Badara Gadiaga, Symptôme D’une Démocratie Qui Tangue Par Par Babou Biram Faye

Chronique de BBF :  « Il faut sauver le Sénégal avant qu’il ne soit trop tard ».

Hier, c’est Badara Gadiaga qui a été placé en garde à vue pour un motif pour le moins vague : «discours contraire aux bonnes mœurs». Un motif qui rappelle les temps obscurs où l’arbitraire se déguisait en morale publique. Aujourd’hui, c’est un chroniqueur. Demain, qui? Un citoyen lambda? Un journaliste? Un opposant?

Le traitement réservé à Badara Gadiaga, qui a déplacé une foule nombreuse et solidaire jusque devant les locaux exigus de la cybersécurité, est révélateur. Révélateur d’un climat délétère où la parole libre devient suspecte, où l’engagement citoyen est scruté, traqué, puni. En somme, un contexte où la démocratie est chaque jour un peu plus grignotée par l’intolérance politique et l’autoritarisme rampant.

Alioune Tine, fin connaisseur des dynamiques politiques sénégalaises, l’a dit avec justesse : «Ce régime vient de créer un grand opposant». À force de vouloir faire taire, on fabrique des symboles. À force de réprimer, on nourrit les ressentiments. À force de convoquer et d’emprisonner pour des opinions, on prépare la naissance de ce que l’on redoute : des monstres politiques créés par la frustration collective.

Le parallèle avec l’ancien régime de Macky Sall est inévitable. Les méthodes se ressemblent, les erreurs aussi. Ousmane Sonko, à l’époque, avait vu son capital de sympathie exploser à mesure que les entraves judiciaires s’abattaient sur lui. Aujourd’hui, le même piège semble se refermer sur le régime actuel, qui donne l’image d’un pouvoir de plus en plus méfiant à l’égard de ses propres citoyens.

À force d’incarcérer, de réprimer, de diviser, on risque de créer une «société inflammable». Ce n’est pas en transformant les chroniqueurs en martyrs qu’on bâtira la stabilité. Ce n’est pas en alimentant la paranoïa que l’on désamorce les tensions. Et ce n’est certainement pas en jetant les bases d’une nouvelle ère d’intolérance que l’on guérira des plaies béantes laissées par les crises précédentes.

Le Sénégal est encore convalescent. Les fractures sociales, politiques et institutionnelles sont loin d’être cicatrisées. Nous avons besoin de réconciliation, de justice, d’équité. Pas de représailles, ni de règlements de comptes. Pas d’un pouvoir obsédé par le contrôle des voix dissonantes.

Il appartient aux dirigeants actuels de prouver qu’ils sont venus incarner une nouvelle démocratie, non pas une revanche déguisée. Le parti au pouvoir doit choisir : être l’architecte d’une République apaisée ou le fossoyeur de nos espérances. Il y va de la crédibilité de l’État. Il y va de notre avenir commun.

Le Sénégal a trop souffert de ses démons passés pour se permettre une rechute. Il faut faire marche arrière pendant qu’il est temps.

Il faut sauver le Sénégal. Maintenant.

BBF

 

 

Dieyna SENE
Up Next

Related Posts