Législatives 2022 : Macky Sall pas rassuré par ses troupes …

Les signes ne trompent pas. Le Président n’a pas une confiance totale en ses troupes. Son principal opposant hors course avec le rejet de la liste des titulaires de la coalition la plus représentative de l’opposition, l’on pensait qu’il suivrait sereinement les législatives de ce 31 juillet et presque les doigts dans le nez. Mais il n’en est rien. Car, non content d’investir personnellement la campagne et d’envoyer la Première Dame au front, voilà que Macky Sall multiplie les actions envers un électorat qu’il cherche absolument à rallier à la cause de sa coalition. De quoi donc le Président a-t-il vraiment peur ? Le Vrai Journal

 

On dirait qu’il joue son va-tout avec les législatives de ce 31 juillet. Rien n’est de trop à ses yeux pour s’assurer de la victoire de son camp pour un scrutin législatif que l’on croyait être une simple formalité depuis le rejet de la liste des titulaires de la principale coalition de l’opposition amenés par Ousmane Sonko. Yewwi Askan Wi, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a beau être amputée de sa figure marquante et de ses principaux, le Président ne semble guère être habité par un optimisme béat.

Loin s’en faut. En déplacement à Saint-Louis, il y a tout juste une semaine, pour inaugurer l’aéroport réhabilité pour un montant de 23 milliards et lancer les travaux d’un nouvel hôpital de niveau 4 dont il a posé la première pierre au cours de cette visite, le Président Macky Sall est manifestement dans une opération de charme tous azimuts.

Décidé à séduire l’électorat à une dizaine de jours du scrutin législatif du 31 juillet, il ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il vient en effet de faire un clin d’œil aux personnes retraitées en revalorisant les pensions de 10, 12, 15 et 25% selon les hiérarchies.

Avant de réceptionner dans la foulée – et en grande pompe s’il vous plait – un lot de 33 bus de la société Dakar Dem Dikk destinés au transport inter urbain. Des bus qui, soit dit en passant, sont drapés d’affiches de ses principales réalisations.

C’est dire si le Président s’est engagé tambour battant dans cette campagne des législatives pour laquelle, il a même appelé en renfort la Première Dame. Elle a en effet effectué sa première sortie publique dans la campagne dimanche dernier, aux Parcelles Assainies où elle est partie soutenir Amadou Ba qui recevait alors l’état-major départemental de Benno conduit par la tête de liste à Dakar, le ministre Alioune Ndoye.

Reçue au Quartier Général de la coalition, elle y a rencontré une belle brochette d’imams et de délégués de quartier des Parcelles Assainies. La Première Dame n’est donc pas en reste et joue pleinement sa partition. Quant à son époux de Président, il fait feu de tout bois pour maintenir la flamme de sa coalition

Le spectre des élections locales

La coalition Benno Bokk Yaakaar a vu justement son hégémonie sérieusement contestée par Yewwi Askan Wi aux élections locales du 23 janvier dernier. On se rappelle d’ailleurs toute la polémique entre Benno et Yewwi sur la lecture des résultats de ces élections. Certes, Benno Bokk Yaakaar (BBY), avec 38 départements et 438 communes dans son escarcelle, avait globalement remporté le scrutin. Mais une victoire qu’il fallait tout de même relativiser selon les leaders de Yewwi.

Et pour cause, « si le Président se glorifie d’un vote gagné en nombre de communes, la réalité du vote en termes de voix dit autre chose », avaient alors soutenu Sonko et compagnie. Avant d’indiquer le pourquoi. « La coalition présidentielle a perdu la majorité absolue, passant de 58 % supposée en 2019 à 41 % en 2022 sur l’étendue du territoire national », avaient-ils argumenté. Et d’en conclure que c’était là « une évidence qui montre que les suffrages exprimés en faveur du Président Macky Sall ont reculé de 16 %, lors du scrutin »

Mieux, s’appuyant sur des résultats combinés suivant les scrutins des villes, des départements et des communes, la coalition Yewwi Askan Wi soutenait avoir gagné les quatre villes dans lesquelles elle était engagée. Dans ces collectivités, « nous cumulons 237 678 voix (46 %) sur 518 047 exprimées, là où la coalition BBY a obtenu 136 447 voix (26 %) », avaient alors martelé les leaders de Yewwi.

Bref, le résultat cumulé entre les suffrages obtenus dans les villes et les départements indiquait, selon les chiffres brandis à l’époque par la coalition Yewwi Askan Wi, « Benno Bokk Yaakaar avait obtenu 41 % des voix contre 24 % pour Yaw. Conclusion : « s’il s’agissait d’un scrutin présidentiel, le candidat sortant serait contraint de disputer un second tour », avaient alors tranché les leaders de la principale coalition de l’opposition.

Mais, indépendamment de cette guerre des chiffres, une chose était au moins certaine : Benno avait décliné et Yewwi a connu une percée à l’issue de ces locales du 23 janvier. Si bien qu’au sortir de ce scrutin, et conscient qu’il fallait vite réagir pour stopper net cette percée de l’opposition, Macky Sall avait vite entrepris une vaste entreprise de débauchage qui lui a permis de récupérer une douzaine de maires élus sous la bannière de l’opposition en janvier dernier. C’est dire si le Président, en faisant immixtion dans cette campagne des législatives, veut absolument éviter le spectre de ces locales qui avaient permis à Sonko et compagnie de contester sérieusement son hégémonie.

Hypothèque sur le 3ième mandat ?

L’autre enjeu qui fait que le Président ne veut pas laisser le terrain uniquement à ses troupes est bien évidemment le 3ième mandat. En ne disant ni « oui » ni « non », il en entrevoit sans doute la perspective. Mieux, récemment et à trois reprises, il a envoyé des signaux qui montrent qu’il n’a pas définitivement fermé la porte à un troisième mandat, du moins à une troisième candidature. D’abord, en recevant des jeunes leaders africains, il a clairement laissé entendre qu’il n’était pas convaincu que « la limitation des mandats était opérante pour régler les problèmes sur le continent ». Puis, sans sourciller, il a clamé haut et fort être « très loin d’avoir achevé son travail de Président ».

Enfin, le Sénégal s’est fait remarquer récemment au sein de la CEDEAO en ne signant pas l’initiative de l’organisation sous régionale sur la limitation des mandats. Une position que seuls le Togo et la Côte d’Ivoire ont partagé avec le Sénégal. Ce sont là autant de signes qui montrent que le Président est loin d’avoir mis la croix sur une troisième candidature. En revanche, une défaite à ces législatives du 31 juillet rendrait cette hypothèse encore plus improbable. L’on comprend alors pourquoi le Président a vraiment décidé de mouiller le maillot.

Le Vrai Journal

Momar Diack SECK
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