Chronique -Le Sénégal et le Fonds monétaire international (Fmi) ont pris rendez-vous au mois de juin prochain pour discuter des mesures à prendre pour sortir le pays de l’ornière. La situation économique est chaotique avec une dette qui tourne autour de 99 % du Pib et un déficit budgétaire estimé à plus de 11 % du Pib.
Face à cette situation chaotique, le Gouvernement se tourne vers le Fmi pour trouver des moyens financiers nécessaires afin de redresser l’économie nationale. Les actions envisagées par le Sénégal sont d’abord de reprofiler la dette extérieure estimée à 18 000 milliards de francs Cfa.
Dans les cinq ans à venir, le Sénégal doit consacrer plus de 10 000 milliards de francs Cfa au service de la dette, ce qui pourrait gravement affecter le fonctionnement des finances publiques.
Il faudrait sans doute l’aval du Fmi et d’autres bailleurs pour parvenir à convaincre les créanciers du Sénégal à lâcher du lest et accepter un reprofilage de la dette. L’autre moyen consisterait à emprunter de l’argent aux bailleurs de fonds avec un différé de paiement à moyen terme pour racheter une partie de la dette à court terme.
Il reste aussi à discuter avec le gendarme financier du monde sur les subventions à l’économie. Le Fmi fait de la suppression de ces subventions une nécessité absolue pour réduire le déficit budgétaire abyssal. Dans le budget 2025, les subventions à l’électricité et à l’énergie sont plafonnées à 300 milliards de francs Cfa.
Sur cette question, le ministre des Finances et du Budget semble favorable à une baisse des subventions d’électricité et de l’énergie, soulignant que les riches ne doivent pas être concernés. Ce qui pourrait entraîner une hausse des prix. C’est une courte vue de l’esprit que de réfléchir en termes de riches et pauvres. Il faudrait avoir une vision économique pour comprendre que l’industrialisation du pays ne peut pas s’accommoder d’une hausse des facteurs de production. Les industries du textile et d’autres secteurs consomment beaucoup d’électricité. Toute hausse de ce produit affectera grandement leur production et pourrait même obérer définitivement le développement du secteur industriel.
De même, l’hydraulique rurale serait gravement affectée par cette hausse de l’électricité. Déjà les entreprises qui évoluent dans le secteur de la distribution de l’eau courante en milieu rural sont asphyxiées par le coût de l’électricité et certaines pourraient déposer le bilan après plusieurs années de déficit. Ils ont d’ailleurs exprimé leur désarroi aux autorités lors des journées de l’eau en décembre dernier à Kaolack.
Les populations devraient aussi trinquer puisque la tranche sociale sera fixée à un niveau assez bas qui ne permet pas aux populations pauvres de s’en sortir, à moins de n’utiliser que des lampes et la télévision. Le ventilateur et le frigidaire vont être inaccessibles pour les pauvres.
Ce qu’il faut faire, c’est d’abord auditer la Senelec pour détecter tous les signes de gâchis, ce qui pourrait dégager des économies d’échelle avant de voir les mesures à prendre pour contenir cette subvention.
Parmi les solutions proposées, certains membres du Gouvernement font état de la baisse des salaires des ministres, directeurs et cadres qui ont des salaires surdimensionnés. Il est parfaitement possible de trouver des niches d’économie avec la suppression de certains avantages comme les indemnités de logement de fonction, de primes de sujétions, de rentabilité et autres avantages souvent indus qui minent le budget des rémunérations des fonctionnaires. Ces avantages sont estimés à près de 500 milliards de francs Cfa et peuvent être considérablement réduits si le système de rémunération des fonctionnaires est réformé. Cela évitera de procéder à des licenciements ou de mettre en place des programmes de départs volontaires qui vont accroître les difficultés de l’administration puisque ce sont les meilleurs agents qui vont partir.
En définitive, il faut éviter de mettre en place un plan déflationniste basé sur la baisse des revenus des populations. En 1993, le plan Sakho-Loum mis en place pour augmenter les recettes et baisser les dépenses et qui comprenait une réduction des salaires n’a eu d’autres effets que de créer une tension énorme et une précarisation des travailleurs.
Dans le livre sur le Sénégal à la veille du troisième millénaire, l’économiste Ibrahima Dia souligne que les institutions financières inspiratrices des politiques actuelles de désengagement et de libéralisation sont tout aussi comptables des échecs des politiques que les dirigeants africains. D’ailleurs dans la présentation du livre, il est souligné que «l’Afrique est parfaitement intégrée au système mondial. Mais elle y occupe les positions les plus subalternes, ce qui explique la violence des ravages que le néo libéralisme a pu y produire, comme l’illustre le cas du Sénégal».
Si le Sénégal veut réaliser sa souveraineté économique basée sur l’agro-industrie et l’autosuffisance alimentaire, il doit s’écarter des solutions simplistes du Fmi et d’autres bailleurs qui n’ont jamais développé un pays. Le gendarme financier ne voudra pas donner les moyens à un pays pour qu’il s’émancipe de sa tutelle. Ce n’est pas parce que les comptes sont vides qu’il faudrait accepter toutes les solutions proposées par le Fmi. L’ajustement est nécessaire, mais il doit être fait en fonction des objectifs assignés à l’économie. La souveraineté économique ne doit pas être un simple slogan, mais un concept novateur pour développer le pays en toute autonomie. Discuter, c’est nécessaire, mais il faut refuser toute aliénation.
Publié dans Walfadjri du jeudi 20 février 2025