Chaque saison des pluies, Touba revit la récurrente séquence des inondations. Mais
cet hivernage 2025, la ville sainte a connu une situation sans précédent : des
quartiers entiers engloutis, des familles déplacées, des foyers perdus. Une scène
douloureuse pour les habitants, et un paradoxe historique pour Touba.
Si l’on interroge l’histoire, l’un des plus grands défis de la cité reste le manque
d’eau. Qui ne se souvient pas du discours mémorable du troisième khalife général
des Mourides, Serigne Cheikh Abdou Lahat Mbacké, appelant à résoudre la soif
qui accablait la ville ? Aujourd’hui, le scénario est tout autre : l’eau est là, mais elle
nous submerge.
Face à ce paradoxe, nous avons deux choix : continuer à subir ou transformer cette
difficulté en opportunité. Personnellement, je crois fermement à la seconde option.
Touba peut et doit saisir cette épreuve, pour bâtir un avenir plus résilient et plus
moderne. Cette situation, aussi dramatique soit-elle, pourrait être transformée en
levier de développement.
Les inondations que connaît la ville sainte ne sont seulement pas le fruit de la
nature. Elles sont aussi la conséquence directe de plusieurs facteurs humains et
structurels notamment : une urbanisation galopante et non maîtrisée, la pression
démographique, l’absence de plan d’urbanisation cohérent, le manque d’un système
d’assainissement efficace, l’insuffisance des bassins de rétention.
Il convient toutefois de reconnaître les investissements et initiatives déjà réalisés.
Les Khalifes généraux des Mourides, à travers les époques, ont toujours œuvré pour
améliorer les conditions de vie à vie. De son coté, l’Etat du Sénégal a multiplié les
programmes et projets dans le domaine de l’assainissement et de la lutte contre les
inondations. Ces efforts sont louables et constituent une base solide.
Cependant, face à l’ampleur du défi, il est nécessaire d’aller plus loin et d’adopter
une stratégie globale et structurante pour faire de l’eau une ressource utile et un
moteur de résilience urbaine.
A cet effet, il faudrait la mise en place d’un Programme spécial estimé à hauteur
de 370 milliards de francs CFA, financés sous forme de partenariat public-privé
(PPP). Ce mécanisme permettrait d’alléger la charge financière de l’Etat tout en
bénéficiant de l’efficacité du secteur privé. Un tel programme pourrait financer
quelques pistes de solutions structurantes pour un nouveau visage de Touba :
La construction de maisons pour reloger les sinistrés : offrir à chaque
famille touchée une maison. Il est important que la population de Touba
comprenne qu’avec les changements climatiques actuels, certaines zones
d’habitation ne peuvent plus perdurer.
La création de lacs artificiels : non seulement pour faciliter
l’assainissement, mais aussi pour constituer des réserves d’eau utiles à
l’agriculture, à l’élevage et même à la vie sociale.
La mise en place de bassins de rétention : dans les zones stratégiques de
la ville afin de maîtriser et réguler les eaux pluviales.
L’aménagement d’autoponts modernes : surplombant ces lacs, pour
fluidifier la circulation et donner une image urbanistique ambitieuse à la ville
sainte.
En effet, Touba est confrontée à un paradoxe : autrefois menacée par le manque
d’eau, elle subit aujourd’hui les conséquences de son excès. Mais comme le dit
l’adage, « toute crise est une opportunité ». Avec une vision claire, des projets
structurants et une volonté collective, la ville sainte peut transformer cette épreuve
en tremplin pour devenir un modèle de résilience et de modernité.
Toutefois, il me plait de rappeler que Touba a déjà prouvé, à travers son histoire et
sa spiritualité, qu’elle est capable de surmonter les épreuves les plus rudes.
Aujourd’hui, elle a l’occasion de faire de cette tragédie une source de progrès. L’eau
qui détruit peut aussi être l’eau qui nourrit, qui embellit et qui élève.
L’heure n’est plus à des complaintes, mais à l’action. À nous de transformer cette
douleur en opportunité pour faire de Touba une ville résiliente, moderne et digne de
son rang spirituel.
Dr Mbaye Chimère NDIAYE
Economiste, Expert en Analyse et Politique
Economiques et en Intelligence économique
Inondations à Touba : Transformer l’épreuve en opportunité

Chimére Ndiaye