Mali : « Je ne me reproche rien », confie Amadou Haya Sanogo, le chef de l’ex-junte militaire à RFI

Pour la première fois depuis trois ans, il reçoit un journaliste sur son lieu de détention à Sélingué, localité située à 120 km au sud du Mali. Amadou Haya Sanogo, le chef de l’ex-junte militaire malienne (2012-2013) a été arrêté il y a trois ans et inculpé pour « assassinat et complicité d’assassinat » à la suite de la découverte en 2013 d’un charnier contenant les corps et restes d’une vingtaine de militaires « bérets rouges ».

Deux bonnes heures de route, pour se rentre à Sélingué. Dans la ville, un ruban de bitume. Et subitement à gauche, on aperçoit un vaste bâtiment avec des miradors, c’est le lieu de détention du chef de l’ex-junte qui est plutôt en résidence surveillée.

Le général Amadou Sanogo apparaît. Il est de blanc vêtu, dans sa main un chapelet qui ne le quitte jamais. Il nous conduit dans un salon, plutôt modeste où il reçoit ses nombreux visiteurs. Il a droit aux journaux. Un poste téléviseur et une natte de prière sont visibles dans ce salon.

« C’est grâce à Dieu que je garde le moral », dit-il d’entrée de jeu. Assis, on constate qu’il a un peu maigri. Souvenirs ? Il ne veut pas remuer le couteau dans la plaie. L’urgent pour lui est de dire sa vérité.

« Je suis pressé de parler au prochain procès », dit-il. Il affirme que dans l’affaire des militaires bérets rouges retrouvés mort dans un charnier en 2013, il est innocent : « Je ne me reproche rien », martèle-t-il, pressé que la vérité éclate. Il rappelle qu’il a été lui-même victime d’une tentative de putsch quand il était au pouvoir. Il connaît les véritables commanditaires de l’opération.

Amadou Sanogo a l’air vif quand il parle. Il laisse clairement entendre qu’il a des dossiers, de quoi faire trembler certains acteurs politiques maliens, notamment les visiteurs du soir quand il était aux affaires. Mais il tient à rassurer : « J’ai beaucoup de respect pour le président malien IBK ». A la fin de l’entretien, il nous raccompagne. Un de ses trois gardes se met au garde-à-vous.

Quand on dit à Amadou Sanogo que lors du coup d’Etat de mars 2012 le pouvoir lui a été offert sur un plateau d’argent par les véritables auteurs du putsch, il sursaute : « Non ! Non ! Je préparais un coup depuis longtemps. Le 22 mars, j’ai tout simplement profité d’une situation ». Et pour impressionner, il nous regarde droit dans les yeux et affirme : « Après le coup, si des colonels et des généraux de l’armée malienne m’ont suivi, c’est parce que je suis un leader. »

C’est plutôt parce que vous aviez les armes ? Non, réplique-t-il. Les nombreuses arrestations et violations des droits de l’homme quand il était aux affaires ? Il répond : « Je suis intervenu pour apaiser des situations, ordonner des libérations ». Notons que c’est à vérifier.

Pourquoi a-t-il tenté de s’accrocher au pouvoir ? Il dément. Mais l’homme devenu très pieux (un chapelet couleur blanche ne le quitte pas) a aussi de la rancœur : il n’a pas apprécié la médiation du Burkina dépêchée par la Cedeao peu après le putsch. Il se veut aussi menaçant : il a des dossiers bien rangés. Il fait des allusions, croise les jambes et prévient : « Je ne vais protéger personne ».

Que pense-t-il du président malien de transition de l’époque Dioncounda Traoré et de son Premier ministre Diango Sissoko ? « J’ai beaucoup de respect pour eux ». L’actuel président malien ? « C’est un homme de parole. » L’ancien président Amadou Toumani Touré qu’il a renversé ? « Respect ! » L’opposant malien Oumar Mariko ? « C’est comme s’il est de ma famille. » Cheik Modibo Diarra, un autre Premier ministre en 2012 ? Amadou Sanogo ne le porte pas trop dans son cœur. Ça doit être réciproque.

Son procès s’était ouvert fin novembre dernier avant d’être reporté pour complément d’enquête.

Source RFI

Momar Diack SECK
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