Ériger une Bibliothèque nationale du Sénégal n’est pas un luxe, encore moins une vanité architecturale. C’est une exigence historique, citoyenne et civilisationnelle. Un pays qui veut bâtir son avenir doit d’abord protéger et magnifier sa mémoire, organiser son savoir, stimuler sa créativité et offrir à son peuple les outils de sa propre émancipation.
Un enjeu de civilisation
Chaque grande nation s’est donnée une Bibliothèque nationale digne de son histoire et de ses ambitions :
La Bibliothèque nationale de France, avec son architecture monumentale, est autant un dépôt de mémoire qu’un symbole fort des grands projets de la République des Lettres. Étudiant et visiteur assidu, j’ai été fasciné par sa forme architecturale originale avec ses quatre tours en verre en forme de livres ouverts. L’aspect de cloître de son jardin clos appelle à la quiétude et la méditation, choses essentielles pour la contemplation des savoirs.
La Library of Congress aux États-Unis est, pat le nombre de ses ouvrages, la plus grande au monde, dépositaire du patrimoine intellectuel de l’humanité et source d’inspiration pour chercheurs, législateurs et citoyens.
La British Library, la (Biblioteca Nacional de España*, la Bibliothèque d’Alexandrie ressuscitée en Égypte : toutes incarnent cette idée que le savoir est un bien commun à protéger, à transmettre et à faire rayonner.
Le Sénégal, patrie de Cheikh Ibrahima Niass (et ses contemporains), de Cheikh Anta Diop, de Léopold Sédar Senghor, de l’école William Ponty, de Kocc Barma et des fondateurs de l’université de Pire, mérite, lui aussi, une telle institution. Nous devons ériger notre propre cathédrale du savoir.
Un lieu de mémoire et d’innovation
Une Bibliothèque nationale doit être plus qu’un dépôt de livres. C’est :
– un sanctuaire de la mémoire nationale, intégrant les archives publiques et privées, afin de préserver les manuscrits anciens, les journaux, les enregistrements sonores, les films, les archives numériques.
– un hub technologique, intégrant les outils modernes du savoir, c’est-à-dire bases de données numériques, intelligence artificielle pour la recherche documentaire, accès à distance pour les citoyens, bibliothèques virtuelles pour la diaspora.
– un espace de création avec salles d’exposition, laboratoires d’écriture, ateliers numériques, résidences d’écrivains et d’artistes.
– un outil de rayonnement régional car Dakar et le Sénégal, depuis l’indépendance, se sont toujours placés à l’avant-garde intellectuelle et artistique de l’Afrique de l’Ouest.
Un joyau architectural à imaginer et créer
À l’image de la Grande Mosquée de Touba, du Musée des Civilisations noires ou du Théâtre national Daniel Sorano, la Bibliothèque nationale doit être un écrin architectural, une œuvre d’art qui émerveille et attire. Comme la BnF à Paris ou la Bibliothèque d’Alexandrie, elle doit être conçue non seulement comme un lieu de travail et de recherche, mais aussi comme une merveille architecturale qui attire chercheurs, touristes, étudiants et citoyens. Un phare au cœur de Dakar, une fierté nationale.
C’est un instrument pour la recherche, l’éducation et le tourisme :
– pour la recherche en offrant aux universitaires, aux chercheurs et aux étudiants l’accès à un fonds complet et à des outils modernes.
– pour l’éducation afin de nourrir la curiosité, stimuler l’esprit critique, développer le goût de la lecture et de l’apprentissage dès le plus jeune âge.
– pour le tourisme culturel car une Bibliothèque nationale bien conçue devient un site de visite autant qu’un lieu de savoir.
– pour la mémoire collective : garder trace des luttes, des voix et des rêves qui ont construit notre nation.
Un réseau national de bibliothèques
Mais une Bibliothèque nationale, aussi prestigieuse soit-elle, ne saurait suffire comme oasis dans un désert culturel. C’est pourquoi, il faut développer, sur l’étendue du territoire, un réseau de bibliothèques régionales, départementales et municipales. En effet, lla lecture ne doit pas être un privilège réservé exclusivement à Dakar, c’est un droit pour chaque enfant, chaque élève, chaque citoyen, qu’il habite Matam, Ziguinchor, Kaolack ou Saint-Louis.
Une bibliothèque dans chaque commune, dans chaque école, dans chaque quartier, voilà le véritable gage d’un peuple cultivé. L’accès au livre, au savoir, aux immenses promesses du numérique est une condition de citoyenneté, un pilier de la démocratie et une arme contre l’ignorance, les extrémismes et la manipulation.
Un appel à la Nation
Nous lançons donc cet appel vibrant :
À l’État, pour qu’il porte ce projet avec la grandeur et la vision qu’il mérite.
Au maire de Dakar pour qu’il redonne à la ville toutes ses lettres de noblesse.
Aux architectes, pour qu’ils imaginent un édifice audacieux, durable, ouvert et symbolique.
Aux partenaires internationaux (Unesco, Isesco, Union africaine, etc.) pour qu’ils soutiennent ce chantier de civilisation.
Aux citoyens, pour qu’ils s’approprient ce lieu comme leur maison commune du savoir.
Un peuple qui lit est un peuple qui vit.
Un peuple qui écrit est un peuple qui se projette.
Un peuple qui préserve sa mémoire est un peuple qui ne meurt jamais.
Oui, une Bibliothèque nationale n’est pas une dépense : c’est un investissement dans l’avenir.
Par Oumar Ba Urbaniste / Citoyen sénégalais
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