Infos de Transparency International sur le blanchiment d’argent : quand les complices professionnels commencent à rendre des comptes

Les professionnels du droit et de la finance, longtemps épargnés par la justice malgré leur rôle dans les circuits de blanchiment d’argent, pourraient désormais être rattrapés par la réglementation. Cette semaine, une autorité de régulation à Singapour a annoncé des sanctions contre quatre cabinets d’avocats pour leur implication dans une vaste affaire de blanchiment d’argent. Trois d’entre eux devront s’acquitter d’amendes allant de 23 000 à 78 000 dollars américains, tandis que le quatrième a écopé d’un blâme officiel.

Ces mesures s’inscrivent dans le sillage d’une enquête lancée en 2023, qui a révélé un réseau complexe de blanchiment impliquant dix ressortissants étrangers, utilisant des entreprises de façade, des documents falsifiés et l’immobilier comme outil central pour recycler des milliards issus de jeux d’argent illégaux, d’escroqueries et de prêts non réglementés. Il s’agit, selon Transparency International, du plus grand scandale de blanchiment jamais enregistré dans la cité-État.

Le scandale a mis en lumière la vulnérabilité de Singapour face aux flux financiers illicites, en raison de son statut de hub financier mondial, de son attrait pour les grandes fortunes offshore et de son haut niveau de secret bancaire. La dernière évaluation nationale des risques de blanchiment d’argent de Singapour indique d’ailleurs que la corruption est la troisième infraction la plus souvent citée dans les demandes d’entraide judiciaire adressées au pays.

Dans ce contexte, Transparency International et l’Anti-Corruption Data Collective ont publié cette année le tout premier Indice d’opacité de la propriété immobilière, un outil destiné à évaluer la transparence des transactions et les dispositifs anti-blanchiment dans 24 juridictions à travers le monde. Si Singapour se classe parmi les meilleurs, notamment grâce à son dispositif imposant des obligations strictes aux professionnels du droit, le rapport note aussi certaines failles. Par exemple, les avocats peuvent procéder à des ventes immobilières même sans connaître l’identité réelle du propriétaire bénéficiaire, se contentant souvent d’enregistrer un dirigeant intermédiaire.

La situation de Singapour n’est pas isolée. À travers le monde, les « facilitateurs » du blanchiment — avocats, comptables, notaires — opèrent souvent à l’abri des sanctions. Une étude récente de Transparency International a identifié 78 cas de flux financiers illicites en provenance de 33 pays africains, facilités par des professionnels dans 30 pays, souvent sans que ces derniers soient soumis à des obligations légales en matière de lutte contre le blanchiment.

Lors de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (FfD4), tenue récemment, les États se sont engagés à renforcer la régulation de ces professions. Mais Transparency International souligne que seul le passage des engagements aux actes permettra d’éviter que ces acteurs clés continuent d’échapper à toute responsabilité, alors qu’ils sont souvent les « activateurs » silencieux des crimes financiers mondiaux.

Pape Ismaïla CAMARA
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