128ème Pèlerinage de Poponguine L’intégralité de l’homélie de Mgr Jean Noël Diouf

Communiqué

Monsieur le Premier Ministre et tous les membres de la délégation gouvernementale,

Chers Confrères dans l’Episcopat,

Révérend Père Sébastiano SANNA, chargé d’Affaires à la Nonciature Apostolique,

Chers Confrères dans le sacerdoce,

Chers Religieux, Religieuses,

Chers Autorités Civiles, Militaires et Paramilitaires, Religieuses et Coutumières,

Chers Fidèles laïcs, Chers Amis croyants en Dieu,

 

Nous voici aux pieds de notre Dame de la Délivrande, loin de nos occupations quotidiennes, pour disposer nos cœurs et nos esprits à l’écoute du Seigneur « qui a les Paroles de la vie éternelles » (Jn 6, 69).

 

Ce rendez-vous que nous prenons en haute estime, constitue pour nous une démarche de foi qui met en lumière notre besoin de nous mettre en mouvement pour rencontrer  le Seigneur.   

 

En effet, la motivation fondamentale du Pèlerinage pour nous Catholiques, c’est bien sûr, le désir de se ressourcer : dans la foi, la vie de l’Église et la vie fraternelle. Le Pèlerinage doit également être l’occasion d’une démarche de conversion personnelle et collective, d’un temps de prière et de pénitence.

 

Il faut toutefois reconnaitre qu’il peut y avoir pour certains d’autres motivations ou raisons comme par exemple : le fait de changer d’air, de découvrir un site comme celui-ci, le désir de rencontrer des amis, de vendre sa marchandise. Alors, attention ! Car si les motivations secondaires comme celles que je viens de citer prédominent, ou expliquent notre présence ici, il s’agit purement et simplement d’un tourisme, d’une sortie, d’une escapade.

 

Mais j’ose dire sans risque de me tromper (eu égard à toute cette ferveur notée dans les différents sites que sont  la Basilique, la Tente de la rencontre, la Grotte, etc.) que si nous sommes là ce matin ou depuis hier pour certains, c’est parce que nous voulons nous mettre en route avec Marie sur le chemin de la foi.

 

Nous voulons honorer la Vierge Marie et nous mettre à son école pour mieux  servir  l’Eglise et  la société.

 

Chers fidèles du Christ, nous sommes en marche ; j’allais dire en pèlerinage sur la terre.  Et s’il y a une chose dont chacun de nous est sûr c’est qu’un jour notre marche prendra fin. Oui, notre passage sur la terre est bref. En effet, ce qui fait l’importance de notre vie n’est pas tant sa durée que sa qualité.  Alors rappelons-nous constamment que quand on marche on doit se fixer un objectif, sous peine de devenir un errant, quelqu’un qui se ballade, c’est-à dire qui marche sans but. « Un peu comme la feuille morte, qui se laisse aller au gré du vent », comme le dit Jean GUITON.

 

Pour nous éviter d’être des pèlerins errants et que notre passage sur terre ait un sens, le Christ nous en donne le secret. Qui mieux que Jésus pourrait nous aider à être fidèles à notre vocation chrétienne, lui qui, avec générosité a accompli la mission que le Père lui a confiée : celle de nous sauver ? « Je suis venu dans le monde pour que celui qui croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres (…) car je ne suis pas venu juger le monde, mais le sauver » (Jn12, 44. 50). Sur la croix, Jésus nous a montré jusqu’où l’amour peut aller. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13). En le contemplant sur la croix, l’on est tenté de dire : mission accomplie avec brio malgré tous les obstacles.

 

Toutefois, dans l’accomplissement de la mission du Christ, l’on ne peut occulter le rôle hautement important de la Vierge Marie sa Mère qui, elle aussi, a accepté de coopérer au projet de salut de Dieu pour l’humanité. C’est conscients de la place de Marie dans l’histoire du salut que nous nous sommes déplacés jusqu’ici, afin de nous mettre à son école.

 

Notre Pèlerinage de cette année se situe dans le contexte de l’Année Sainte de la Miséricorde que le Pape François a proposée à l’Eglise Universelle. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui explique à suffisance, le choix du thème de cette 128ème édition : « Comme Marie, soyons témoins de la Miséricorde divine » ?

 

Mais pourquoi le Pape François nous a-t-il proposé ce Jubilé extraordinaire de la Miséricorde ouvert le 8 décembre 2015, et dont la  clôture se fera le 20 novembre 2016 avec la Solennité du Christ Roi ?

