Le 8 novembre, tout changera.
Les jeunes auront des emplois, l’économie sera compétitive, les hôpitaux modernes, les écoles équipées. L’eau coulera partout, les routes relieront chaque village, plus d’abris provisoires, plus d’exil clandestin, le Sénégal sera enfin prospère.
À en juger par l’ampleur de la mobilisation qui s’annonce, il ne saurait en être autrement :
les bus sont à pied d’œuvre, les banderoles tendues, les discours peaufinés, l’enthousiasme monte, la République est sollicitée, et tout un peuple est chauffé à l’idée d’un grand jour.
Avec tant d’énergie déployée, cette date ne peut être qu’un tournant historique, celui du vécu des populations, de ces besoins simples, urgents, quotidiens, qui attendent depuis trop longtemps et qui, seront enfin satisfaits, ce jour.
Le 8 novembre marquera notre émergence. Il ne saurait en être autrement, à voir la ferveur orchestrée, amplifiée, célébrée.
Mais sait-on jamais… Nous sommes au Sénégal.
Et tandis que les foules rallient, avec espérance, le terrain nouvellement déguerpi des « mécanos » et autres « débrouillards », une petite voix murmure qu’il serait peut-être temps de se réveiller de la douce torpeur d’un pays désormais gagné par le culte de la personnalité.
Et la réalité de l’émergence se dissipa dans les effluves anesthésiantes de la clameur de l’illusion messianique.
En définitive, les enjeux de pouvoir, la bataille des ego et les querelles de clochers auront encore pris, comme trop souvent sous nos tropiques, le dessus sur l’essentiel.
C est le faux semblant d’une apothéose grisante d’un pouvoir qui, pourtant, se cherche encore. Dopé par l’envoûtement d’un peuple de partisans, vénérant leur messie.
Et, en arrière-plan, la grande masse silencieuse, condamnée à subir le spectacle, à vivre son mal, de solutions, en patience… encore et encore.
Dommage. « La popularité ne prouve rien, sinon la facilité avec laquelle un peuple oublie de penser. »
— Hannah Arendt
