Un contexte économique sous tension.
Le Sénégal fait face à une crise économique multiforme, marquée par un niveau d’endettement élevé, des contraintes de décaissement du FMI, et une méfiance croissante des bailleurs de fonds. Les agences de notation, quant à elles, brandissent le risque pays, alimentant les inquiétudes des investisseurs. Dans ce contexte, le gouvernement sénégalais, dirigé par le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko, doit mettre en œuvre des stratégies rigoureuses pour redresser l’économie, tout en diversifiant ses partenariats et en revitalisant la coopération bilatérale, notamment avec la France, les États-Unis et la Chine,…
- La dette sénégalaise : entre transparence et polémique
Un héritage financier lourd.
Le gouvernement actuel a hérité d’une situation budgétaire obérée par des irrégularités comptables et une sous-évaluation des déficits. Le rapport de la Cour des comptes de février 2025 a révélé un déficit de plus de 10 % du PIB en 2023, contre 5 % initialement annoncé, conduisant à un gel du programme du FMI (1,9 milliard de dollars).
Pour rétablir la confiance, les autorités ont mandaté un cabinet international indépendant pour auditer la dette publique sur la période 2019-2024. Les estimations provisoires indiquent une dette de l’administration centrale s’élevant à 20 738 milliards FCFA fin 2023 et 23 563 milliards FCFA fin 2024.
La controverse méthodologique
Un rapport de Barclays a récemment estimé la dette à 119 % du PIB en 2024, un chiffre contesté par les experts locaux. Le Dr Bocoum, économiste certifié par le FMI, dénonce une « misinformation », soulignant l’absence de base officielle et un biais de perception des marchés.
Stratégies adoptées :
– Transparence accrue : Audit indépendant et communication proactive.
– Refinancement de la dette : Renégociation des échéances et diversification des sources de financement.
- Les défis structurels et les réformes en cours.
Une croissance dynamique mais déséquilibrée
Le Sénégal table sur une croissance de 5,5 % en 2026-2028 (selon le DPBEP), tirée par le pétrole, mais freinée par des secteurs secondaires et tertiaires en ralentissement. Les faiblesses structurelles persistent :
– Dette utilisée pour refinancer des échéances plutôt que pour des investissements productifs.
– Disparités régionales (57 % de pauvreté à l’Est contre 9 % à Dakar).
La LFR 2025 : un budget de vérité ?
La Loi de Finances Rectificative 2025 intègre des dettes cachées (3 384,1 milliards FCFA) et des arriérés dus aux entreprises (500,9 milliards FCFA). Pour le Pr Abou Kane (FASEG/UCAD), cette rectification aurait dû être anticipée dès la Loi de Finances Initiale (LFI) pour éviter une « crédibilité budgétaire fragilisée ».
Réformes clés :
– Assainissement des finances publiques : Réduction du déficit à moins de 7 % en 2025.
– Partenariats Public-Privé (PPP) : Relance des investissements via des projets structurants (ex. : usine Mercedes Trucks).
– Transparence Budgétaire et Dette : Un Préalable à la Crédibilité.
« La LFR 2025 est un acte courageux » : l’intégration de la dette cachée (3 384,1 milliards FCFA) et des arriérés aux entreprises (500,9 milliards) montre une volonté de vérité. Dans un contexte mondial atone (+3,2 % de croissance en 2025, FMI), cette transparence rassure les partenaires comme le FMI. C’est un signal fort pour négocier des rééchelonnements ou des prêts concessionnels. Cependant, comme souligné à Séville, l’architecture de la dette doit être réformée : clauses de suspension en cas de choc, équité dans les notations financières. Le Sénégal, avec ses alliés, doit plaider pour cette refonte lors du sommet États-Unis–Afrique.
- Les réticences des bailleurs et la diversification des partenariats.
Le FMI et les contraintes de décaissement
Le gel du programme FMI en raison du misreporting (déclaration inexacte des données) a limité l’accès aux financements. Les autorités travaillent à un retour à l’orthodoxie budgétaire pour rétablir la confiance.
