Diplomatie environnementale et climatique: Une scène paradoxale depuis l’alternance de 2024 en défaveur du Sénégal Par Dr Aliou Gori Diouf

Introduction-Depuis l’alternance politique intervenue au Sénégal en 2024, la scène diplomatique environnementale et climatique offre un spectacle paradoxal, pour ne pas dire incompréhensible. On assiste à une véritable inversion des rôles : l’ancien président, qui n’est plus en exercice, occupe avec vigueur le terrain de la diplomatie climatique, tandis que les autorités actuelles brillent par leur absence. L’ancien chef de l’État, Macky Sall, est devenu plus visible et plus actif que le gouvernement en place sur ce champ qui est pourtant stratégique.

Or, il faut le rappeler, les questions environnementales et climatiques dépassent aujourd’hui le cadre strict du développement. Elles relèvent de la géopolitique, de la stratégie diplomatique et de l’influence internationale. Dès lors, comment comprendre qu’un régime en exercice, sensé incarner et défendre les intérêts de l’État, laisse à un ancien chef d’État — et de surcroît adversaire politique déclaré — le soin d’occuper un tel terrain ?

L’activisme international de Macky Sall

Depuis son départ du pouvoir, Macky Sall s’affiche de manière régulière dans les grandes rencontres multilatérales sur le climat et l’environnement. On le retrouve dans des panels de haut niveau aux côtés de dirigeants en exercice, d’anciens chefs d’État et de leaders mondiaux. Plus encore, il joue un rôle de « facilitateur » pour une organisation internationale européenne spécialisée dans l’adaptation climatique, dont il préside le conseil de surveillance.

En pratique, Macky Sall met à profit son réseau et son statut d’ancien chef d’État pour ouvrir les portes des palais présidentiels africains et des grandes institutions internationales à cette organisation. Celle-ci, qui aurait difficilement pu obtenir de telles audiences, bénéficie ainsi d’un parrainage qui sert également à offrir à l’ancien président une visibilité internationale précieuse. Mais cette visibilité personnelle se traduit par une invisibilisation de l’action diplomatique du Sénégal sous le nouveau régime.

Un préjudice pour l’État du Sénégal

Ce déséquilibre constitue un grand préjudice pour l’État du Sénégal. Car en diplomatie, l’image et l’influence d’un pays reposent sur ses autorités en exercice, seules habilitées à représenter officiellement la nation. Le paradoxe est que le gouvernement actuel a, semble-t-il, déserté ce champ stratégique qu’est la diplomatie climatique et environnementale, devenu aujourd’hui un instrument majeur d’influence, de puissance et de visibilité internationale.

Il est préoccupant de constater l’absence de position claire, de leadership affirmé et de présence forte du Sénégal sur ces enjeux mondiaux. Pendant ce temps, un ancien président, en profond désaccord politique avec le régime actuel, utilise la diplomatie climatique comme un prolongement du combat politique national. En le faisant, il réduit la visibilité et l’influence du Sénégal sur la scène internationale, et porte ainsi atteinte aux intérêts stratégiques du pays.

Une question d’éthique et de patriotisme

Sur le plan éthique, Macky Sall aurait dû éviter d’occuper ce terrain diplomatique. Dans l’histoire politique sénégalaise, ses prédécesseurs — Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade — avaient choisi de garder un profil bas sur la scène diplomatique internationale après leur départ du pouvoir, par souci de patriotisme et de responsabilité. Un ancien chef d’État n’a aucune légitimité à mener une action diplomatique internationale sans l’accord, l’alignement et la coordination avec les autorités en exercice.

En choisissant de promouvoir ses intérêts personnels à travers la diplomatie environnementale et climatique, Macky Sall agit non seulement en adversaire politique du régime, mais aussi en concurrent de l’État du Sénégal. Or, à l’échelle internationale, il est impossible de dissocier le régime en place de l’État lui-même. Toute activité qui vise à affaiblir ou concurrencer le gouvernement actuel se traduit ipso facto par une atteinte aux intérêts de l’État du Sénégal.

La responsabilité partagée

La responsabilité n’incombe pas seulement à l’ancien président. Elle pèse également sur les autorités actuelles, qui ont laissé cet espace diplomatique vacant. Depuis leur arrivée au pouvoir, leur action en matière climatique et environnementale s’est limitée à quelques discours prononcés lors d’événements internationaux. Or, ce champ diplomatique exige une stratégie claire, une présence constante et une capacité de rayonnement.

 

Le Sénégal avait acquis, sous Macky Sall, une visibilité internationale certaine sur les questions climatiques. Ce capital diplomatique devait être consolidé, renforcé et porté plus haut encore par les nouvelles autorités. Au lieu de cela, c’est l’inverse qui s’est produit : le pays est devenu pratiquement invisible dans ce domaine, alors même que les enjeux environnementaux et climatiques constituent aujourd’hui un terrain majeur de défense des intérêts nationaux et de projection internationale.

Conclusion

L’activisme international de Macky Sall dans la diplomatie climatique, loin d’être anodin, s’oppose directement aux intérêts du Sénégal. Par patriotisme, il devrait chercher l’alignement avec les autorités actuelles ou, à défaut, garder une réserve. Mais le gouvernement en place porte aussi sa part de responsabilité : en désertant ce champ stratégique, il a ouvert la voie à cette confusion et affaibli l’influence internationale du Sénégal.

Il est donc urgent que les autorités actuelles reprennent en main le leadership diplomatique du Sénégal sur les enjeux climatiques et environnementaux, car il en va de la crédibilité, de la visibilité et du rayonnement international du pays

Dieyna SENE
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