 

Le Pape donne la  réponse dès les premières lignes de la Bulle d’indiction Miseridordiae Vultus : « Nous avons toujours besoin de contempler la Miséricorde ». Elle est source de « joie, de sérénité et de paix ». Elle conditionne notre salut. Elle est « l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre ».

 

En effet, le Pape François souhaite « ardemment que le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Évangile, où les pauvres sont les destinataires privilège de la Miséricorde divine » (Misericordiae Vultus Numéro 15).

 

Forts de cela, selon le Pape François, « nous sommes parfois appelés à regarder encore plus attentivement sur ​​la Miséricorde afin que nous puissions devenir un signe plus efficace de l’action du Père dans nos vies » (Misericordia Vultus numéro 3). Pour cette raison,  il a proclamé, dit-il, le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde comme un moment privilégié pour l’Eglise.

 

En cela, la Vierge Marie pourra nous servir de modèle pour être témoins de la Miséricorde :  

 

§  « Marie est Mère de Miséricorde »

Sa Sainteté le Pape Jean Paul II, dans son Encyclique « Veritatis Splendor », « La splendeur de la Vérité », au numéro 120, donne à Marie le titre de « Mère de Miséricorde », car elle est, selon lui, celle à qui Jésus confie son Eglise et toute l’humanité ; au pied de la Croix, quand elle accepte Jean comme son fils (Jn19, 27). Ainsi Marie devient Mère de tous et de chacun d’entre nous, la Mère qui nous obtient la Miséricorde divine.

 

A travers notre thème et notre démarche de foi, contemplons et célébrons la Mère qui nous a donnés Jésus Christ en qui est rendue visible la Miséricorde de Dieu invisible. Aux noces de Cana,  Marie se révèle comme la Mère spirituelle des fidèles par son intervention.

 

§  « Marie Reine de Miséricorde »

Ce titre exprime éloquemment la bonté, la douceur, la dignité de la Vierge Marie élevée au ciel. A l’instar de la Reine Esther dont la prière nous est rapportée dans la première lecture, Marie supplie son Fils pour le salut du peuple et pour tous ceux qui se réfugient avec confiance auprès d’elle. Elle est donc la Reine de la clémence. Elle accueille tous ceux qui cherchent auprès d’elle un refuge. Ainsi voudrions-nous la saluer avec cette ancienne prière que nous reprenons parfois aux complies :

« Sous l’abri de ta miséricorde, nous nous refugions, Sainte Mère de Dieu. Ne méprise pas nos prières quand nous sommes dans l’épreuve, mais de tous les dangers délivre-nous toujours, Vierge glorieuse, Vierge bienheureuse ».

 

§  « Marie est aussi témoin de la Miséricorde divine »

A travers son Magnificat, que nous avons écouté dans la page d’Evangile proposée à notre méditation, Marie a reconnu la Miséricorde de Dieu comme la principale motivation du  salut offert en Jésus Christ. Elle chante cette vérité en ces termes : « Il est venu en aide à Israël son serviteur se souvenant de sa miséricorde selon qu’il avait annoncé à nos pères en faveur d’Abraham et de sa race à jamais » (Lc 1,54).

 

Par son oui au projet de Dieu elle participe pleinement dans l’œuvre de salut et possède une vocation spéciale. En conséquence, elle est présente sur tous les chemins de l’Église, et dans sa mission et peut soutenir chacun de nous selon sa vocation, son milieu de vie. De Marie, nous pouvons apprendre à être miséricordieux.

 

A ce stade de notre méditation, il est aisé de reconnaitre qu’à la base de la Miséricorde se trouve l’amour. Car la Miséricorde sans amour est vide et il ne peut y avoir d’amour sans Miséricorde. L’apôtre Paul nous le rappelle fort heureusement : « Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis plus qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit. Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien ». (cf. 1Co1, 1.3).

 

Dans notre monde actuel, nous faisons l’amer constat d’un manque d’amour. Nous sommes ainsi témoins de beaucoup de violences, d’injustices, de fourberies etc. Pas un seul jour ne passe sans que les médias ne nous rapportent des faits divers déplorables.

