Le Sénégal prisonnier du franc CFA : la France tire les ficelles, la Côte D’ivoire exécute ? Par Dr Seydou Bocoum

Introduction : La stabilité économique et la souveraineté monétaire d’un État reposent avant tout sur sa capacité à contrôler ses canaux de paiement et ses institutions financières stratégiques. Pourtant, le cas du Sénégal dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) révèle une réalité troublante : le pays ne maîtrise ni sa monnaie ni les leviers décisionnels qui gouvernent la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).

L’épisode récent du refus de la Côte d’Ivoire de voir le Burkina Faso prendre la présidence de l’UEMOA démontre à quel point certains États dominent les rouages de cette union, reléguant d’autres, comme le Sénégal, au simple rang d’exécutants.

Mais derrière cette apparente puissance ivoirienne, n’est-ce pas la France qui tire les ficelles, comme elle l’avait déjà fait en 2011 en utilisant l’arme monétaire contre Laurent Gbagbo pour imposer Alassane Ouattara au pouvoir ?

 

Une monnaie sans pouvoir décisionnel :

Le franc CFA, utilisé par huit pays de l’UEMOA, est présenté comme une monnaie commune, mais ses mécanismes sont loin d’être équitables. La BCEAO, bien que théoriquement indépendante, reste fortement influencée par les intérêts français. Le veto ivoirien sur la présidence burkinabè de l’UEMOA illustre que l’équilibre institutionnel n’est qu’une façade : la Côte d’Ivoire agit comme le relais privilégié des intérêts de Paris, renforcée par son poids économique et politique dans la zone.

Ce verrouillage institutionnel n’est pas nouveau : en 2011, la BCEAO, sous impulsion française, avait gelé les avoirs de l’État ivoirien dirigé par Laurent Gbagbo et bloqué tous les circuits financiers du pays. Ce coup de force monétaire avait été décisif pour précipiter la chute de Gbagbo et installer Alassane Ouattara au pouvoir.

Le Sénégal à la merci de sanctions monétaires :

Cette situation pose un grave problème pour le Sénégal. En cas de divergence politique avec les centres de pouvoir de la BCEAO c’est-à-dire la France et son allié ivoirien le Sénégal ne dispose d’aucun filet de sécurité monétaire.

Si la BCEAO décidait unilatéralement de suspendre ou de restreindre les canaux de paiement du pays, comme elle l’a fait en 2011 contre la Côte d’Ivoire de Gbagbo, le Sénégal serait pris au piège. Il ne possède ni système de paiement alternatif, ni monnaie propre, ni autonomie dans la gestion de ses réserves.

Le précédent russe et l’absence d’alternative régionale :

À l’échelle internationale, l’exemple de la Russie post-sanctions de 2022 est éclairant. Face à l’exclusion du système SWIFT et aux restrictions occidentales, Moscou a rapidement mis en place des solutions nationales (carte MIR, accords bilatéraux en yuan ou roupie, conversion en or, etc.). En comparaison, les pays de l’UEMOA, et le Sénégal en particulier, ne disposent d’aucun levier semblable. Toute sanction ou blocage émanant de la BCEAO ou de la France à travers son influence laisserait le Sénégal désarmé, sans aucun outil de continuité économique.

 

Conclusion :

Le mythe d’une souveraineté partagée dans l’UEMOA s’effondre face aux faits. Le Sénégal, bien qu’étant un pays stable et stratégique, ne contrôle pas ses canaux de paiement. Il reste vulnérable à la volonté politique d’autres membres de l’union, en premier lieu la France, qui utilise la Côte d’Ivoire comme bras armé de son influence monétaire.

L’épisode du Burkina Faso, écarté de la présidence de l’UEMOA, sonne comme un avertissement : sans une réforme profonde ou la création de mécanismes de souveraineté monétaire réelle, le Sénégal risque un jour de se retrouver en position de dépendance totale, incapable de faire face à une crise monétaire ou géopolitique. La souveraineté ne se décrète pas, elle se construit, et cela commence par la maîtrise de sa monnaie et de ses outils financiers.

 

Dr Seydou Bocoum

 

Dieyna SENE
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