Entretien avec le consul général du Sénégal à Madrid (suite et fin): …la situation des Sénégalais en lieux de détention, rapatriement des corps, son seul regret…

Aujourd’hui le Consulat du Sénégal gère plus 90.000 Sénégalais sans compter ceux qui nous viennent des pays limitrophes ne pensez- vous pas et surtout pour des prestations de qualité qu’il est nécessaire d’ouvrir des consulats ou bureaux consulaires dans certaines zones comme Barcelone, Andalousie, Iles des canaries pour décongestionner le Consulat qui a largement dépassé sa capacité d’accueil ?

Vous l´avez dit, le Consulat du Sénégal en Espagne, faudrait-il le préciser détient la juridiction sur la totalité du territoire espagnol, caractérisé par une discontinuité géographique avec de nombreuses iles, et il existe une forte demande de la part de nos compatriotes pour l´ouverture de nouveaux consulats du fait de leur éloignement de Madrid. A noter que nous avons sous notre autorité 04 consuls honoraires, à TENERIFE, MALAGA, aux Iles CANARIES et à BACELONE, qui fonctionnent un peu comme des bureaux relais pour prendre en charge certains aspects dans la gestion consulaire, que nous leur avons délégués. Je puis vous annoncer sans risque de me tromper que des réflexions sont menées par la hiérarchie, pour une rationalisation des postes diplomatiques, et je n´ai aucun doute sur le fait que le résultat de ces réflexions sera exclusivement orienté vers la satisfaction de nos compatriotes de l´Espagne et de la diaspora en général.

Pouvez nous faire la situation des Sénégalais qui sont dans les lieux de détention ? Est-ce que des dispositions sont prises pour permettre à ceux qui le désirent de purger leurs peines au Sénégal ?

Au dernier recensement, ils étaient 2331 (159 sur l´ensemble des communautés autonomes, exception faite de la Catalogne : 74). Les différents délits pour lesquels ils ont été arrêtés et détenus sont divers mais les plus connus sont : la vente de drogue et de stupéfiants, les violences et voies de fait, diverses escroqueries et ventes interdites sur les voies publiques.  ( Source : Commissariat Général de police)

Pour ce qui concerne le second volet de votre question, un accord de transfèrement de prisonniers existe entre les deux pays, et nous enregistrons de plus en plus, des demandes de détenus désirant faire l´objet d´expulsion au Sénégal. Il reste que lorsque nous leur annonçons que l´accord ne prévoit pas la libération une fois au pays, ils finissent par désister, préférant purger le reste de leur peine, pour des raisons évidentes liées à la perception qu´ils ont de la dureté des conditions de détention une fois rentrés. Mais l´Etat est parfaitement conscient sur cette question et elle est suivie avec grande attention.

En 2006 Le Sénégal et l’Espagne avaient signé un accord pour des contrats saisonniers ce qui a va valu a beaucoup de nos compatriotes surtout les jeunes filles de vivre des situations regrettables parce qu’elles se trouvaient finalement en situation irrégulière car refusant de retourner au pays. Qu’en est- il aujourd’hui de ces contrats ?

Il s´agit comme je l´ai évoqué plus haut du projet pilote dénommé ´´ GECCO ´´´de migration circulaire, signé entre les deux pays, et prévoyant de faire venir en Espagne de jeunes travailleurs saisonniers dans le domaine agricole.

Je ne saurai être précis sur cette question qui a été pilotée par l´Ambassade du Sénégal en Espagne, en relation avec le Ministère de la jeunesse et l´ANPEJ.

Mais je puis dire que le nouveau Secrétaire d´Etat Moise SARR qui s´est déplacé à Madrid les 03 et 04 octobre 2019, a pu lors d´une audience fructueuse avec son homologue en charge de la Migration, échanger sur les contours de ce projet et ils ont tous les deux réaffirmés la ferme volonté des deux pays, de poursuivre ce programme, en initiant selon les termes de Monsieur le ministre Moise SARR, une approche plus rigoureuse dans le processus de sélection et de formation des candidats, toutes choses sur lesquelles la partie espagnole s´est dite attentive.

La question de la bi nationalité occupe de plus en plus le centre des débats Est-ce que le Sénégal et l’Espagne ont eu abordé ce point au niveau des travaux dans le cadre de la commission mixte paritaire ?

Je ne souhaite pas aborder cette question qui relève des prérogatives de l`Ambassade du Sénégal, puisque relevant de la coopération entre les deux pays

Le Sénégal est reconnu comme le foyer d’une importante diaspora active de par le monde où les questions migratoires sont plus que jamais sur le devant de la scène, compte tenu de votre expérience avérée dans le monde de la migration quelle analyse faites-vous de la politique migratoire du Sénégal ?

Je voudrais noter pour m´en féliciter la parfaite compréhension des enjeux par les plus hautes autorités de notre pays, et j´ai déjà indiqué que notre politique migratoire était en phase de finalisation.

Il me semble qu´au regard du poids démographique, qui en fait une région à part entière, mais aussi politique et économique du fait de sa contribution à la stabilité de notre pays, et enfin culturel parce que exportant notre savoir vivre et notre savoir être, l´émergence de notre pays se fera avec la diaspora ou ne se fera pas.

Il faudrait une réelle prise de conscience au niveau de nos compatriotes qui doivent comprendre les enjeux, et partager la vision des autorités qui travaillent pour leur bienêtre.