Eu égard à cette situation, nous pouvons affirmer sans ambages que notre monde a vraiment soif d’actes de miséricorde. «  Des actions charitables par lesquelles nous venons en aide à notre prochain dans ses nécessités corporelles et spirituelles : nourrir les affamés, donner à boire aux assoiffés, vêtir ceux qui sont nus, Accueillir l’étranger, Visiter les malades,  Exhorter les pécheurs, Instruire ceux qui le désirent, Conseiller ceux qui sont dans le doute, Consoler les affligés, Supporter les importuns, Pardonner volontiers, Prier pour les vivants et les morts ». (Catéchisme de l’Église Catholique n° 2447).

Cependant, n’allons pas scruter d’autres cieux où de tels actes devraient êtres posés. C’est ici, là où chacun de nous a été placé par le Seigneur selon sa vocation et dans la sphère de ses responsabilités. Nos pays, nos communes, nos quartiers, nos familles, nos communautés ecclésiales de bases, nos communautés sacerdotales et religieuses, nos services, notre espace politique souvent teinté de violences verbales et même physiques sont des lieux où nous sommes appelés à être témoins de la Miséricorde. Ces différents secteurs ont besoin d’être pacifiés pour cesser d’être des théâtres d’affrontements, de combats, de concurrences malsaines.

 

Frères et sœurs, l’Année Sainte de la Miséricorde est une occasion pour nous de réveiller ou raviver notre charité, nos œuvres de miséricorde. Le Christ dont nous sommes les disciples aujourd’hui a fait preuve de beaucoup de Miséricorde partout où il passait. Il s’est fait proche de ceux qui étaient en marge de la Société. Après son Ascension au ciel, il a confié sa mission à ses apôtres et à nous aujourd’hui. A travers ses disciples, c’est le Christ ressuscité qui se rend présent au monde, qui s’adresse aux hommes des différentes générations, qui vient à eux avec ses actes de miséricorde.

 

A travers son Eglise, Jésus se donne un corps dans le monde et nous comprenons pourquoi Saint Paul dira aux Corinthiens : « Vous êtes le corps du Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part » (1Co 12, 27). Ces mains du Christ qui bénissaient, relevaient, guérissaient, accueillaient, ce sont aujourd’hui nos mains, nos pieds, nos oreilles, pour ceux et celles qui ont besoin d’une main secourable, d’un regard rempli de charité. Dieu n’a de voix, de mains, de pieds que les nôtres pour manifester sa Miséricorde. Les paroles du Christ qui révélaient l’amour du Père, dénonçaient le mal, combattez l’injustice,  pardonnaient, doivent être  les paroles des fidèles chrétiens  que nous sommes. Le cœur du Christ qui se laissait toucher par la souffrance, c’est le cœur de chaque fidèle chrétien. Cela veut dire, que Jésus s’en est remis totalement à nous pour se rendre présent au monde ; qu’il n’a pas d’autre visibilité que celle que nous en manifestons selon notre état de vie.

 

Oui chers fidèles du Christ, est-il besoin de la rappeler,  Jésus s’en remet à nous. Il remet entre nos mains son Evangile. Il s’en remet à notre responsabilité pour signifier sa présence. C’est là l’urgence et la grandeur de la mission que le Christ nous confie.

 

Saisissons cette occasion que nous offre le Pape François avec le Jubilé de la Miséricorde. Si nous prenions pleinement conscience d’être bénéficiaires de la Miséricorde de Dieu, nous serions disposés à en témoigner dans toutes les sphères de la vie. De ce fait, le prochain ne sera plus considéré comme un ennemi à combattre par  tous les moyens parce que nous n’avons pas les mêmes idéaux, ou une échelle qui nous permettrait d’accéder à certains postes de responsabilité. Telle ne doit pas être notre attitude. Cette posture réduit l’homme à un objet dont il faut se débarrasser après usage.

Etre témoin du Christ comme Marie, c’est proposer le trésor de la foi et de la miséricorde dans nos différents milieux de vie.

 

Tout au long de ce jubilé de la miséricorde, gardons à l’esprit et dans le cœur cet appel de la petite Thérèse : « vivez d’amour, ayez des regards qui ressuscitent, des mains qui relèvent, des oreilles qui consolent ». C’est cela la vie à la suite du Christ. C’est ainsi que nous pourrons êtres témoins de la Miséricorde comme Marie. Comme chrétiens assimilés aux Christ, faisons-en une règle de vie « Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7).

 

Plaise au Seigneur de tourner résolument nos cœurs vers lui dont la Miséricorde est inépuisable pour que nous puissions en être les reflets autour de nous. Lui qui est vivant pour les siècles des siècles. Amen.

 Mgr  Jean- Noël DIOUF

Evêque de Tambacounda

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