Le moment estudiantin, période propice aux idées de séditions,
est le terreau de sempiternelles revendications, mais la jeunesse
Universitaire peut éviter certaines formes infertiles de combats.
Nous sommes des centaines de milliers de citoyens universels, dans la vie active, à arborer fièrement nos CV, avec ces lignes concernant notre passage à l’université de Dakar.
Pour la première fois, un président de la République du Sénégal s’est présenté sur le campus social, ce 31 juillet 2015.
Après avoir inauguré l’université de Dakar en décembre 1958, en tant que président de L’Assemblée du Mali, Léopold Sédar Senghor n’est guère revenu sur le campus dortoir. Il s’en est tenu à des cérémonies au niveau des facultés, comme lors de l’inauguration de la bibliothèque centrale, le 20 novembre 1965. L’avocat Wade, futur troisième doyen de la faculté de Droit y prestait déjà, comme chargé de cours. Même doté d’un puissant état aux bras potentiellement martiaux, le poète président a toujours voulu éviter ces inutiles confrontations, alors que le campus était vingt fois moins peuplé. Senghor préférait d’autres voies telles que la dialectique, pour affronter les futurs intellectuels de la nation.
Dans les années 80-90, Abdou Diouf est venu plusieurs fois à l’UCAD, présider des journées médicales à la faculté, sans jamais fouler le sol du campus, où il avait résidé jusqu’en 1958. En décembre 2007, Wade en tant que troisième président, qui avait remis sa robe de professeur , s’était limité à la salle de conférence des facultés, pour animer un débat sur les APE avec le sociologue Malick Ndiaye et la ministre malienne, Aminata Traoré.
Nous aimons prendre les occidentaux comme référence en matière de progrès. Il est inimaginable d’accueillir le président Obama ou David Cameron, dans une université américaine ou d’Angleterre, avec une telle carence de finesse et des agissements quasi puériles de la part d’apprenants. L’agitation immature et clastique décrite lors de la visite du président SALL, n’honore pas les soi-disants étudiants qui en seraient les auteurs.
En 2007, Nicolas de Nagy Bosca a été reçu à l’UCAD, qui lui a offert une tribune. Le président français en a profité pour interpeler l’Afrique et sa jeunesse, en exprimant une de ses thèses marginales et insultantes. Il y était question de notre cadence lente et qui entraverait la marche du monde. Contre lui, iI n’y a pas eu ce jour là de manifestations d’hostilité ni même phonique intempestive. Le monde intellectuel ne s’en est ému qu’à postériori, de son discours de Dakar.
Il y a trente ans, nous étudiants de Dakar, avions une posture quérulente, en même temps que le futur président SALL. Certaines de nos méthodes, depuis éculées, n’ont pas montré leur efficacité.
Durant le mois de Ramadan de 1988, devant le pavillon A du campus, nous étions quelques étudiants à nous offusquer devant une tentative de caillassage d’un agent présumé indicateur de la police.
Nous ne sommes plus au vingt siècle et la jeunesse africaine doit se défier de ce sensationalisme superficiel et de ses modes primaires d’expression. Même si le poète a affirmé que «l’émotion est nègre», il n’est point interdit de pondérer ses états d’âmes en renforçant l’instinct du raisonnable.
Il faut que nos jeunes, l’esprit ouvert vers l’universel, réinventent d’autres attitudes pour s’exprimer. Le boycott, la plume pour dénoncer une mesure gouvernementale, les réseaux sociaux sont autant de moyens.
Je ne puis imaginer une étudiante en Droit en train de jeter un pavé sur un véhicule et commettre un délit de voie de fait ou de destruction de bien public. Un doctorant en Médecine, équilibré, doit s’interdire tout effort de projection de pavé, lequel peut entrainer une lésion septique. C’est son ainé médecin qui aura l’obligation de rédiger un certificat de constat de blessure par abrasion cutanée et contusions.
Aucun étudiant africain ne peut croire que Cheikh Anta DIOP, chantre de l’antériorité des civilisations nègres, serait fier de le voir jeter des cailloux, sur n’importe quelle personnalité. Le savant nous a appris que la «force de la vérité est annihilée par l’insanité »
Dès la première décennie, un débat s’est posé sur l’iniquité de traitement entre la majorité de notre jeunesse rurale et cette minorité gâtée par la république et confortablement nichée à la future université Cheikh Anta DIOP. Cette minorité, dont une partie avait troqué avec empressement, les bons couscous sains et autres « sauce ndambé» fortifiants contre les plats gras et les déjeûners diabétogènes de Dakar. Ces nouveaux citadins, friands de beurre hypercholestérolémiant et dont les plus avachis ne consomment plus que des mets peu diététiques, entre deux sorties de week end, dans les boites de nuit de la capitale.
Le temps de fréquentation d’une université est en principe limité aux études. C’est une période enrichissante et gratifiante, d’autant qu’on y rencontre des amis de toute une vie. Le président que le peuple a élu majoritairement y a fait son temps. Il dispose de la légitimité de revenir dans cet espace qui doit demeurer ouvert. Aucun pan de la société, et même les germes d’une intelligentsia ne peuvent en interdire l’accès à un ancien étudiant, sous quelque prétexte spécieux.
Le sage de Mbawor, Alioune FALL, encourage souvent les étudiants et leur rappelle que «toute année universitaires blanche, pourrait se prolonger par une vie noire». Un siècle auparavant, son vénéré grand-père* avertissait sur des défauts qui pendent au-dessus de la tête de tout Dakarois. Il s’agit des trois R: Rèèw ( insolence) , Reuy ( orgueil) et Rèèr (perte de repère) et les trois X, liés au mode de vie et à la promiscuité dans beaucoup de quartiers de notre capitale: Xatt (exiguïté) , Xett (odeurs ), Xasté (disputes et calomnies). Pour prévenir ses risques, il faudrait se munir des trois B que sont bayi bidanté (se lever de bonne heure), bayi wéranté (éviter la polémique stérile) et bayi tééssanté (bannir l’invective).
Ces leçons doivent figurer en bonne place dans le bréviaire de tout étudiant dakarois, y compris ceux qui rêvent de faire partie des dirigeants du Sénégal à l’horizon 2035. Ils espèrent déjà revenir en pélérinage dans leur alma mater. A ce propos, le président vient de nous décomplexer. Nous devons faire notre mea culpa, et nous demander ce que nous avons pu faire pour l’Ucad, qui a consacré nos bases scholastiques.
En attendant, tout ancien de l’UCAD a le droit d’être accueilli dans le campus dortoir. Il fallait avoir le courage de s’y rendre et notre premier chef d’Etat qui a y été entièrement formé, Macky SALL l’a eu.
A.DIOH Docteur en Médecine
* Accords de PartenariatEconomique entre Afrique et Europe
* Chekh Ibrahima FALL hérault de la voie du Mouridisme (1855- 1930 )