DEAL MACRON-KAGAME SUR LE PROCHAIN SOMMET DE LA FRANCOPHONIE

Le sommet 2018 de la Francophonie se tiendra les 11 et 12 octobre à Erevan en Arménie. Le Rwanda, pays qui a adhéré au Commonwealth en 2009, pourrait en assumer les rênes.
Le Rwanda à la tête de la Francophonie ? Cela paraît surréaliste compte tenu du fait que ce pays a choisi de ne plus faire du français sa langue officielle. L’hostilité affichée de Kigali à l’égard de Paris à qui il accorde un rôle majeur dans le génocide de 1994 n’a pas fléchi.
La France, à travers son Conseil Présidentiel pour l’Afrique (CPA) mis en place en août 2017 par Emmanuel Macron, sacrifie-t-elle ses sacro-saints principes sur l’autel d’une réconciliation avec l’homme fort de Kigali ? Dans cette contribution, nous avancerons deux hypothèses pour tenter de justifier le soutien de Paris à Kigali.
Première hypothèse :le soutien français est sincère et bien réfléchi. Dans un tel cas, les arguments possibles pourraient être de plusieurs ordres :
• La France voudrait utiliser le succès de ce pays africain rebelle, considéré comme modèle de développement, en ramenant la brebis égarée à l’étable ;
• La France voudrait endiguer le sabordage d’image que lui fait subir le Rwanda, un petit pays africain qui a désormais pris en charge sa destinée hors de toute tutelle françafricaine et qui donne aujourd’hui l’exemple d’un pays autonome, bien géré et conduisant une politique monétaire souveraine. Paris qui craint sans doute que cet exemple fasse tache d’huile, pourrait tenter de ramener le Rwanda dans la zone Franc ;
• La France voudrait promouvoir une normalisation des relations avec le Rwanda, afin de dessiner un axe Kigali-Luanda au service de l’influence française dans la région ;
• Le Président Macron voudrait traduire dans les faits sa conviction en de nouveaux leaderships africains. Il faut ainsi rappeler son premier discours sur l’Afrique prononcé non à Dakar mais à Ouagadougou.
Par ce soutien, la France court le risque certain de laisser les destinées de la Francophonie dans des mains d’un pays peu accommodant diplomatiquement et dont l’idée de revanche par rapport à son rôle supposé dans le génocide semble toujours présente dans l’agenda. Comment la France n’a-t-elle pas eu la lucidité de réaliser que La Francophonie, après l’épisode de Michaelle Jean, avait plus besoin du leadership d’un ancien Chef d’Etat ou d’une personnalité internationale de premier ordre ? Toutes les raisons qui précèdent nous font envisager une seconde hypothèse.
Deuxièmement hypothèse : le soutien français relève plus d’un calcul qui consisterait à soutenir ouvertement mais sans grande conviction la candidature du Rwanda tout en sachant que les réserves exprimées par l’opinion publique française et les appréhensions de nombreux pays de la Francophonie rendraient la tâche difficile. Paris, dans un tel cas de figure, pourrait utiliser son influence diplomatique pour convaincre ses partenaires de voter non pas pour la candidate sortante dont elle considère les résultats peu suffisants, mais envisager une troisième solution consensuelle. Celle-ci s’inscrirait en droite ligne de la stratégie diplomatique de la loterie adoubée par l’ex-Président Hollande qui avait consisté à toujours miser à la fois sur les deux résultats possibles d’une même problématique. Un échec de la candidature du Rwanda dans un tel scénario pourrait présenter des risques pour l’Elysée qui donnerait ainsi l’impression de ne pas assumer ses choix stratégiques. Par ailleurs une telle situation signifierait la perte d’influence de Paris au sein de la francophonie et sans doute la résurgence de ses problèmes avec le Rwanda.
