de nos recommandations politiques.

Au niveau européen, nous avons également demandé que la directive anti-corruption de l’UE inclue des mesures qui réglementent et améliorent la transparence autour du financement des partis politiques, des candidats et des tiers.

Grâce à une réforme mondiale, nous pouvons créer un avenir où la démocratie sera libérée de l’emprise de l’argent illicite et où l’intégrité et la transparence seront les pierres angulaires de notre système politique, garantissant que les intérêts du plus grand nombre ne seront pas éclipsés par la richesse de quelques-uns.

Transparency International

Pape Ismaïla CAMARA
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