900 milliards de francs CFA bloqués en Chine depuis 2015 : Mr Sonko, il est temps d’aller les Chercher… (Saliou Dramé )

Un cadre déjà établi, des partenaires toujours engagés, un relais stratégique à activer, du temps précieux à gagner pour le Sénégal.

En 2015, la Chine était déjà prête à injecter plus de 1,5 milliard de dollars dans l’économie sénégalaise, soit plus de 900 milliards de francs CFA, à travers un partenariat structurant porté par la société IMMOSEN SARL et son directeur général, Saliou Drame. Tout était en place. Les lettres d’engagement étaient signées. Les projets étaient prêts. Les Chinois n’attendaient qu’une seule chose : une garantie de l’État pour débloquer les fonds. Ils étaient prêts à construire des universités, des routes, des écoles, des hôpitaux, des logements, des zones touristiques.

Mais ils sont tombés sur un système corrompu jusqu’à la moelle. Un système de blocage, de chantage, d’exigence de commissions à chaque étape. Le patriotisme avait un prix, et ce prix était la compromission. Saliou Drame a refusé. Ses collaborateurs aussi. Il aurait pu céder, prendre sa part, faire comme les autres, signer et détourner.

Nous faisions partie de ceux qui lui disaient à l’époque de payer si c’était la seule voie du salut pour le peuple qui souffre.

Mais son expérience a eu, avec le temps, raison sur nous ! Ce système pourri a été balayé, et aujourd’hui des gens que nous pensons intègres peuvent changer la donne.

Dix ans se sont passés. Saliou Drame n’est pas mort. Ses partenaires chinois, marocains, qataris sont toujours là. Et les problèmes qu’ils voulaient résoudre sont toujours aussi persistants, plus criants, plus violents.

 

Aujourd’hui, vous êtes au pouvoir.

Ne répétez pas les erreurs de ceux que vous avez combattus. À l’époque, des ministres et des DG avaient été amenés en Chine. Qu’y ont-ils fait ? Ils ont assisté aux premières journées de réunion, puis avaient disparu pour le reste. Pire encore, certains ont contourné ceux qui les avaient invités pour signer en douce des accords parallèles et monnayer les opportunités.

Ils avaient utilisé le voyage pour leurs poches, pas pour le peuple.

Macky Sall, de son côté, voulait que les projets aboutissent. Mais l’armada de prédateurs sur toute la chaîne a saboté toute chance. Nos gens ne connaissaient pas et n’étaient pas habitués à un système intègre, où l’on ne se fait pas payer pour servir le peuple, où l’on peut signer des accords sans gaspiller des millions dans des fêtes et des cérémonies inutiles.

Monsieur le Premier ministre, mon premier conseil : Ne partez en Chine avec ceux qui vous y apporteront Rien. Laissez-les au Sénégal, et partez avec de vrais collaborateurs, ceux qui connaissent bien le terrain. Vous avez la confiance du peuple et toute la légitimité pour signer en son nom. Allez-y avec des techniciens, des vrais. Ceux qui connaissent le terrain, qui veulent prouver. Ce sont eux qui, lors des précédentes missions, travaillaient pendant que leurs chefs faisaient les magasins. Ce sont eux qui ont impressionné les partenaires chinois. Mais de retour au pays, ce sont eux qui ont été mis de côté. Ceux qui avaient disparu pour du shopping, faire la une des manchettes.

Monsieur le Premier ministre, quinze mois se sont écoulés depuis votre élection. L’on a tous vu parmi eux ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas. Pensez efficacité. Chaque seconde compte. Pensez à ces milliers d’Africains qui misent sur vous.

Mon second conseil : la Chine ne viendra jamais nous développer. Pas plus que les Occidentaux. La Chine négocie pour ses intérêts. Elle est plus prédatrice que les autres, mais elle est aussi plus directe et plus rapide. Elle respecte les dirigeants sérieux. Si vous partez avec une équipe sérieuse, vous aurez des solutions sérieuses. Si vous partez avec une équipe bancale qui cherche des intérêts personnels, ils vous traiteront comme tels. They will give you what you bring.

Mon troisième conseil : les Chinois sont déjà là, chez nous, depuis plusieurs décennies, en train de prendre nos ressources. Certains d’entre eux pêchent illégalement dans nos eaux, exploitent l’or de Kédougou sans cadre clair, détruisent la Falémé avec l’orpaillage alluvial, cultivent nos terres sans contrat digne.

Ils viennent en Afrique chercher l’argent de la manière la plus avantageuse possible, mais ils sont prêts aussi à se régulariser et à se conformer si vous leur proposez un deal gagnant-gagnant. Le Mali est en train de réussir cela.

Il faut transformer ces prises illégales en contrats formels, avec redevances, quotas et obligation de transformation locale.

 

Mon quatrième conseil : ceux d’avant vous partaient en Chine juste pour les caméras, pour dire qu’ils étaient en mouvement, en action, et malheureusement, avec rien de concret derrière. Il faut y aller cette fois-ci pour signer du concret, revenir avec des équipements, des infrastructures, des engagements.

