Lancement de la saison 3 du J.T. rappé : plus innovant et drôlement plus impertinent !

Le lancement, mardi soir au Théâtre national Daniel Sorano, de la saison 3 du ‘’Journal télévisé rappé’’ (JTR), concept artistique innovant, a été la confirmation du talent et de la créativité de ses deux concepteurs, Makhtar Fall ‘’Xuman’’ et Cheikh Sène ‘’Keyti’’, soucieux d’informer sur des sujets sérieux et sur un ton drôlement impertinent.

‘’C’est le bon et le beau Dakar qui est là aujourd’hui’’, lance Keyti, environ une heure avant le début du spectacle, pour parler du public ayant adhéré à l’esprit de cette création née d’un ‘’instinct de survie’’ dans un contexte de crise du disque et des spectacles musicaux, notamment pour le rap.

Pendant un peu plus de 90 minutes, les ‘’journalistes intrus’’, ainsi que les a appelés le slameur Oumar Niang alias Minuss, ont, derrière les pupitres de présentation et dans les vidéos, retourné à leur manière l’actualité nationale et internationale dans des domaines aussi variés que la politique, la santé, la culture, les faits de société, etc.

Précédés de slameurs et d’autres rappeurs ayant fait des play-back, les deux compères ont d’abord dénoncé les travers de la ‘’coopération’’ internationale, laquelle met en scène des ‘’Etats soumis d’Afrique’’ – les jeux de mots ont traversé le spectacle en lui donnant à un triple caractère informatif, éducatif et humoristique. Le tout dans une mise en scène bien huilée.

Avec eux, PSE (Plan Sénégal émergent) rime plutôt avec ‘’déchéance’’, Idrissa Seck se défend : ‘’jusqu’à l’extinction du soleil, personne ne pourra prouver que j’ai perdu le nord’’, le terrorisme (l’Etat islamique, Boko Haram…), la résurgence du virus Ebola, l’économie – avec les APE (Afrique perdante encore ou Accord de pillage économique) sont dénoncés avec la mélodie de la publicité d’une boisson prisée par les enfants.

‘’Le zapping rappé’’ est venu compléter le tableau global dressé par Keyti et Xuman : le portrait d’un monde déprimant, parce que ne tournant pas rond. Ils font rire de situations difficiles voire compliquées comme l’épidémie de la fièvre hémorragique à virus Ebola ou le procès de l’ancien ministre d’Etat Karim Wade. A propos de celui-ci, Xuman retourne le tube ‘’Premier Gaou’’ du groupe Magic System (‘’Premier voleur n’est pas voleur/C’est deuxième voleur qui a bouffé oh).

Ce lancement de la saison 3 du ‘’Journal télévisé rappé’’ a été l’occasion, devant un public conquis et intéressé, d’opérer une ouverture sur l’international, où le ‘’transfert de compétences’’ en la matière (Xuman) a bien fonctionné en Côte d’Ivoire, en Tunisie, en Jamaïque, et bientôt au Japon.

Le public s’est marré, prenant un plaisir fou à voir les vidéos où les deux présentateurs et leurs correspondants se moquent des fabricants de bouillons, des opérateurs téléphoniques en prennent pour leur grade (‘’Ils nous harcèlent avec leurs promos. Ils nous arnaquent avec leurs cadeaux), des ‘’voyants’’, qui ont pris l’habitude de ‘’prédire’’ les issues des combats de lutte ou des scrutins électoraux. Ils se moquent aussi des navétanes, ces championnats populaires devenus des ‘’combats de football, ou encore de l’Université Cheikh Anta Diop devenu un ‘’camp d’entraînement du GMI (Groupe mobile d’intervention)’’

Le ‘’Journal télévisé rappé’’ est une affaire de son temps, de tous les temps : sur le pupitre, les papiers de Keyti côtoient la tablette de Xuman, les deux parlant d’un monde interconnecté grâce aux technologies – ‘’charia 2.0, Gaza : genocide loading -, mais en prise à la barbarie humaine.

Le succès et l’écho retentissant que le ‘’Journal télévisé rappé’’ a, au Sénégal et au-delà de ses frontières, rappelle étrangement l’histoire du mouvement hip-hop au Sénégal. De nombreux acteurs ont apporté leur contribution à la réalisation du projet. Débuté de manière quasi-confidentielle par des illuminés que personne ne prenait au sérieux et aujourd’hui sujet d’intérêt pour public, chercheurs et autres institutions en quête d’influence.

Mardi soir à Sorano, le lancement de la saison 3 ne pouvait s’achever sans une boutade de l’un des deux présentateurs du JTR, Xuman. Il s’est excusé pour le retard apporté au démarrage de la manifestation – 20h 20 au lieu de 19h -, laissant échapper la critique dans un éclat de rire : ‘’au Sénégal, on est en avance d’une heure sur le temps universel’’.

Source APS

Dieyna SENE
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