Financement- Sénégal : les levées de fonds bondissent de 267 % au 1er semestre sur le marché régional

Agence Ecofin – Le Sénégal a triplé ses levées sur le marché régional au premier semestre de l’année 2025. Une hausse de 267 % sur fond de tensions budgétaires et de suspension du programme avec le FMI.

Privé d’accès aux marchés internationaux, le Sénégal s’est tourné massivement vers le marché régional de la dette. Selon les données de l’Agence UMOA-Titres, rien que pour les adjudications de titres publics, Dakar a levé 1262,5 milliards FCFA (environ 2,25 milliards $) au premier semestre 2025. Un volume en hausse de 267 % par rapport aux 343,46 milliards FCFA mobilisés sur la même période un an plus tôt.

Ce recours massif au marché domestique intervient dans un contexte de gel des décaissements du Fonds monétaire international (FMI), après la suspension, en mars 2024, du programme de 1,8 milliard $ conclu avec l’institution. Une décision qui fait suite à la révélation d’environ 7 milliards $ de passifs non déclarés, incluant des arriérés aux fournisseurs et des engagements PPP hors bilan.

Résultat : la dette publique du pays a été réévaluée à 119 % du PIB contre 75 % officiellement déclarés en 2023. Le déficit budgétaire pour 2023 a également été revu à la hausse, et atteint 12,3 % du PIB, avec une prévision de 7,8 % pour 2025, selon les dernières projections.

Pour faire face à cette situation, sur le marché régional, le Sénégal a privilégié les titres à moyen et long terme. Près de 70 % des montants levés (soit 879,43 milliards FCFA) l’ont été via des obligations assimilables du Trésor (OAT) ; une volonté d’allonger la maturité de la dette. Cette stratégie tranche avec les années précédentes, marquées par une prédominance des bons du Trésor (BAT) de court terme. Le 27 juin, une émission d’OAT à 3 ans a permis de mobiliser 205 milliards FCFA au taux marginal de 7,53 %. L’appétit des investisseurs reste encore solide pour le papier sénégalais, malgré la remontée du risque souverain.

Mais sur la place financière régionale, Dakar tente de jouer sur tous les fronts. Entre mars et avril, le pays a bouclé une opération d’appel public à l’épargne portant sur 400 milliards FCFA levés via la fenêtre syndiquée du marché financier régional. Fin juin, une nouvelle opération a été lancée sur le même compartiment. Jusqu’ici, les investisseurs régionaux ont plutôt bien répondu, avec des émissions régulièrement sursouscrites.

Mais cette dynamique cache une montée des tensions budgétaires. Les charges de la dette ont bondi de 44,5 % au quatrième trimestre de 2024 et de 23,98 % au premier trimestre 2025, pour atteindre environ 1,4 milliard $ sur neuf mois, selon les données officielles. Un alourdissement qui réduit l’espace budgétaire pour les dépenses sociales et d’investissement. Parallèlement, certains fondamentaux économiques demeurent solides. Le PIB a crû de 12,1 % en glissement annuel au premier trimestre 2025, porté par les premières exportations d’hydrocarbures. Les recettes fiscales ont progressé de 12,2 %, avec une hausse de 11,6 % des impôts et de 24,4 % des recettes non fiscales.

Dans l’attente d’un accord de relance avec le FMI, le gouvernement intensifie ses efforts de transparence. Un plan de redressement économique est attendu début juillet, avec des réformes ciblées sur la gouvernance budgétaire, la mobilisation des recettes et la restructuration éventuelle de la dette. Selon plusieurs économistes, une consolidation crédible — incluant élargissement de l’assiette fiscale, réduction du train de vie de l’Etat et transformation industrielle tournée vers l’export — est devenue incontournable.

Momar Diack SECK
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