Côté Rwandais, je me demande toujours ce que ce pays cité en modèle et qui fascine de nombreux observateurs de la scène internationale, vient chercher dans une organisation considérée par de nombreux africains comme un outil de promotion des intérêts français. Symboliquement, cette candidature est une faute politique dans un contexte de réflexion approfondie sur des thématiques comme l’abandon du Franc CFA et l’affirmation du leadership de l’Afrique dans le monde. Ce scénario pourrait être motivé par deux arguments. Il pourrait s’agir d’abord de positionner le Rwanda comme une puissance diplomatique qui compte, suite aux récents succès enregistrés avec l’élection du Président Kagamé à la tête de l’Union Africaine. Il faudrait ensuite ménager Paris afin de pouvoir, le moment venu, s’assurer son soutien dans des positionnements géostratégiques majeurs comme la représentation possible de l’Afrique comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies.
Mais quel que soit le cas de figure, Kagamé commet une erreur d’appréciation. Outre les risques liés au ternissement symbolique de son action au service du développement économique de l’Afrique et de l’image positive qu’il projette dans le monde, il arrime le Rwanda à une organisation pratiquement sans avenir.
En effet, la francophonie d’après les chiffres officiels, c’est 77 Etats et gouvernements, dont 58 pays membres et 26 observateurs, soit près de 274 millions de locuteurs (3,9% de la population mondiale). Selon le rapport de Jacques Attali sur la francophonie économique, publié en 2014 et commandité par l’Elysée, l’ensemble des pays francophones et francophiles représentait 8,5 % du PIB mondial, avec 5,4% des réserves internationales de ressources minières et énergétiques. Le rapport n’abordait cependant pas trois réalités inquiétantes : sur les 20 pays les plus riches du monde, seuls 2 sont francophones. A ce constat s’ajoutent deux tendances lourdes du monde francophone : la propension au déclin de son socle unificateur qui est la France et le retard considérable accusé par son espoir de croissance future et, par ailleurs, fondateurs historiques que sont les pays francophones d’Afrique noire.
La France, principal bailleur de la Francophonie, fait face au vieillissement de sa population et un déficit budgétaire colossal couplé à un endettement public hors de proportion (2218,4 milliards d’euro soit 98,5% du PIB en 2017) qui hypothèque ses générations futures.
Le désintérêt croissant des étudiants francophones du monde entier par rapport au système éducatif de la France constituent des indices probants qui montrent clairement que la principale locomotive de la Francophonie est grippée.
Quant aux pays d’Afrique francophone, il est à noter que sur les vingt pays les plus pauvres du monde, quatorze sont francophones. Ces derniers sont dépassés par des Etats africains anglophones, plus entreprenants, plus responsables et faisant preuve de plus de capacités d’innovation.
Le Rwanda pourrait-il apporter un souffle à la Francophonie ? Rien n’est moins sûr. La géopolitique mondiale dicte sa loi en termes de langue. De plus en plus l’anglais sera conforté dans son rôle de langue des affaires. L’avènement d’un monde de plus en plus religieux devrait consacrer l’arabe. Une Puissance chinoise mieux affirmée pourrait elle aussi créer un troisième pôle pour la langue chinoise.
La Francophonie devrait se réformer en s’érigeant comme un creuset culturel et de dialogue entre des peuples ayant une langue en partage. Elle doit s’efforcer de changer la perception que le monde a de ses objectifs stratégiques qui sont toujours intimement assimilés à la volonté de rayonnement de la France. Elle doit éviter de suivre la France dans ses nouveaux engagements sur certains sujets sociaux et culturels, notamment se garder de promouvoir hors ses frontières des projets qui choquent. Il en est ainsi de l’éducation sexuelle en bas âge et de la scolarisation des jeunes filles utilisées comme dérivés subtiles pour aborder le délicat problème de la limitation des naissances, sujet hautement sensible dans certains pays membres. La Francophonie gagnerait aussi à promouvoir une ou deux langues africaines dans le système éducatif des pays du nord.

Magaye GAYE
Président du Parti Politique Sénégalais la troisième Voie
Dakar Sénégal

Saër DIAL

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