Référendum prévu en 2016 : Ces autres questions occultées par la durée du mandat présidentiel

La question de la durée du mandat du président de la République (cinq ou sept 7 ans) a occulté les autres questions sur lesquelles les électeurs vont se prononcer lors du référendum qui s’annonce. Ayant fait le constat de l’ampleur des modifications qu’elle propose, la Commission dirigée par le Pr Ahmadou Makhtar Mbow a proposé dans ses conclusions de passer par la voie référendaire, au lieu d’une « simple » révision constitutionnelle.
En effet, la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) a proposé une mutation du Conseil supérieur de la magistrature (sa composition et le mode de désignation de ses membres), idem pour la Cour constitutionnelle ; elle a surtout mis en avant ce qui serait l’Autorité de régulation de la Démocratie. Cette dernière devrait être la plus visible des réformes à venir ; d’emblée, si le président de la République et sa majorité suivent les recommandations de la Cnri, cette Autorité de régulation de la démocratie aura pour tâche de trouver les consensus au sein de la classe politique, afin de mettre fin à la fameuse liste nationale lors des législatives (la proportionnelle), pour instaurer le scrutin majoritaire à deux tours sur des listes départementales.
Ce qui serait une révolution dans le Code électoral et pourrait donner un nouveau visage à l’engagement en politique. Autres changements proposés : le président de la République ne peut plus être chef de parti ; elle préconise le renforcement de l’indépendance des pouvoirs législatif et judiciaire, et une meilleure distribution des responsabilités au sein de l’exécutif (un Pm « fort »). Pour être élu député, il faudra être le vrai représentant des habitants d’une partie du Sénégal. Toutes les recommandations émises par le think-tank (dont la durée se limitait à une réflexion sur un seul sujet) ont été faites sur la base des recommandations issues de « consultations citoyennes », qui même si elles n’ont pas fait le buzz, ont bel et bien eu lieu.
Thémis, Dame Justice, devra également faire sa toilette.

Le fameux article 6 du statut de la magistrature, devrait disparaître, celui qui assoit le lien hiérarchique entre le ministère de la Justice et les parquets. Il dispose que « les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques, et sous l’autorité du ministre de la Justice, garde des sceaux… Ils peuvent être affectés sans avancement par l’autorité de nomination, d’une juridiction à une autre s’ils en font la demande ou d’office dans l’intérêt du service, après avis du Conseil supérieur de la magistrature ». Cette autorité ainsi déclinée a constitué le fondement de ce qu’on appelle « les instructions » données au parquet. Si les Sénégalais adoptent la réforme, la carrière des magistrats sera entièrement gérée par un Conseil supérieur de la magistrature aux pouvoirs renforcés et débarrassé d’interventions politiques. Les relations entre l’exécutif et le système judiciaire seraient alors de nature administrative et fonctionnelle.

Le système foncier
Un autre grand changement qu’appellent de leurs vœux les commissaires de la Cnri, est celle relative au foncier. Cette « terre », grosse de dangers, qui voit l’avenir même de la classe paysanne menacé par la spéculation dans le long terme. Alors que le système foncier sénégalais est basé sur le principe de l’inaliénabilité des terres du Domaine national et du Domaine public de l’Etat, « il y a dans les faits une aliénation du patrimoine foncier », résume le rapport. Cela prive les paysans de terres, et le Sénégal des « leviers essentiels de sa liberté et de son développement. Sur beaucoup de sujets, la Cnri a constaté qu’il fallait tout simplement…appliquer la loi existante. Le simple respect de la loi qui aménage des techniques et des garanties (utilité publique, indemnisations ou remboursement des impenses), et soumet à autorité législative la vente des biens du Domaine privé de l’Etat, est de nature « à préserver le foncier ».
On voit bien que les sujets passionnels ne manquent pas. Les Institutions sont à un pays ce que le squelette est au corps de l’animal. Si le débat fait florès sur la question du mandat du président de la République, c’est qu’elle concerne d’abord la clé de voûte des institutions : le président de la République. Les Sénégalais, dans leur majorité, sont pour un système présidentiel. Le rappeler peut faire sourire, mais ce n’est pas évident, alors que les demandes de « représentation » se font pressantes.

Ensuite, le « wakh wakhète » (revenir sur ses propos, se renier) a traumatisé le pays et le président Macky Sall était attendu sur le chemin de l’honneur. Sinon, il y a bien des questions autrement aussi importantes que la durée du mandat de la personne qui incarne sa volonté, qui engagent l’avenir de la Nation sénégalaise, et sur lesquelles la nouvelle Constitution apportera des ruptures séculaires, si le Oui l’emporte.
Beaucoup de partisans de la mouvance présidentielle justifient leur futur vote « Non » par leur désir de voir le président Macky Sall présenter un bilan costaud lors de la prochaine présidentielle et faire respecter la Constitution de 2001 (modifiée en 2007) qui stipule que le président de la République est élu pour sept ans. Justement, vu que la réforme des institutions est incontournable, autant procéder à tous les changements tout de suite, et en même temps.

Le référendum est toujours exaltant car c’est un vote au cours duquel il n’y a aucun élu au bout, mais il permet au peuple de se prononcer. Il est aussi un baromètre fiable des liens entre la classe politique, les pouvoirs en général, ce qu’on appelle vulgairement « le système » et le peuple. Ainsi, le taux de participation à un référendum répond très souvent mieux à la question posée que le résultat même du scrutin.

Samboudian Camara (Source  »Le Soleil »)

Michel DIEYE

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