La mise en place de certaines initiatives, telles qu´une banque de la diaspora pour leur permettre de contourner la discrimination dont ils sont l´objet au niveau des banques classiques, l´accompagnement des structures de l´Etat comme l´ADEPME, le FONGIP, l´ASEPEX pour leur permettre d´envisager un retour serein au pays, mais aussi l’accompagnement dans leurs pays d´accueil par le renforcement des fédérations d´associations de sénégalais, et des services consulaires, seront autant d´initiatives pertinentes et non exhaustives pouvant aider à ouvrir une nouvelle page grâce à l´émergence d´une diaspora de développement, et sortir ainsi d´une logique de saupoudrage a une logique de levier , comme si justement indiqué par un acteur majeur de la diaspora africaine.

La question des rapatriements des corps constitue un véritable casse-tête pour notre communauté que pensez- vous de la « solution dite Mady Cisse Ba » qui consiste á faire de la carte consulaire un moyen de souscription á l’assurance en augmentant le prix á 50 euros. En effet, le consulat de Paris a procédé la semaine dernière au lancement de ce modèle. Cette question est assez difficile à adresser puisque touchant hélas le versant de la migration avec ce qu´il convient d´appeler, l´envers du décor.

Je voudrais à ce stade préciser que l´Etat du Sénégal à travers le Ministère des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l´Extérieur a régulièrement pris en charge les demandes de rapatriement de corps qui lui étaient présentées grâce à un fonds d´aide et de secours hélas qui n´est pas élastique.

Il reste comme je l´indique souvent à nos compatriotes lors de nos rencontres, que les sénégalais doivent faire preuve de plus de solidarité en adhérant d’abord aux associations et dahiras, mais également en acceptant de mettre en place des caisses dotées de fonds provenant de contributions symboliques annuelles, pouvant leur permettre de prendre en charge les rapatriements de corps. Je salue justement l´expérience que j’ai vu à Palma de Mallorca, ou l´association est dotée d´un fonds avoisinant 100. 000 euros provenant d´une cotisation annuelle de 25 euros. A noter que de façon générale, les sénégalais dans leurs localités s´organisent assez bien pour prendre en charge le rapatriement des corps ainsi que le soutien à la famille du défunt.

Je sais par ailleurs que le Secrétariat d´Etat en charge des sénégalais de l´extérieur travaille sur ces questions, et je pense que de très bonnes nouvelles seront bientôt présentées à nos compatriotes de la diaspora.

Qu’est qui vous a le plus marqué durant votre séjour en Espagne ? Vos regrets ?

Je saisis cette question au bond pour remercier du fonds du cœur tous les sénégalais d´Espagne, qui m´ont permis d´accomplir ma mission avec sérénité, dans ce grand pays aux multiples facettes. Tout naturellement, je fais une mention spéciale à certains leaders d´associations qui se reconnaitront dans mes propos, mais également je rends hommage à l´ensemble du personnel du Consulat Général, dont certains ont fait preuve d´une générosité et d´un professionnalisme a toutes épreuves.

Je note également la grande disponibilité des autorités espagnoles aussi bien gouvernementales que locales à maintenir et développer des relations poussées avec notre pays.

J´ aurais un seul regret peux être, c´est celui de n´avoir pas réussi à voir tous les jeunes sénégalais sortir de prison avant mon départ, et de constater hélas encore que beaucoup de nos jeunes

Entretien réalisé par Momar Dieng Espagne

compatriotes dorment a la belle étoile, et iront dans les centres d´urgence avec l’arrivée de l´hivers.

Comment compter aborder votre nouveau challenge au pays de Felix Houphët Boigny ?

Pour moi comme disait François Sadoux, chaque jour est une vie. Servir le Sénégal en qualité de Consul Honoraire, de Consul général, et bientôt pour la 2e fois, en qualité d´Ambassadeur en Côte d´Ivoire après le Niger, est un honneur singulier que je prends comme une invite à faire plus et mieux pour nos compatriotes qui méritent tellement notre attention. Je pense comme je le disais tantôt à mes collaborateurs que le travail consulaire et, dans une moindre mesure celui diplomatique, est un sacerdoce, une forme d´adoration de Dieu.

J´en veux pour preuve, et pour rester dans l´air du temps, les propos de Serigne TOUBA khadimou Rassoul R.A.A, qui indique clairement dans ¨MASSALIKOUL JINANE´´ ou ´´ LES ITINERAIRES DU PARADIS´´, en son verset 516, la grandeur qui consiste à aider son prochain à satisfaire un besoin légal selon nos possibilités, et celui d´entretenir avec lui de bonnes relations.

Je Suis un soldat au service exclusif du Sénégal !

Votre dernier mot ?

Au moment de quitter mes fonctions de Consul Général en Espagne, pour endosser à nouveau les habits d´Ambassadeur du Sénégal dans ce grand pays ami qu´est la Cote d´Ivoire, ou j´ai du reste vécu durant 10 années exceptionnelles chez AIR AFRIQUE ou j´ai débuté ma carrière professionnelle, je voudrai rendre grâce à Dieu.

Je voudrais remercier mon épouse et mes enfants, mais aussi ma famille et mon marabout, ma mère.

Je remercie encore une fois Son Excellence Monsieur le Président de République pour la confiance renouvelée, et son soutien qui ne m´a jamais fait défaut, tout au long de ces 9 années au service du Sénégal.

Dieu bénisse le Sénégal !

Le pessimisme est d´humeur l´optimisme de volonté …Alain.

Propos Recueilllis Par Momar Dieng Diop Espagne.

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