ALERTE SUR LA FISTULE : Les plus jeunes en souffrance à Kolda

Dans le but d’accélérer la lutte contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile à travers le renforcement des systèmes de santé de 10 pays d’Afrique subsaharienne, parmi lesquels le Sénégal, l’Unfpa en collaboration avec le Fonds français Muskoka, a organisé une visite de terrain avec les journalistes membres du Réseau santé. La fistule obstétricale qui fait des ravages chez les jeunes de moins de vingt (20) ans a fait l’objet d’intenses discussions au premier jour de la visite.

La fistule obstétricale qui était qualifiée de maladie mystérieuse dans certaines parties des Régions du sud du pays, comme Kolda et Sédhiou, où les femmes âgées étaient les plus touchées, est en train de s’emballer en touchant aujourd’hui plus de jeunes et de moins de 20 ans ou juste. Selon l’Ong Fodde (Forum pour un développement durable endogène), la maladie cible aujourd’hui la tranche d’âge comprise entre 15 et 20 ans. Pour remédier à cette situation qui gâche la vie de jeunes femmes, cette organisation a pu référer l’année dernière 50 femmes.

Pour cette année, ce sont 59 femmes qui ont été reçues dont 55 orientées sur la base de symptômes. Parmi cette couche, 40 ont été confirmées d’avoir la fistule puis réparées dans la région de Kolda dont huit (8) venues de Tambacounda. Pour la région de Sédhiou 25 patientes ont été référées pour douze cas (12) confirmés et réparés. « Pour cette année, ce sont les jeunes de moins de 20 ans qui sont les plus reçus », a confirmé Mame Cissé Diop, responsable genre et service socio de base. Même si les femmes atteintes par cette maladie souffrent psychologiquement et moralement du fait qu’elles sont exclues par la communauté dont elles sont issues, d’autres facteurs viennent aggraver cette affection. Il s’agit des grossesses précoces, le non respect des consultations prénatales, les accouchements à domicile, la référence à temps pour les malades.

Mais aussi, l’excision où Kolda et Sédhiou sont deux régions où les pesanteurs socioculturelles sont très visibles a tendance à corser la donne, sans oublier l’émigration où les émigrés viennent épouser de jeunes filles les engrossent et laisser à eux-mêmes. Les acteurs ont profité de la rencontre avec les journalistes pour déplorer le temps imparti pour la réparation (Un seul camp d’opération tenue pour toute l’année) qui est très court. « Il va falloir qu’on réfléchisse sur la durée de cette opération qui peut être trimestrielle afin de ne pas détruire la vie de ces nombreuses jeunes femmes », a-t-elle plaidé.

Tout en précisant : « Nous continuons de recevoir des malades même après cette tranche ». Mais, l’éloignement des villages et les routes impraticables pour l’acheminement des malades aux postes de santé sont venus s’ajouter à la longue liste des facteurs. D’où l’objet d’une intense communication et une pérennisation de la chose au niveau locale avec les Organisations de la société civiles et les collectivités locales. À cet effet, un travail est fait à ce niveau pour héberger les malades, en attendant que l’hôpital les repère pour ensuite passer à la réparation. L’accompagnement social est aussi important dans ce cas, dira-t-elle, surtout quand il s’agit d’aider la femme guérie à retourner chez elle.

« Là, il va falloir au niveau de la région que les Organisation de société civile, les collectivités locales acceptent de mettre dans leur budget l’hébergement et le transport des femmes à Kolda pour leur prise en charge chirurgicale », a souhaité Mme Diop, qui selon elle, les hommes ont commencé de comprendre cette maladie est comme les autres. « 50 % des femmes étaient accompagnées par leurs maris durant le dernier camp d’opération », a-t-elle salué. La responsable genre et service socio de base de Fodde a fait savoir par ailleurs, qu’il arrive des fois que des cas réparés reviennent, même s’ils sont très rares. D’où l’importance d’un suivi post-opératoire par la Direction de la santé de la mère et de l’enfant (Dsme) qui s’en charge depuis quelques temps de cette maladie avec l’appui de l’Unfpa. Par contre, elle a révélé qu’il arrive parfois à avoir des cas de refus, où l’Ong cherche toujours de les ramener à la raison.
Des stratégies mises en place pour la prise en charge des malades
Pour la prise des femmes ou jeunes filles atteintes de fistule, trois stratégies sont développées au niveau de la région de Kolda par l’Ong Fodde, où la malade continue de faire son bonhomme de chemin. Il s’agit du renforcement de capacité des acteurs communautaires (matrones, les Bajenu Gox, les leaders femmes, les tradipraticiens, les communicateurs traditionnels et les jeunes) qui jouent un rôle très important dans la lutte contre la fistule obstétricale, l’organisation de causeries au niveau des gros villages dans les zones d’intervention, en utilisant les langues du milieu pour la prévention avant d’aller à la réparation et enfin les émissions radios où toutes les langues du milieu sont utilisées afin de faciliter le travail.
Les guéries de la fistule se lâchent
Parmi certaines malades qui sont guéris de ce fléau, d’autres ont préféré apporter des témoignages sur leur vécu et comment elles étaient perçues dans leurs entourages. C’est le cas d’Oumou Kandé, une habitante de Kenewal, une localité située dans la commune de Tanaf, qui, après avoir vécu la maladie près de deux décennies (15 ans), a préféré sortir de l’obscurité qu’elle était pour redonner espoir à sa vie. « Pendant 15 ans que je vivais avec la maladie, j’ai perdu toutes ses relations sociales. On m’a même traité de diable dans le village que j’habitais », s’est confessée. Elle ne pouvait partir nulle part à cause de ses urines qui coulaient sans cesse. Mais aujourd’hui, tout st derrière elle. Elle est a reconstruit sa vie en se remariant et en gagnant sa vie avec la sueur de son front. Mais le cas de Sokhna Sané est plus touchant. Elle qui a accouché d’une jeune fille à l’âge de 15 ans à Tamba, sans aucun soutien de ses proches. Ainsi cet accouchement qui n’a pas eu de suivi à cause du décès de son papa, lui a causé le tort, parce que c’est de là qu’elle a gobé la fistule. Après plusieurs années de souffrance et après avoir dépensé plus de 75 000 F CFA pour se faire soigner chez les tradipraticiens, elle a pu recevoir un communiqué à travers les ondes de la radios, que Fodde est en train de prendre en charge les personnes qui souffrent de la fistule obstétricale. Au début, elle souffrait de maux de ventre mais au fur à mesure elle commençait à perdre ses urines. « Quand j’ai su que je suis malade, je suis partie d’abord chez les tradipraticiens ou j’ai dépensé plus 75 000 FCFA pour le frais de soins sans rien obtenir. C’est par la suite que je suis allée rencontrer les gens de l’Ong Fodde qui m’ont bien aidé jusqu’à ma guérison », a t-elle avoué. Avant d’être guérie de cette maladie, elle avait conseillé à une de ses voisines atteintes également de cette maladie d’aller se faire consulter ; mais en vain. Et cette personne vit toujours avec cette affection.

Saër DIAL

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