Libye: la décision de Rome d’envoyer des navires militaires provoque un tollé

Le feu vert du Parlement italien, donné mercredi 2 août, à l’envoi de navires militaires à Tripoli, suscite de vives réactions dans les deux pays. Selon les informations du Corriere della Sera, la mission serait composée de cinq bateaux et d’un millier d’hommes, appuyés par un soutien aérien. L’Italie est accusée d’atteinte à la souveraineté nationale, tandis que Rome affirme chercher à limiter les arrivées de migrants africains sur son territoire via la Libye.

Fayez al-Sarraj, le chef du Conseil présidentiel libyen, a nié à plusieurs reprises avoir accordé une autorisation qui permet aux Italiens d’agir en large de la Libye, lors de sa visite à Rome il y a 8 jours.

« Le gouvernement n’a jamais autorisé l’Italie à déployer sa flotte dans les eaux territoriales libyennes, pour lutter contre le trafic d’êtres humains et pour stopper les migrants », a réitéré mercredi 2 août le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. Par le passé, les gouvernements successifs de Tripoli avaient d’ailleurs toujours refusé de laisser la mission européenne de secours aux migrants, Sophia, opérer dans ses eaux territoriales.

Pourtant, côté italien, le Premier ministre Paolo Gentilioni assure : « Nous avons reçu une lettre de Fayez al-Sarraj pour assister logistiquement le gouvernement dans les eaux territoriales libyennes avec des bateaux militaires ». C’est ce qu’affirme également le ministère de la Défense à Rome.

Difficile de savoir qui dit vrai, d’autant que le sujet est sensible de part et d’autre de la Méditerranée. Ces déclarations italiennes interviennent en pleine période électorale, tandis que la question de la souveraineté est considérée comme une ligne rouge à ne pas franchir en Libye. Ce qui vaut d’ailleurs à Fayez al-Sarraj d’être régulièrement qualifié de « traître » sur la Toile.

Une question de souveraineté nationale

Mais la plus virulente des réactions est venue de l’homme fort de l’est libyen, le maréchal Khalifa Haftar. Il a intimé à ses forces, mercredi, l’ordre de viser tout navire militaire étranger qui se trouve dans les eaux territoriales libyennes. Ce à quoi les Italiens ont répliqué que ces déclarations n’auront aucun impact réel.

Le Parlement libyen élu a également réagi. Dans un communiqué, il refuse tout accord qui ne passera pas par le législatif, c’est à dire par le Parlement. Il dit que l’exécutif de Tripoli n’est pas reconnu et que l’accord avec l’Italie est illégal. Le communiqué demande à l’ONU de réagir face à cette violation italienne des accords internationaux et de la souveraineté du pays.

Mahmoud Jibril, chef de la plus grande coalition au Parlement exprime une fois de plus sa crainte de voir la Libye se transformer en lieu de réinstallation de tous les migrants. « C’est une volonté chez certains responsables européens », écrit-il. Ali Al Qotrani, un des quatre vice-présidents du chef de Conseil présidentiel libyen (GNA) voit en cette intervention « une atteinte sincère à la souveraineté libyenne ».

Comme à l’Est, des personnalités politiques à l’Ouest ont protesté. Wahid Borshan est membre du Conseil d’Etat, une structure née del’accord de Skhirat. Son rôle est consultatif pour le gouvernement. Ce responsable exprime à son tour sa crainte de voir l’Europe se débarrasser du problème de migrants en le jetant sur les Libyens. Joint par RFI, il exprime son profond étonnement. « Fayez al-Sarraj est allé tout seul, il nous a ignorés » déclare-t-il avant de s’exclamer : « je ne trouve pas de sens à l’envoi d’une flotte. Pourquoi les militaires ! Avec eux les choses dégénèrent toujours, et cela, nous le savons tous ».

A Tripoli, en signe de protestation, les citoyens ont sorti des photos d’Omar al-Mokhtar, le héros libyen pendu par les Italiens sous l’occupation, signe de refus de la présence militaire italienne en large de la Libye. Signe que ce dossier amplifie une fois plus les divisions entre Libyens.

D’ores et déjà, un navire-patrouilleur italien, le Comandante Brozzoni, est amarré depuis mardi dernier à la base militaire navale de Tripoli. En mission de cinq jours, avec plusieurs experts à bord, cette mission « n’entre pas dans le cadre des opérations italiennes dans les eaux territoriales libyennes », s’est empressé de déclarer le porte-parole de la marine nationale du gouvernement de Tripoli.

Source RFI

Momar Diack SECK
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