Vers de nouveaux partenariats économiques.
Face aux réticences des bailleurs traditionnels, le Sénégal diversifie ses alliances :
– Espagne : Renforcement de la coopération en agriculture et gestion migratoire.
– Chine et pays du Golfe : Recherche d’investissements alternatifs.
– États-Unis : Participation du président Faye au sommet États-Unis–Afrique en juillet 2025.
Diplomatie Économique : Les Opportunités Post-Retrouvailles Diomaye-Macron « Comment exploiter le réchauffement avec la France et le sommet Trump ? »
« Le dialogue renoué entre Diomaye et Macron ouvre des portes :
– Énergie et Terres Rares : La France, via l’UE, pourrait soutenir des projets miniers durables (ex : lithium, zircon) avec des transferts technologiques.
– FMI : Paris, membre influent du FMI, peut appuyer un programme élargi axé sur les infrastructures critiques, en échange d’engagements climatiques.
Quant au sommet Trump, c’est une tribune pour :
– Sécurité Sahélienne : Demander un ‘parapluie sécuritaire’ américain (drones, renseignement) contre le terrorisme.
– Investissements Privés : Pousser des PPP dans les énergies renouvelables, avec des garanties de l’USAID.
Coopération Économique : Priorités et Leviers :
« Trois axes sont critiques » :
- Réforme du FMI : Obtenir des DTS (Droits de Tirage Spéciaux) pour les pays vulnérables, comme proposé à Séville.
- Diversification : Associer terres rares et agriculture (ex : projets comme ‘Barha’ en Guadeloupe, où la réhabilitation foncière attire des investisseurs ).
- Solidarité Régionale : Créer un fonds sahélo-sénégalais pour les PME, inspiré des exonérations guadeloupéennes pour les terrains agricoles.
- La nécessité d’une revitalisation de la coopération France-Sénégal.
Dans un contexte de crise mondiale, la relance du partenariat bilatéral avec la France apparaît comme une solution stratégique. Historiquement, la France a été un partenaire clé en matière d’investissements, d’aide au développement et de soutien monétaire (via la zone franc).
Pistes de collaboration renforcée :
– Appui technique et financier pour la réforme des finances publiques.
– Investissements ciblés dans les énergies renouvelables et l’agro-industrie.
– Soutien diplomatique pour une réforme de l’architecture financière internationale (plaidoyer pour des clauses de suspension automatique de la dette en cas de choc).
En conclusion,
Un plan de redressement ambitieux mais incertain.
Le Sénégal dispose d’atouts (croissance économique, potentiel pétrolier, stabilité politique) mais doit :
- Consolider la transparence budgétaire pour rassurer les marchés.
- Accélérer les réformes structurelles (gouvernance, diversification économique).
- Renforcer les coopérations bilatérales, notamment avec la France, pour sécuriser des financements alternatifs.
Vers un Plaidoyer pour l’Audace.
« Le Sénégal a des atouts » : transparence budgétaire, leadership jeune, ressources stratégiques. Mais il faut :
– Un Plan Marshall Local : Associer FMI, UE, les États-Unis et la Chine autour d’infrastructures et le renouvellement de l’appareil productifs.
– Une Diplomatie Agile : Profiter des sommets pour porter une voix africaine unie.
In fine, « Ce n’est pas la dette qui est dangereuse, mais l’incapacité à maîtriser les conditions de son financement. » La réussite du redressement économique sénégalais dépendra donc de sa capacité à concilier rigueur budgétaire et innovation partenariale.
Dr. Seydina Oumar Seye.
Sources :
– Rapports du Ministère des Finances et du Budget (Sénégal).
– Analyses du Dr Seydina Oumar Seye, du Pr Abou Kane (FASEG/UCAD).
– Données ANSD, FMI, Barclays.
– Conférences internationales (ONU, Somme