J’écrivais récemment : « Un gouvernement qui prend en charge l’ensemble de l’héritage et le transforme en moteur d’action s’inscrit dans une dynamique de construction, et non d’opposition. »
Le Sénégal n’est pas né aujourd’hui. Il s’est construit pas à pas, à travers des décennies de luttes, d’efforts, d’institutions qui se sont succédé, de valeurs et de traditions que nous avons forgées collectivement. C’est cela, notre bien commun. Et aucun régime, aussi puissant ou ambitieux soit-il, ne peut prétendre repartir de zéro. L’humilité commande de le reconnaître.
La continuité de l’État n’est pas de l’immobilisme. Elle nous dit simplement que nous héritons d’un socle, parfois imparfait, mais solide. Libre ensuite à chaque pouvoir d’y inscrire sa marque : de nouvelles méthodes, une gouvernance plus juste, des priorités plus proches des attentes des citoyens. La véritable rupture n’est pas de tout balayer, mais de s’appuyer sur ce qui existe pour corriger, améliorer, et avancer.
On oublie trop souvent que le développement est un processus fait de réformes et d’institutions qui mûrissent avec le temps. Et ce sont souvent les gouvernements suivants qui en récoltent les fruits. C’est cela, la continuité : une chaîne de patience, d’efforts, de réussites et de ratés qui, ensemble, font progresser la nation.
Mais cette continuité ne vient pas seulement de l’État. Elle est aussi portée, au quotidien, par les Sénégalais eux-mêmes. Dans les villages comme dans les villes, dans les champs, les marchés, les ateliers ou les salles de classe, nos concitoyens poursuivent leur œuvre sans attendre les cycles politiques. Ils innovent, ils produisent, ils enseignent, ils soignent, ils entreprennent. Cette vitalité silencieuse est une force qu’il faut célébrer, accompagner et valoriser, car elle est le véritable cœur battant de la nation.
Les Sénégalais n’ont pas demandé une révolution incertaine. Ils ont demandé des changements concrets dans leur vie quotidienne : une justice qui inspire confiance, des ressources mieux gérées, un coût de la vie supportable, des services accessibles à tous. Voilà le vrai mandat : transformer l’héritage en résultats palpables.
Et cela ne peut se faire qu’avec un élan commun. Car un récit tourné uniquement vers le passif divise et paralyse. À l’inverse, un récit qui assume la continuité et valorise la construction collective rassemble et mobilise. Nous avons besoin de ce récit-là : un récit qui unit, pas qui sépare.
Churchill avait cette formule qui résonne aujourd’hui encore : « If we open a quarrel between past and present, we shall find that we have lost the future. »
Alors, si j’avais un mot à adresser aux nouvelles autorités, ce serait celui-ci : ne perdez pas de temps dans les querelles avec le passé. Ne vous enfermez pas dans les justifications. Inspirez-vous de la continuité des citoyens eux-mêmes et faites de l’héritage reçu une rampe de lancement pour écrire un récit nouveau, qui puise dans les acquis d’hier, corrige les failles et ouvre la voie aux victoires de demain. C’est à cette maturité-là que nous reconnaîtrons un véritable élan collectif. Inscrivez le « projet »dans la continuité de la nation et la république.
Par Souley Wade