Mon cinquième conseil, Monsieur le Premier ministre : soyez prêts. Ayez des fiches techniques solides. Apprenez de votre déplacement de juin. Mettez des choses en place et faites tout votre possible pour partir une seconde fois et participer à la Canton Fair en octobre 2025, à Guangzhou. Toutes les entreprises chinoises y seront. C’est là que cela se passe. En trois semaines, vous pourrez tout voir, comparer, choisir et négocier. Ce sera du 15 octobre au 5 novembre. Ce sera l’occasion de rencontrer beaucoup de nos compatriotes qui travaillent dans l’ombre, sans faire de bruit et sans aucune aide.

Enfin, mon dernier conseil stratégique : les Chinois veulent des ressources stratégiques comme garantie. Et ils ne s’en cachent pas. Si vous voulez leurs bateaux hauturiers, leurs unités d’irrigation ou leurs centrales solaires, soyez prêts à offrir un modèle clair.

Le Sénégal a besoin dans l’immédiat de 100 chalutiers pour reprendre nos eaux, 5 000 kits solaires pour désengorger Senelec, 100 unités complètes de matériel minier pour mettre en place des petites mines, des équipements agricoles et unités de transformation. Le tout peut être financé si l’État garantit.

En pêche, selon l’Initiative pour la transparence dans la pêche, plus de 400 chalutiers chinois pillent nos eaux sans rétribution. C’est une opportunité d’obtenir nos 100 navires sans trop débourser.

En agriculture, seulement 3 % des terres sont irriguées alors que le potentiel dépasse 2 millions d’hectares, selon l’ANSD. Les pertes post-récolte vont jusqu’à 60 %, soit plus de 100 milliards FCFA perdus chaque année. Les Chinois cherchent des terres à cultiver. Ils sont en Zambie, au Soudan, au Mozambique et au Mali. Ils sont chez nous, au Sénégal, dans la vallée, sous des prête-noms nous dit-on. Toutefois, il y a possibilité de négocier dans le domaine agricole sans perdre, car eux aussi en ont besoin.

En orpaillage, plus de 32 000 personnes travaillent dans des conditions dangereuses. Selon l’ANSD, 4,3 tonnes d’or artisanal ont été extraites en 2017, soit 86 milliards FCFA, presque autant que Sabodala. Entre-temps, il y a eu une purge, beaucoup ont été chassés. Et quand vous êtes arrivés, il y a eu une manipulation orchestrée par les colons qui ne veulent pas que les orpailleurs travaillent sur leurs permis, et on les a faussement accusés d’avoir détruit la Falémé. Pourtant, nos orpailleurs ne sont pas dans l’alluvionnaire, ils sont dans le hard rock mining. Résultat : ils ont été chassés et se retrouvent tous au Mali, où ils sont accueillis à bras ouverts. Ceux qui détruisent la Falémé et qui jouent au chat et à la souris avec les autorités maliennes et sénégalaises de part et d’autre de la frontière, ce sont nos amis Chinois avec leurs dragues. Voilà un grand levier de négociation.

En énergie, plus de 70 % de l’électricité provient encore du fioul. Et 30 % du pays reste sans courant. Le solaire est la seule solution viable et rapide, et la Chine domine ce secteur. Elle peut construire une centrale de 100 MW en six mois, et livrer 10 000 kits en trois mois. Elle peut même fournir les batteries au lithium si l’on monte une usine en partenariat avec le Mali ou la Guinée. La Chine a la technologie. Le Mali et la Guinée ont la matière première. Et nous avons tous le besoin. Nos quatre pays peuvent signer un accord hautement stratégique.

Monsieur le Premier ministre, négociez la création d’une zone industrielle dédiée, une Diamniadio bis, où les Chinois assembleront bateaux, panneaux solaires, machines agricoles, unités minières. Un modèle gagnant-gagnant.

L’initiative égyptienne dans la zone du Canal de Suez est la preuve vivante que c’est possible. Plus de 100 entreprises chinoises y sont installées grâce à un partenariat clair avec Tianjin TEDA Investment Holding. Des infrastructures modernes, des emplois créés, des investissements directs mobilisés. Certes, l’Égypte a péché par manque d’exigence en matière de transfert de technologies et de montée en gamme, mais le modèle est là : il peut être perfectionné. Ce que l’Égypte a lancé, le Sénégal peut le faire, à condition de garder le contrôle stratégique, avec une obligation de contenu local, une fiscalité juste, une formation de nos ingénieurs, une gouvernance conjointe, et surtout une maîtrise des règles du jeu.

Monsieur le Premier ministre, si un seul citoyen comme Saliou Drame, sans État, sans diplomatie, a pu lever 1,5 milliard USD sans appui, sans cabinet, sans titres, vous pouvez aujourd’hui, avec votre légitimité populaire et tous les services de l’État à votre disposition, faire plus.

Les partenaires chinois ne cherchent qu’à investir. Nous avons un espace fertile pour du gagnant-gagnant.

L’histoire ne retiendra pas ceux qui ont voyagé en Asie ou fait le tour de la sous-région, mais ceux qui ont transformé le pays. Monsieur le Premier ministre, vous avez l’occasion de signer un tournant. Saisissez-le.

 

Saliou Dramé

 

Dieyna SENE
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