66 victimes répartis dans trois pays Un Français jugé pour tourisme sexuel pédophile

Il est l’un des rares Français incarcérés pour crimes sexuels à l’étranger. La justice le poursuit pour une série de faits de viols et de sollicitations de prostitués mineurs. Tout est résumé par ce glaçant bilan chiffré : au moins 66 victimes dans trois pays.

Il  aurait pu être explorateur, médecin ou peut-être même ambassadeur. Il parlait si bien des enfants en tout cas, que ce jour-là, dans une petite salle de quartier de Vannes, le public s’est laissé séduire. Thierry Darantière, alors mince quadragénaire en col roulé noir et fines lunettes, était l’invité de marque de cette modeste soirée organisée par les fondateurs de l’association « Aidons Sri Lanka ». En ce mois de septembre 2007, il y prenait la parole comme grand témoin. « Comme un envoyé spécial », avait glissé un participant en souriant.

Les donateurs l’avaient écouté raconter ses engagements humanitaires, ses cent voyages sur « l’île aux mille parfums » dévastée trois ans auparavant par le tsunami et la « relation de confiance » instaurée avec les villageois. Ce soir-là, dans l’assistance, personne ne se doutait de rien. Arrêté par la police française, Thierry Darantière dort aujourd’hui à la prison de Fleury-Mérogis.

Depuis novembre dernier, les journalistes français de  « l’Obs » a enquêté sur ce personnage qui bénéficie, comme tout accusé, de la présomption d’innocence, mais qui apparaît aujourd’hui aux yeux des autorités françaises comme l’un des visages du tourisme sexuel. Avant une brève audience qui doit se tenir – vraisemblablement à huis clos – ce lundi 20 juin à Versailles, ni son nom ni son histoire n’étaient apparus publiquement.

Fichiers pédophiles

Bien loin de la petite réunion associative bretonne, c’est le FBI qui le premier détecte les sombres réalités du Français. Les Américains s’alarment en février 2011 de transferts de fichiers pédophiles sur internet. Les images, obscènes, n’offrent aucune ambiguïté : de jeunes garçons indiens sont filmés ou photographiés, nus, au côté d’un Européen qui abuse de plusieurs d’entre eux. Les investigations techniques permettent rapidement de remonter le fil des connexions. Elles mènent au domicile de Thierry Darantière et au bureau d’une grande maison de retraite des Yvelines, dont il occupe alors les fonctions de directeur.

Pour l’humanitaire ou le crime ?

En France, hormis la détention de ces fichiers, l’individu ne passe pas à l’acte. Durant ses congés, en revanche, tout bascule.

L’humanitaire était-il une vocation ou un moyen d’assouvir cette addiction ?

Joint par « l’Obs », l’ancien responsable de l’association pour le Sri Lanka, dont Thierry Darantière faisait partie, ne souhaite pas répondre à cette interrogation. Son entourage laisse entendre sa stupéfaction et sa colère. Evidemment, non, personne n’en savait rien. Le sentiment de trahison est tel dans cette petite structure qu’on y reste muet, interdit, incapable d’y croire.

Les voyages, pourtant, ont bien existé. Vingt-et-un déplacements au Sri Lanka pour un objectif qui semble aujourd’hui terriblement flou : était-ce pour l’humanitaire, pour l’agrément, ou seulement pour le crime ?

Durant l’année 2011, choqués, les enquêteurs américains puis français découvrent les photos et vidéos de vacances de Thierry Darantière. Il a méticuleusement stocké des milliers de fichiers dans neuf disques durs. Sombre collection. L’homme se filme en compagnie d’enfants, leur imposant par ruse ou par insistance des jeux sexuels allant jusqu’au viol. Sur l’un des tournages litigieux, d’une durée de plus d’une heure, il circule au milieu du groupe de garçons, mitraillant la scène de son appareil photo tel l’ogre du tourisme sexuel qu’il est alors devenu.

Ils n’avaient ni noms ni prénoms

Un ogre ? Devant le juge d’instruction, Thierry Darantière a admis qu’il avait perdu la notion du bien et du mal et était entré dans une spirale qui l’aurait rendu « malade », lui le « bisexuel à caractère pédophile » qui, de son propre avis, aurait désormais besoin de « soins ».

A le croire, Darantière, lors de ses vacances, aurait d’abord eu recours à des prostitués mineurs presque par hasard : il suivait des garçons sur les plages, leur proposait des tours à moto… Mais très vite, il semble avoir organisé ses congés autour de cette obsession criminelle.

Quarante-et-un garçons âgés de 6 à 17 ans sur les vidéos de vacances de Tunisie. Dix-neuf garçons du même âge filmés au Sri Lanka. Six jeunes garçons apparaissent enfin sur les images ramenées d’Egypte, où il a voyagé à trois reprises, seul ou en compagnie de ses parents. Soixante-six garçons au total dans le stock d’images, presque tous agressés.

Le juge d’instruction Etienne Lesaux et l’Office central pour la répression des violences aux personnes n’ont pu mener cette mission que partiellement : l’Egypte et la Tunisie n’ont jamais répondu aux demandes d’entraide judiciaire internationale. Le Sri Lanka, pour sa part, a largement pris part à l’enquête.

De 60 centimes à 9 euros le rapport sexuel

Ce n’est pas seulement une liste administrative que les enquêteurs sri-lankais et français ont dressée. Le suspect arguant que les actes sexuels avaient été consentis, et même payés, ils ont implacablement et sans autre commentaire, noté ce que chaque adolescent avait reçu en contrepartie.

Pour l’un, alors âgé de 16 ans, ce fut une coupe de cheveux offerte, des boissons fraîches, des biscuits, du fromage et de l’argent. « Entre 60 centimes et 9 euros par rapport sexuel », mentionne le dossier.

Pour un autre, des chaussures et de l’argent. Ou encore des fournitures scolaires et un peu d’argent. Et pour ce garçon de 13 ans, contraint de poser avec son frère de 9 ans, une lampe torche. « 3 à 9 euros par rapport sexuel. » Rien à ajouter.

Sollicité par l’organe français  « l’Obs », Me Frédéric Champagne, l’avocat de Thierry Darantière, n’a pas souhaité apporter de commentaires avant l’audience de ce lundi 20 juin. Plusieurs associations devraient pour leur part annoncer une constitution de partie civile.

Source tempsreel.nouvelobs.com

Momar Diack SECK
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